Communiqué de presse

Soudan du Sud. Les livraisons d’armes alimentent les atrocités dans un conflit oublié

Un flux d’armement militaire en provenance de la Chine, du Soudan et de l’Ukraine est à l’origine des attaques menées sans discrimination à la fois par les forces armées du Soudan du Sud et par les groupes d’opposition armés, affirme Amnesty International jeudi 28 juin dans un nouveau document.

Dans ce document, intitulé Overshadowed Conflict, Arms supplies fuel violations in Mayom County, Unity State (voir ci-dessous), Amnesty International étudie l’impact des approvisionnements irresponsables en armes, munitions et armements et de leur mauvaise utilisation, qui occasionnent des victimes au sein de la population civile et entraînent le déplacement de milliers de personnes.

Des dizaines de personnes ont été tuées ou blessées, ont vu leur foyer être détruit ou ont été forcées de fuir en raison des attaques menées de manière indiscriminée en 2010 et 2011 par l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS), qui forme désormais l’armée régulière du Soudan du Sud, et l’Armée de libération du Soudan du Sud (ALSS), groupe d’opposition, contre des zones civiles du comté de Mayom, dans l’État d’Unité de l’actuel Soudan du Sud.

À l’approche du premier anniversaire de l’indépendance du Soudan du Sud, et quelques jours à peine avant que les gouvernements du monde entier se réunissent au siège des Nations unies à New York pour des négociations autour d’un traité sur le commerce des armes d’une importance capitale, Amnesty International réclame un traité solide établissant des règles qui visent à mettre fin aux transferts d’armes irresponsables à destination d’acteurs susceptibles de les utiliser pour commettre de graves violations des droits humains et des crimes de guerre.

« Les gouvernements doivent immédiatement cesser de fournir au Soudan du Sud des armes classiques qui sont utilisées pour commettre des violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains tant que des systèmes adaptés de formation et d’obligation de rendre des comptes n’auront pas été mis en place », a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.

Amnesty International a réuni des informations sur de graves violations des droits humains commises par toutes les parties au conflit à l’aide d’un large éventail d’armes, notamment :

  des munitions neuves fabriquées en 2010 au Soudan, utilisées par les groupes d’opposition armés ;

  des mines antichars fabriquées en Chine et récemment posées sur les routes de l’État d’Unité ;

  des obus de mortier neufs fabriqués en 2010, probablement au Soudan, et utilisés par les groupes d’opposition armés qui bombardaient sans discernement des zones habitées par des civils ;

  des chars de combat T-72 fournis par l’Ukraine et dont l’utilisation au combat par les forces armées du Soudan du Sud pour des frappes aveugles contre des habitations civiles a été confirmée pour la première fois.

À plusieurs reprises, des civils ont été blessés ou tués au cours d’affrontements entre l’APLS et l’ALSS. Les habitants ont décrit des tirs et des bombardements aveugles.

L’APLS semble vouloir justifier ces attaques conter les civils et leurs biens en affirmant que les habitants soutiendraient les groupes d’opposition armés.

Le 29 octobre 2011, des dizaines de civils ont été blessés ou tués et plusieurs maisons ont été détruites au cours de combats entre l’APLS et l’ALSS dans la petite ville de Mayom.

Des chars de combat T-72 fournis par l’Ukraine ont été utilisés par l’APLS lors de ces attaques. Ces chars ne sont absolument pas adaptés aux affrontements en ville car ils ne permettent pas de faire la différence entre des biens de caractère militaire ou civil en milieu urbain.

Amnesty International a pu confirmer la présence de cinq chars de combat, dont trois T-72M1, dans le centre de Mayom au premier semestre 2012.

La livraison clandestine, en 2009, de ces chars en provenance d’Ukraine et destinés à ce qui était alors le Sud-Soudan a nécessité des transferts via le Kenya et l’Ouganda, la participation de compagnies maritimes basées en Allemagne et en Ukraine, ainsi que l’utilisation de sociétés écrans immatriculées au Royaume-Uni et sur l’Île de Man.

D’autre part, un ancien responsable de l’ALSS a indiqué à Amnesty International que son groupe avait reçu un grand nombre de fusils d’assaut de type Kalachnikov « tout neufs », des munitions, des mitrailleuses lourdes et des fusils-mitrailleurs, des fusils B10 sans recul et des mortiers.

Selon les éléments recueillis, les munitions utilisées par l’ALSS seraient fabriquées au Soudan et parmi ses fusils se trouveraient des fusils chinois de type 56-1 neufs.

Nombre des blessures et des morts signalées parmi la population civile par les habitants étaient dues à des balles reçues pendant des affrontements intenses dans les principales villes de la région, en particulier Mayom, Mankien et Riak.

Lors de ces attaques, les combattants utilisaient notamment des mitrailleuses, des lance-roquettes, des fusils, des armes antiaériennes montées sur des véhicules, ainsi que des véhicules blindés.

Ces 12 derniers mois, l’ALSS a également posé des mines antichars chinoises sur les routes principales de l’État d’Unité.

Au cours de l’année écoulée, des dizaines de civils ont été blessés ou tués par les mines posées par l’ALSS. Ces dispositifs ont aussi pour conséquence de faire augmenter le prix de la nourriture et de l’essence car ils rendent la région difficile d’accès.

Le conflit dans le comté de Mayom montre bien qu’il est nécessaire que les gouvernements s’accordent sur un traité sur le commerce des armes efficace lorsque les dernières négociations s’ouvriront aux Nations unies, à New York, lundi 2 juillet.

Pour être efficace, ce traité doit exiger de tous les gouvernements qu’ils cessent les transferts d’armes s’il existe un risque réel que les armes en question soient utilisées pour commettre de graves violations des droits humains.

« Les négociations autour du traité sur le commerce des armes représentent une occasion historique d’empêcher que des armes arrivent entre les mains d’auteurs de violations des droits humains. Un traité solide pourrait aider à éviter que de nombreuses autres communautés aient à souffrir du coût effroyable du commerce irresponsable des armes comme les habitants du comté de Mayom en ont souffert », a affirmé Erwin van der Borght.

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