SOUDAN - Des étudiants passés à tabac et arrêtés seraient torturés dans des « maisons fantômes »

Index AI : AFR 54/003/2006

Amnesty International a appris que le samedi 11 février 2006, aux alentours de midi, des membres des forces de sécurité et de la police armée sont arrivés à bord de quinze voitures à l’université de Juba, à Bahri, au nord de Khartoum ; ils avaient été appelés par des responsables de l’université. Sans avertissement, ils ont commencé à matraquer un groupe d’étudiants qui s’étaient rassemblés pacifiquement devant le bâtiment de l’administration.

Au cours de l’échauffourée qui a suivi, des étudiants ont mis le feu à cinq véhicules (pour la plupart propriété des services administratifs de l’université), incendié trois cafétérias et une partie de la bibliothèque de l’établissement.

Un grand nombre de jeunes gens ont été arrêtés. Ceux qui n’avaient pas été arrêtés se sont enfuis vers les quartiers proches de Bahri. Les policiers les ont poursuivis et en quelques heures, un certain nombre d’étudiants présumés, susceptibles d’avoir participé à la manifestation, ont été arrêtés et emmenés au poste de police de Um Deriyo, à Bahri-Khartoum nord. Deux cents personnes ont été arrêtées au total - 149 femmes et 51 hommes. À la suite de l’appel lancé par un représentant du Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS), les jeunes femmes ont été remises en liberté à 17 h00 sans être inculpées. Les représentants de la Mission des Nations unies au Soudan (MINUS) n’ont pas obtenu l’autorisation de rencontrer les détenus.

Selon une source crédible, les détenus ont été transférés à la nuit tombée dans des centres de détention non officiels de la sécurité nationale connus sous le nom de « maisons fantômes », où ils auraient été torturés. Les détenus seraient également privés de nourriture, n’auraient pas été autorisés à consulter un avocat et n’auraient pu contacter leurs familles.

Les raisons invoquées pour justifier le maintien en détention des 51 étudiants vont de la destruction de biens publics à l’incendie volontaire, en passant par les troubles à l’ordre public et les crimes contre l’État - passibles de la peine de mort. L’affaire n’a pas été portée devant l’autorité judiciaire et la légalité de leur détention n’a fait l’objet d’aucun examen.

« Nous condamnons le recours excessif à la force par la police et les forces de sécurité et appelons les autorités soudanaises à respecter le droit à un procès équitable des personnes arrêtées et détenues, notamment le droit de comparaître dans les plus brefs délais devant une autorité judiciaire, le droit de consulter un avocat, de contacter sa famille et de voir un médecin », a déclaré Amnesty International.

L’organisation a demandé au gouvernement soudanais de veiller à ce que les personnes détenues ne soient soumises à aucune forme de torture ou autre traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant ; Amnesty International demande également au gouvernement soudanais de faire en sorte que les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains soient poursuivis et jugés conformément aux normes internationales d’équité des procès.

L’organisation appelle enfin les autorités soudanaises à permettre aux observateurs de la mission des Nations unies, chargés de veiller au respect des droits humains au Soudan, d’entrer en contact avec les détenus.

Complément d’information

À la fin des années 80, le gouvernement soudanais a transféré l’université de Juba du sud vers le nord du Soudan, pour des raisons de sécurité liées à la guerre. Promesse a été faite en janvier 2006 aux étudiants de l’université de Juba, dont beaucoup sont originaires du sud, de re-transférer leur établissement à Juba, dans le sud du pays, où il se trouvait à l’origine. L’université de Juba est actuellement installée sur un terrain appartenant à un institut de l’université du Soudan.

Les retards pris dans le retour vers Juba s’expliquent par le manque d’infrastructures et de locaux à Juba, même si quelques bâtiments existent bien sur place. Le 11 février, les étudiants ont adressé une lettre aux responsables des services administratifs de l’université. Ils demandaient entre autres que l’université arrête la construction de nouvelles structures à Khartoum et construise à Juba à la place. Selon les étudiants, la construction de nouvelles structures à Khartoum indique qu’ils ne retourneront pas à Juba. Le 11 février, ils s’étaient rassemblés devant les bureaux de l’administration pour attendre une réponse à leur lettre. On leur a déclaré que l’administration n’était pas en mesure de répondre à leurs revendications. Trois heures plus tard, les responsables de l’université appelaient la police pour disperser la foule, jusqu’alors pacifique.

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