Soudan. Cinq mois après la signature de l’Accord de paix, la situation des droits humains au Darfour se dégrade

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AFR 54/059/2006

Malgré la signature de l’Accord de paix sur le Darfour, les combats, les déplacements de populations et l’incertitude n’ont fait qu’augmenter au Soudan. La Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS) n’ayant pas été, à ce jour, en mesure de protéger les civils, Amnesty International adresse un nouvel appel au Soudan afin qu’il consente au déploiement d’une force de maintien de la paix des Nations unies chargée de protéger la population civile, et cela sans plus tarder. Le nouveau rapport d’Amnesty International qui sort aujourd’hui sous le titre Soudan. Un besoin criant de sécurité donne une description effrayante de la dégradation des droits humains au Darfour.
Le gouvernement du Soudan a récemment lancé dans le Darfour septentrional la plus grande offensive militaire depuis plus d’un an. On assiste actuellement à des bombardements aériens de grande envergure. Les attaques se caractérisent par des violations graves du droit international humanitaire, et notamment par leur nature disproportionnée et aveugle ; des civils sont directement attaqués. Souvent, des dispensaires et des écoles – comme ce fut le cas de celle d’Al Hassan le 29 juillet – semblent être pris pour cibles. Tout récemment, le 27 septembre, lors du bombardement de Kusa Kurna, près de Sayah, au nord-est d’El Fasher, trois femmes ont été tuées : Halima Issa Abaker, et les deux soeurs Maryam et Hawa Ishaq Omar.

Le rapport décrit comment les Janjawids ont acquis quasiment le contrôle total d’une grande partie du Darfour occidental et occupent, progressivement, les terres qui se sont vidées lors des déplacements forcés de populations menés en 2003 et 2004. Les personnes déplacées sont pratiquement prisonnières des camps, tandis que les forces gouvernementales soudanaises et les Janjawids continuent de se rendre coupables d’homicides illégaux, de déplacements forcés, d’enlèvements et de viols.

Un homme masalit du village de Tomfoga, Darfour occidental, témoigne :
« Les Janjawids nous ont chassés de nos maisons. Ils sont toujours là, ils nous attendent […] Si un homme s’éloigne pour aller à son champ, ils le frappent. Si c’est une femme… ils font tout aux femmes. »

Le conflit s’étend actuellement dans l’est du Tchad. Les Janjawids ont commencé à attaquer des civils au Tchad, de l’autre côté de la frontière par rapport au Darfour, vers la fin de 2005, et ces attaques continuent encore à l’heure actuelle. Les habitants des villages attaqués ont établi des liens avec des groupes armés du Darfour qui s’opposent au gouvernement soudanais et qui recrutent maintenant des combattants dans ces mêmes villages. Pour mettre fin aux agressions de civils et empêcher le conflit de s’étendre, il faut faire cesser immédiatement les attaques au-delà des frontières.

La MUAS n’a pas été en mesure de protéger efficacement les civils, ainsi qu’en ont témoigné de nombreux habitants du Darfour actuellement réfugiés dans l’est du Tchad au cours de leurs entretiens avec des délégués d’Amnesty International. La MUAS s’est révélée impuissante devant les attaques des forces gouvernementales et des Janjawids ; en outre, elle n’a pas enquêté sur les violations de cessez-le-feu, alors que cela faisait partie de son mandat. L’incapacité de protéger les civils dont la MUAS a fait preuve à maintes reprises au cours de ces dernières années l’a discréditée aux yeux des habitants du Darfour. Ceux-ci attendent maintenant des Nations unies qu’elles leur assure la protection dont ils ont tant besoin.

Un autre réfugié cité dans le rapport a déclaré aux délégués d’Amnesty International au Tchad :

« L’Union africaine n’est pas présente dans le camp pour personnes déplacées, ni à Mornei, mais ses soldats vont souvent en ville quand ils ont des choses à y faire. Quand ils sont présents, les Janjawids n’osent pas attaquer. L’Union africaine ne s’intéresse pas aux personnes déplacées. Elle ne prend aucune mesure à la suite de nos plaintes. Lorsqu’une fille se fait violer à proximité du camp, la seule chose que font les membres de la MUAS est de la ramener au camp. Ils ne font aucune enquête. »

Tout au long du conflit, les habitants du Darfour ont enduré des souffrances incommensurables. Amnesty International prie les membres du Conseil de sécurité des Nations unies et de l’Union africaine de faire en sorte qu’ils obtiennent le consentement du Soudan au déploiement d’une force de maintien de la paix de l’ONU, et de renforcer les moyens de la MUAS afin qu’elle puisse protéger les civils jusqu’à l’arrivée de ces troupes.

Amnesty International prie le gouvernement du Soudan de :
 consentir au déploiement d’une force de maintien de la paix des Nations unies au Darfour conformément à la résolution 1706 du Conseil de sécurité ;
 permettre à la MUAS de poursuivre sa mission au Darfour en attendant le déploiement de la force de maintien de la paix des Nations unies ;
 mettre un terme à toutes les violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains commises dans le cadre de l’offensive militaire en cours.

Amnesty International prie instamment les groupes armés faisant partie du Front de salut national de :
 prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que leurs troupes ne commettent pas d’atteintes au droit international humanitaire, et notamment qu’elles se conforment à l’obligation de ne pas s’installer parmi la population civile du Darfour.

Amnesty International exhorte les membres du Conseil de sécurité et de l’Union africaine à :
 élaborer une position commune pour obtenir le consentement du Soudan au déploiement de la force de maintien de la paix des Nations unies au Darfour ;
 renforcer la MUAS pour lui permettre de remplir son mandat de protection des civils en attendant l’arrivée de la mission des Nations unies.

Le rapport : Soudan : Un besoin criant de sécurité est disponible
ici

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