Communiqué de presse

Soudan du Sud. Soixante-seize organisations demandent la publication du rapport d’enquête de l’UA, la date butoir étant passée

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA) doit immédiatement examiner, publier et diffuser le rapport final de la Commission sur la situation au Soudan du Sud, chargée d’enquêter sur les atteintes aux droits humains commises dans ce pays, ont déclaré 76 organisations dans une lettre ouverte adressée aux 15 États membres du CPS.

En janvier 2015, les membres du CPS ont décidé de différer l’examen et la publication du rapport de la Commission, qui auraient empêché selon eux d’aboutir à un accord de paix.

Mais comme la date butoir du 5 Mars pour la signature d’un accord définitif est maintenant passée, les organisations ont réitéré leurs appels à publier le rapport.

« Une culture de l’impunité a alimenté le conflit au Soudan du Sud et a encouragé les combattants à viser des civils, à commettre des violences sexuelles et à piller des biens civils sans en craindre les conséquences juridiques », a déclaré Arnold Tsunga, directeur de la Commission internationale de juristes pour l’Afrique. « La publication du rapport pourrait contribuer à prévenir d’autres atrocités en mettant en lumière ce qui s’est passé et en concrétisant l’obligation de rendre des comptes. »

Depuis plus d’un an, les parties au conflit ne respectent pas le droit international relatif aux droits humains ni le droit international humanitaire. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) a signalé récemment que des enfants étaient recrutés de force, probablement par centaines, dans l’État du Haut-Nil afin d’intégrer une milice alliée au régime.

La Commission sur la situation au Soudan du Sud était chargée d’enquêter sur les atteintes aux droits humains commises dans ce pays et de formuler des recommandations sur les méthodes optimales en matière d’obligation de rendre des comptes, de réconciliation et d’apaisement.

« Les pouvoirs publics et le Mouvement populaire de libération du Soudan-en opposition (SPLM-IO) sont déjà convenus qu’un système complet de justice de transition – y compris un mécanisme de vérité et de réconciliation, des poursuites pénales, des réparations et des réformes institutionnelles – était nécessaire pour instaurer une paix durable », a déclaré David Deng, directeur de recherche à l’Association des juristes du Soudan du Sud. « Les recommandations de la Commission pourraient apporter une contribution importante à l’élaboration de ce système. »

Dans la lettre adressée aux membres du CPS, les organisations ont demandé que le rapport soit publié immédiatement afin de répondre aux attentes des victimes et des témoins d’atrocités qui ont fait part de leurs expériences douloureuses pour aider à établir une image plus exhaustive du confit.

« Des centaines de personnes ont pris le temps de parler à des membres de la Commission parce qu’elles pensaient que le rapport pourrait apporter une contribution positive à l’avenir du Soudan du Sud. En mettant le rapport de côté, on fait preuve d’un mépris total à l’égard des personnes dont les témoignages, les idées et les opinions constituent la base de ce document », a déclaré Frans Viljoen, directeur du Centre des droits humains de l’université de Pretoria.

Les 76 organisations ont rappelé au CPS que, en vertu du Protocole relatif à sa création, il était tenu de promouvoir « la bonne gouvernance et l’état de droit, la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect du caractère sacré de la vie humaine, ainsi que du droit international humanitaire, dans le cadre des efforts de prévention des conflits ».

Elles ont conclu leur lettre ainsi : « Nous vous prions instamment de donner tort à ceux qui doutent de l’engagement de l’UA en matière de justice et d’obligation de rendre des comptes en recevant, en examinant et en publiant immédiatement le rapport de la Commission. »

Contexte

Le CPS est l’organe de décision permanent de l’UA pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits. Ses membres actuels sont l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Burundi, l’Éthiopie, la Gambie, la Guinée, la Guinée équatoriale, la Libye, le Mozambique, la Namibie, le Niger, le Nigeria, l’Ouganda, la Tanzanie et le Tchad.

Deux semaines seulement après la flambée de violences qui a eu lieu à Djouba en décembre 2013, le CPS a appelé la Commission de l’UA à nommer une commission d’enquête. En mars 2014, le président de la Commission de l’UE, M. Nkosazana Dlamini-Zuma, a présidé la prestation de serment des six membres de la Commission sur la situation au Soudan du Sud : Olusegun Obasanjo (président de ladite Commission et ancien président du Nigeria), Sophia A. B. Akuffo, Mahmood Mamdani, Bineta Diop et Pacifique Manirakiza.

En juin, la Commission a présenté un rapport intérimaire au CPS et son mandat a été prolongé de trois mois afin qu’elle puisse achever ses travaux. Dans ce document, elle a promis que les recommandations qui figureraient dans son rapport final viseraient à trouver des solutions durables à la crise au Soudan du Sud.

Les chefs d’État du CPS devaient se pencher sur le rapport de la Commission le 29 janvier 2015 mais ils ont décidé d’en reporter l’examen à une date ultérieure. Olusegun Obasanjo n’a pas eu la possibilité de présenter le contenu du rapport et le document n’a même pas été distribué aux membres du CPS.

Pendant ce temps, les pouvoirs publics sud-soudanais n’ont pris aucune mesure crédible visant à amener les responsables présumés de crimes au regard du droit international et d’autres violations graves du droit international relatif aux droits humains à rendre des compte.

L’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), organe régional composé de huit membres, joue le rôle de médiateur dans les négociations en cours entre le gouvernement et le SPLM-IO. En dépit des multiples engagements à cesser les hostilités, le conflit perdure. Le 1er février, le président Salva Kiir et Riek Machar, le chef des forces de l’opposition, ont signé un accord par lequel ils s’engageaient à conclure un accord de paix définitif le 5 mars au plus tard. Malgré cela, les négociations n’ont pas abouti.

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