Communiqué de presse

Soudan. Il faut mettre fin à la détention arbitraire de militants et enquêter sur les allégations de torture

Le gouvernement soudanais doit immédiatement inculper ou libérer des militants politiques arrêtés récemment, et enquêter sur l’ensemble des allégations selon lesquelles ils ont été soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, ont déclaré le Centre africain d’études sur la justice et la paix (ACJPS), Amnesty International, Human Rights Watch, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et REDRESS mercredi 25 juin 2014.

Sur fond de restrictions à la liberté d’expression et au militantisme politique, les autorités soudanaises ont sévi ces derniers mois contre des figures de l’opposition qui avaient critiqué les violations perpétrées par le Soudan dans les zones de conflit. En avril 2014, le président Omar el Béchir a promis de libérer « tous les détenus politiques ». Or, les organisations de défense des droits humains affirment que le Service national de la sûreté et du renseignement du Soudan ont continué à soumettre des militants politiques et des membres des partis d’opposition à des arrestations arbitraires, le plus récemment à la mi-juin.

« Le Soudan doit abandonner ses tactiques répressives et brutales visant à réduire l’opposition au silence », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le président el Béchir a promis de libérer les détenus politiques, mais il doit maîtriser les agents du renseignement et la police. »

Le Soudan doit mettre fin aux arrestations arbitraires des opposants et enquêter sur l’ensemble des allégations de torture, conformément au droit international, ont déclaré les organisations.

La situation de trois jeunes militants qui ont peut-être été torturés est un motif de préoccupation immédiate. Le 12 mai, des représentants du Service national de la sûreté et du renseignement ont arrêté Mohammed Salah, 25 ans, Taj Elsir Jaafar, 26 ans, et Moammer Musa Mohammed, 27 ans, non loin de l’université de Khartoum. Les trois jeunes gens sont des militants connus qui avaient participé à des actions de protestation contre l’homicide d’un étudiant darfourien, Ali Abaker Musa Idris, par les forces gouvernementales de sécurité à l’université de Khartoum le 11 mars.

« Nous avons de sérieuses raisons de craindre pour le bien-être de ces trois jeunes gens », a déclaré Sarah Jackson, directrice régionale adjointe pour l’Afrique de l’Est à Amnesty International. « Les autorités soudanaises doivent garantir la sécurité de tous les détenus et s’assurer que toute personne se trouvant en détention soit inculpée d’une infraction prévue par le droit ou libérée sans délai. »

Les autorités ont placé ces trois hommes en détention sans inculpation dans un centre du Service national de la sûreté et du renseignement, à Bahri, dans la banlieue de Khartoum, où d’anciens détenus auraient subi des passages à tabac et des températures extrêmement basses.

La famille de Mohammed Salah, qui a été autorisée à le voir pour la première fois un mois après son arrestation, a indiqué que le jeune homme semblait souffrir de graves blessures résultant de coups reçus sur tout le corps, notamment à l’œil droit. Les proches de Taj Elsir Jaafar ont eux aussi signalé que ce dernier semblait avoir été frappé. Ils ont dit que son visage et ses mains étaient enflés, qu’il paraissait éprouver des difficultés à se tenir debout et que ses mains tremblaient.

« Le Service national de la sûreté et du renseignement est connu pour mener des arrestations arbitraires et torturer des défenseurs des droits humains et des militants politiques dans l’impunité la plus totale, et cela doit cesser », a déclaré Carla Ferstman, directrice de REDRESS. « Le Soudan a ratifié la Charte africaine et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui proscrivent tous deux la torture, et il est grand temps qu’il prouve qu’il s’agit d’autre chose qu’un engagement sur le papier. »

Les autorités ont arrêté un certain nombre d’autres figures de l’opposition politique ces dernières semaines. Le 17 mai, elles ont appréhendé Sadiq Al Mahdi, responsable du parti de l’Oumma, après qu’il a publiquement accusé la milice du gouvernement, les Forces rapides de soutien, d’avoir commis des atteintes aux droits humains contre des civils au Darfour, notamment des viols et des pillages. Inculpé d’« atteinte au système constitutionnel », il a été remis en liberté au bout d’un mois.

Le 8 juin, Ibrahim al Sheikh, dirigeant du parti du Congrès national, a, selon des informations crédibles, été arrêté après avoir fait des déclarations similaires sur les violations attribuées aux Forces rapides de soutien dans les zones de conflit, lors d’une conférence à al Nuhood (Kordofan occidental). Ibrahim al Sheikh est accusé de six infractions, notamment d’incitation et d’agissements contre le régime constitutionnel. S’il vient à être déclaré coupable, il risque la peine de mort.

Les jours suivants, les autorités d’al Nuhood ont effectué des descentes dans les bureaux du parti du Congrès et ont arrêté au moins cinq étudiants membres du parti, un journaliste et un autre jeune militant dans la ville. Un de ces détenus, libéré au bout d’une semaine, a déclaré que les membres des forces de sécurité l’avaient frappé si sauvagement qu’il avait dû recevoir des soins médicaux.

Des organisations soudanaises ont recueilli des informations supplémentaires sur la détention prolongée sans inculpation de militants en raison de leurs opinions politiques réelles ou perçues ; certains sont incarcérés depuis plus de cinq mois.

Sidig Noreen Ali Abdalla, un professeur d’université arrêté le 16 janvier, est en détention sans inculpation sous la garde du Service national de la sûreté et du renseignement, dans la ville d’El Obeid (État du Kordofan du Nord), depuis bien plus longtemps que la période maximum prévue par la Loi relative à la sécurité nationale de 2010, qui est fixée à quatre mois et demi. Si aucune charge n’a été retenue contre lui, il est semble-t-il incarcéré en raison de son action de plaidoyer au sujet de la situation dans le Darfour.

« Ces arrestations de militants politiques relèvent d’une crise plus large des droits humains au Soudan, où l’espace dévolu à la liberté d’expression, d’association et de réunion est gravement restreint, et où les militants politiques dissidents sont réduits au silence par une force brutale », a déclaré Katherine Perks, directrice de programme à l’ACJPS.

Le droit international et le droit soudanais interdisent la torture en toutes circonstances. Les cinq organisations de défense des droits humains ont déclaré que si le Soudan entend respecter ses obligations, il doit pratiquer la tolérance zéro lorsqu’un représentant de l’État se rend coupable de torture et d’autres formes de mauvais traitements. Le Soudan doit faire respecter cette interdiction absolue, enquêter sur toutes les allégations de torture et amener les auteurs présumés d’abus à rendre des comptes, qu’ils appartiennent à la police, à l’armée ou au Service national de la sûreté et du renseignement. Le Soudan doit par ailleurs ratifier la Convention des Nations unies contre la torture, ont déclaré les organisations.

« Le Soudan continue à réprimer sévèrement les voix dissidentes dans l’impunité la plus complète. La communauté internationale doit clairement condamner la vague actuelle d’arrestations d’opposants politiques, et la persistance du recours des forces de sécurité à la torture contre les militants », a déclaré Sheila Muwanga Nabachwa, vice-présidente de la FIDH. « L’Union africaine et les Nations unies doivent non seulement demander que le Soudan respecte pleinement ses obligations en matière de droits humains, mais elles doivent en outre envisager des actions concertées à cet effet. »

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