Communiqué de presse

Soudan du Sud. Halte au harcèlement et à la détention de journalistes

[Djouba, 3 mai 2013] – Au Soudan du Sud, le harcèlement et la détention illégale de journalistes par les forces de sécurité porte atteinte à la liberté d’expression, ont déclaré l’Agence soudanaise pour l’indépendance des médias (AIM), Amnesty International, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Human Rights Watch vendredi 3 mai 2013, à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse.

Depuis l’indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011, les forces de sécurité de ce pays soumettent régulièrement des journalistes et des rédacteurs en chef à des actes d’intimidation et à des arrestations et détentions illégales en lien avec le contenu de leurs articles. Les organisations ci-dessus demandent que cesse le harcèlement, dont elles ont recensé de multiples exemples, souvent aux mains du Service national de la sûreté (NSS), organe de sécurité dont le mandat et les fonctions n’ont jamais été définis par la loi et qui n’est nullement habilité à procéder à des arrestations ni à des incarcérations.

« Ces dernières années, les autorités du Soudan du Sud sont loin d’avoir fait le nécessaire pour mettre un terme à la détention illégale de personnes travaillant dans les médias », a déclaré Daniel Bekele, directeur en charge de l’Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement doit maîtriser ses forces de sécurité, enquêter sur toutes les attaques visant des journalistes et en poursuivre les auteurs. »

Le Soudan du Sud ne dispose d’aucun organisme officiel chargé de réglementer les médias. Les forces de sécurité pratiquent une censure de fait par le biais du harcèlement et des détentions illégales.

« Les journalistes du Soudan du Sud pratiquent de plus en plus l’autocensure en raison du harcèlement auquel leur travail les expose », a souligné Netsanet Belay, directeur du programme Afrique d’Amnesty International. « C’est extrêmement préoccupant et en totale contradiction avec la Constitution du Soudan du Sud, qui impose au gouvernement de garantir la liberté de la presse. »

De nombreux journalistes indiquent qu’ils s’abstiennent d’eux-mêmes d’aborder les sujets sensibles, comme la corruption et la politique interne du parti au pouvoir – le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS) –, soit parce que des membres des forces de sécurité leur ont dit de ne pas en parler, soit parce qu’eux ou leurs collègues ont été récemment intimidés ou incarcérés pour avoir traité de sujets de ce type.

Le 5 décembre 2012, Isaiah Abraham, chroniqueur et journaliste célèbre, a été abattu par des hommes armés non identifiés devant son domicile, à Djouba. Selon les médias, cet homme, qui critiquait souvent le gouvernement dans ses articles, avait reçu un certain nombre de menaces, dont des appels téléphoniques et des textos anonymes lui ordonnant d’arrêter d’écrire.

Les autorités ont vite réagi en condamnant cet assassinat et en diligentant une enquête. Toutefois, les assassins n’ont toujours pas été identifiés et un fonctionnaire proche de l’enquête a confié à Human Rights Watch qu’il doutait qu’ils le soient un jour.

Le Soudan du Sud a perdu 12 places dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières et se retrouve à la 124e place sur 180 en raison des pratiques brutales de ses forces de sécurité à l’égard des journalistes, ainsi qu’à la suite de l’assassinat d’Isaiah Abraham.

Le Soudan du Sud ne dispose pas encore de lois relatives aux médias, bien que trois projets soient en cours d’examen devant le Parlement. Les rédacteurs en chef et les journalistes expliquent que, en l’absence de lois établissant un mécanisme juridique de protection de la liberté de la presse et des journalistes dans leur travail, ils sont particulièrement vulnérables au harcèlement, aux arrestations arbitraires et à la censure. Les organisations citées plus haut appellent le Parlement du pays à adopter dans les meilleurs délais des lois relatives aux médias conformes aux normes internationales afin d’améliorer la protection de la liberté d’expression, des médias et de l’accès à l’information.

Le Soudan du Sud doit aussi ratifier rapidement les principaux traités relatifs aux droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Les quatre organisations estiment que ces ratifications renforceraient la protection de la liberté d’expression et d’autres droits fondamentaux.

Ces organisations appellent en outre le gouvernement du Soudan du Sud à mener dans les plus brefs délais des enquêtes efficaces et impartiales sur les allégations de menaces et d’agressions contre des journalistes et d’autres personnes travaillant dans les médias, et à demander des comptes aux responsables de ces actes conformément aux normes internationales.

Les arrestations et le harcèlement de journalistes sont des violations de la liberté d’expression et d’opinion, reconnue à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à l’article 24(2) de la Constitution de transition du Soudan du Sud, adoptée en 2011.

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