SOUDAN : Crise dans le Darfour - besoin urgent d’une commission d’enquête internationale et d’observateurs

Index AI : AFR 54/026/2003

Tandis que la situation s’aggrave dans le Darfour, à l’ouest du Soudan, Amnesty International demande que le Darfour soit inclus dans l’opération de surveillance du respect des droits humains mise en place au titre du processus de paix. Une commission d’enquête internationale et indépendante devrait également être envoyée dans le Darfour pour y enquêter sur la détérioration de la situation.

« Au moment où s’ouvrent des pourparlers de paix devant mettre un terme à vingt années de conflit au cours desquelles deux millions de personnes sont mortes et 4,5 millions d’autres ont été déplacées, la communauté internationale ne doit pas regarder en silence s’opérer le choix d’une solution militaire à des problèmes de droits humains qui ferait s’enfoncer une autre partie du Soudan dans le désastre », a déclaré l’organisation.

Au cours de ces dernières années, des groupes nomades de la région ont tué des centaines de civils parmi des groupes d’agriculteurs sédentaires du Darfour comme les Four, les Zaghawa et les Masalit, brûlant leurs maisons et volant le bétail et des chèvres.

Lors du dernier épisode tragique, le 23 avril 2003, des membres armés de groupes nomades, certains portant des uniformes et décrits comme des membres d’une milice gouvernementale, ont attaqué des hommes qui se trouvaient près de la mosquée de Mulli, dans l’ouest du Darfour, à quinze kilomètres au sud de Geneina, capitale de l’État. Cinquante-cinq personnes ont été tuées, au moins vingt autres ont été blessées, des animaux domestiques ont été tués ou volés.

Le vendredi 25 avril s’est déroulée à Geneina une manifestation pour protester contre ces homicides et contre le fait qu’aucune arrestation n’ait eu lieu ; le bureau du gouverneur a été brûlé ; les forces de sécurité ont tué un manifestant et arrêté un certain nombre de personnes dont Munira Abdel Rahman Bahr al-Din, sœur du sultan de Masalit, qui aurait été à la tête de la manifestation. Au moins un policier a également été tué.

Des milliers de villageois ont fui leurs villages depuis le 11 avril, après des attaques perpétrées par les forces gouvernementales et des milices arabes organisées par le gouvernement combattant contre l’Armée de libération du Soudan (SLA, Sudan Liberation Army, formée en février par des membres de groupes sédentaires de la région) dans la région de Koutoum, au nord du Darfour. Selon certaines informations, la nourriture commencerait à manquer mais du fait de la présence des militaires dans la région il est extrêmement difficile d’obtenir des informations sur les personnes ayant fui leurs villages. Koutoum est actuellement sous couvre-feu du lever du jour au coucher du soleil, le téléphone est coupé et des points de contrôle ont été installés sur les routes de la région.

Le 25 avril, l’Armée de libération du Soudan a attaqué l’aéroport militaire d’el Facher, la capitale du Darfour septentrional ; deux Antonovs et quatre hélicoptères Apache auraient été endommagés.

« Il ne faut pas qu’une escalade se produise dans ce conflit dont personne ne veut et qui pourrait être résolu par des recommandations claires et des mécanismes de protection des droits humains fondamentaux, a déclaré Amnesty International. La communauté internationale doit agir ! »

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à el Facher en janvier 2003 ; ils ont parlé de la situation avec des représentants du gouvernement soudanais, des villageois ayant été victimes d’attaques et des avocats locaux. Amnesty International a lancé un appel au gouvernement soudanais en février pour qu’il établisse une commission d’enquête indépendante et mette en œuvre ses recommandations. Cet appel a été salué par de nombreuses personnes dans le Darfour et au-delà.

Toutefois, l’occasion de comprendre les facteurs complexes ayant conduit à la dégradation de la situation actuelle et d’identifier des mécanismes de protection des droits humains a été perdue.

« Les populations du Soudan ne doivent pas souffrir plus longtemps de la guerre et de son cortège d’atteintes aux droits humains et de souffrances. Une commission d’enquête internationale et impartiale doit être diligentée dans les meilleurs délais pour identifier les causes complexes de la crise ; elle doit pouvoir faire des recommandations ayant force d’obligation pour y mettre un terme, dans le respect des droits humains ; une telle commission pourrait permettre un cessez-le-feu immédiat. »

Une commission d’enquête internationale indépendante pourrait être mise en place par l’Union africaine ou l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité des Nations unies. Des ressources suffisantes devraient être mises à sa disposition ; les membres de cette commission d’enquête devraient être indépendants et posséder une bonne connaissance de la région et de ses problèmes. Toutes les autorités concernées devraient être dans l’obligation de coopérer pleinement à l’enquête et d’accorder à ses membres libre accès aux personnes, lieux et documents qu’ils souhaiteraient voir. Les conclusions de l’enquête devraient être rendues publiques et les recommandations de la commission mises en œuvre.

Dans le contexte des pourparlers de paix, le gouvernement du Soudan a accepté qu’une commission d’enquête indépendante internationale soit constituée pour enquêter sur les enlèvements et accusations d’esclavage lors de la guerre civile.

« Des enquêtes indépendantes sérieuses peuvent mettre en lumière les facteurs complexes à l’origine des atteintes aux droits humains fondamentaux qui se sont produites dans la région et suggérer des mécanismes de respect des droits humains pour les résoudre », a déclaré Amnesty International.

Complément d’information

Bien qu’au départ le gouvernement soudanais ait semblé cherché une solution pacifique à la situation dans le Darfour - l’Assemblée nationale soudanaise a mis en place un comité d’urgence sur le Darfour et une assemblée consultative de citoyens du Darfour a fait des recommandations pour mettre un terme au conflit de façon pacifique - le gouvernement a déclaré fin mars que les exigences de l’Armée de libération du Soudan (SLA, formée par des groupes sédentaires de la région) étaient trop élevées et qu’il avait décidé de mettre un terme au conflit par des moyens militaires.

En avril, après d’intenses pressions par le gouvernement soudanais, la Commission des droits de l’homme des Nations unies a voté contre le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Soudan qui, dans son rapport aux Nations unies sur la situation des droits humains dans ce pays, avait souligné la dégradation de la situation dans le Darfour. La perte du Rapporteur spécial des Nations unies remet encore davantage en cause une surveillance externe des atteintes aux droits humains au Soudan.

Les négociations de paix se poursuivent au Kenya sous l’égide de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de médiateurs internationaux. Le Darfour, dans le nord du Soudan, n’a toutefois pas été inclus dans les pourparlers de paix, non plus que la surveillance du respect des droits humains censée accompagner la paix.

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