SOUDAN : Conclusions préliminaires de la mission d’Amnesty International

Index AI : AFR 54/003/2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Les délégués d’Amnesty International qui visitent le Soudan dans le cadre de la première mission officielle autorisée depuis treize ans ont salué l’ouverture croissante du pays, mais se sont inquiétés de la poursuite de certaines pratiques, telles que la détention arbitraire et au secret, les procès inéquitables, le recrutement forcé d’enfants par les deux parties au conflit armé et les déplacements de civils provoqués par ce conflit.

« Le fait de détenir au secret des étudiants, des dirigeants associatifs ou des opposants politiques pendant des périodes pouvant aller jusqu’à neuf mois avant de les relâcher sans inculpation ni procès constitue une violation des droits humains les plus fondamentaux », a déclaré Andrew Anderson, directeur du Programme régional Afrique d’Amnesty International et chef de la délégation.

L’organisation appelle le gouvernement à abroger les articles de la Loi relative à la sécurité nationale qui permettent de tels maintiens en détention sans aucun contrôle judiciaire et qui octroient une immunité aux agents des forces de sécurité. Amnesty International a rencontré plusieurs victimes qui avaient été torturées pendant ces périodes de détention au secret.

Lors d’une visite dans la région du Darfour, les délégués se sont aussi inquiétés du manque de dispositions relatives à l’équité des procès dans les tribunaux d’exception, et ont déploré les homicides de civils commis dans le cadre de ce qui est qualifié d’« affrontements ethniques ».

« Le gouvernement soudanais devrait intensifier ses efforts pour impliquer les dirigeants des différentes communautés dans un processus de réconciliation », a déclaré Amnesty International.

Pendant la mission, le gouvernement soudanais a arrangé toute une série de rencontres avec des ministres, des représentants de l’État, des particuliers et des organisations à Khartoum et dans le Darfour.

« Nous nous réjouissons d’avoir pu engager avec le gouvernement soudanais un dialogue ouvert et constructif sur les droits humains et nous espérons que cette ouverture est le signe d’un engagement à prendre des mesures concrètes pour réduire le nombre de violations des droits humains », a précisé Amnesty International.

Lors de leurs rencontres avec des représentants du gouvernement et d’organisations de défense des droits humains, ainsi que d’organismes internationaux, les délégués d’Amnesty International ont souligné l’importance d’inclure dans le processus de paix des mécanismes concrets destinés à renforcer la surveillance et la protection des droits fondamentaux.

Les délégués de l’organisation ont aussi visité la prison de Shalla, au Darfour, et y ont rencontré des prisonniers condamnés à mort. « L’un des hommes avec qui nous avons parlé nous a dit que son procès n’avait duré qu’une heure ; un autre a raconté qu’il avait été jugé et condamné à mort sans même avoir pu bénéficier de l’assistance d’un avocat », a déclaré Andrew Anderson. « Or, dans des affaires comme celles-ci, où les suspects sont passibles de la peine de mort, il est crucial que les normes fondamentales relatives à l’équité des procès soient respectées. »

Les autres motifs de préoccupation évoqués par Amnesty International sont, entre autres, les suivants :
• La liberté de la presse et la liberté d’association. Amnesty International reconnaît l’existence d’un certain nombre d’améliorations récentes dans ce domaine, telles que la suppression de la censure avant publication. Néanmoins, bien que la Loi de 1999 relative à la presse établisse un Conseil national de la presse chargé de réglementer ce domaine, les responsables des forces de sécurité continuent de fixer des limites à ne pas franchir en ce qui concerne ce que les journaux peuvent ou ne peuvent pas publier. Ainsi, le rédacteur en chef du journal al Watan a appris par la radio, le 28 décembre 2002, que son journal était suspendu ; un mois après, ce journal est toujours fermé. Par ailleurs, un certain nombre de réunions de partis politiques et d’autres groupes ont été interdites.

« Il est essentiel de garantir la liberté d’expression, en particulier maintenant que le pays est engagé dans un processus de paix », a souligné Amnesty International.

• Le recrutement forcé d’enfants soldats, principalement par les milices du sud alliées au gouvernement soudanais, s’est poursuivi ces dernières semaines dans la région de Bentiu. Amnesty International a aussi reçu des informations selon lesquelles, depuis le 23 décembre, des jeunes auraient été enlevés à Khartoum, semble-t-il pour être engagés dans les forces armées, sans avoir la possibilité d’avertir leurs familles.
• Les personnes déplacées à l’intérieur du pays. Les représentants d’Amnesty International ont visité un certain nombre de camps de personnes déplacées aux alentours de Khartoum et ont interpellé le gouvernement au sujet des besoins humanitaires urgents de la population de ces camps. Ils se sont aussi renseignés sur les mesures qui étaient prises pour préparer le retour volontaire de ces personnes dans le cadre du processus de paix.

Enfin, ils ont rencontré le vice-président de l’université de Khartoum et ont dénoncé le fait que le rapport de la commission d’enquête créée par le ministère de l’Intérieur au sujet de l’usage abusif de la force par les policiers contre des étudiants de l’université n’ait pas été rendu public.

« Des étudiants des universités de Khartoum, de Bahr el Ghazal et d’El Fasher ont été détenus au secret pendant des périodes allant jusqu’à deux mois. Certains ont été sévèrement battus dans les bureaux de la Sécurité nationale. Par la suite, plusieurs dizaines d’entre eux ont été renvoyés dans le cadre de processus arbitraires et manquant de transparence. »

Amnesty International a salué l’engagement pris par le wali (préfet) du Darfour de lancer un processus de révision des exclusions prononcées à l’encontre des étudiants de l’université d’El Fasher.

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