Soudan du Sud, il faut que l’Union africaine crée un précédent en établissant un tribunal

Soudan du Sud, il faut que l'Union africaine crée un précédent dans la justice africaine en établissant un tribunal

À l’approche de la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) sur le Soudan du Sud, qui se tiendra le 30 novembre, Amnesty International et le Groupe de travail sur la justice de transition au Soudan du Sud appellent l’UA à accélérer la création du Tribunal mixte pour le Soudan du Sud.

Il faut que le Comité de paix et de sécurité invite la Commission de l’UA à faire en sorte que des mécanismes juridiques efficaces soient en place pour mener des enquêtes sur les graves atteintes aux droits humains commises au Soudan du Sud, y compris les homicides délibérés de personnes civiles, les viols et autres violences sexuelles, le recrutement forcé d’enfants soldats et les déplacements forcés, et pour engager des poursuites le cas échéant.

« La mise en place du Tribunal est une occasion unique pour l’UA de faire la démonstration du rôle de chef de file de l’Afrique et de proposer une solution africaine aux crimes les plus graves perpétrés sur le continent. Cela témoignerait d’un véritable attachement aux principes de l’organisation et montrerait que l’UA est aux côtés des victimes de crimes pour lesquels l’impunité ne saurait être tolérée », a déclaré Muleya Mwananyanda, directrice du programme Afrique de l’Est et Afrique australe à Amnesty International.

Amnesty International et les organisations sud-soudanaises partenaires qui constituent le Groupe de travail sur la justice de transition ont publié, ce 23 novembre 2022, un document d’information dans lequel elles exhortent la Commission de l’UA à mettre en place le Tribunal, cette mesure étant inscrite dans les accords de paix signés par le gouvernement et ses opposants en août 2015, puis en septembre 2018.

« La création de ce Tribunal n’aurait pas dû prendre tant de retard. Il faut que l’UA agisse fermement en prenant les mesures attendues de longue date. Le fait que le Tribunal mixte pour le Soudan du Sud n’ait pas été mis en place est révélateur du manque de volonté politique du gouvernement sud-soudanais pour ce qui est de demander des comptes aux principaux responsables présumés des crimes graves qui ont été commis, parmi lesquels figurent probablement de hauts responsables politiques et militaires », a déclaré Muleya Mwananyanda.

Amnesty International et le Groupe de travail sur la justice de transition estiment que l’UA peut et doit créer le Tribunal mixte pour le Soudan du Sud de manière unilatérale.

Par conséquent, nous recommandons que la Commission de l’UA agisse rapidement et que, conformément aux accords de paix, elle mette la dernière main au statut du Tribunal. Ce statut doit confirmer à la fois que le Tribunal aura pour mandat d’enquêter sur les crimes de droit international et d’engager des poursuites à l’encontre de leurs auteurs présumés, et que sa compétence surpasse celle des juridictions nationales. Le statut doit aussi garantir l’indépendance du Tribunal et confirmer que le travail de celui-ci ne saurait être empêché ni limité par une quelconque mesure de prescription ou de grâce, d’immunité ou d’amnistie adoptée par les autorités sud-soudanaises ou toute autre autorité.

L’accessibilité du Tribunal aux Sud-Soudanais·e·s et les mesures destinées à faire en sorte que les activités du Tribunal laissent une trace pérenne au Soudan du Sud doivent être explicitement mentionnées dans le statut.

Par ailleurs, la Commission de l’UA doit reprendre les discussions avec les pays hôtes potentiels afin de déterminer l’emplacement du siège du Tribunal.

« Étant donné que l’État sud-soudanais n’a pas la volonté de traduire en justice les responsables présumés et qu’il n’existe pas de mécanisme de protection des victimes et des témoins, Amnesty International et le Groupe de travail sur la justice de transition sont convaincus que le Tribunal mixte ne devrait pas être établi au Soudan du Sud pour le moment. Il faut que celui-ci soit implanté dans un autre pays africain, mais que son statut donne la possibilité d’organiser des audiences au Soudan du Sud ou d’installer le Tribunal dans ce pays par la suite, si la situation sur place le permet », a déclaré James Ninrew, président du Groupe de travail sur la justice de transition.

Amnesty International et le Groupe de travail ont recommandé que la Commission de l’UA trouve et recrute les principaux membres du personnel, qui travailleraient à distance jusqu’à ce que le Tribunal soit pleinement opérationnel. Ces recrutements doivent concerner notamment les personnes chargées des enquêtes, étant donné que la collecte et la conservation des preuves sont une priorité.

Complément d’information

Le Tribunal mixte pour le Soudan du Sud est un tribunal hybride placé sous l’égide de l’UA, qui sera chargé de mener des enquêtes sur les crimes graves commis depuis le 15 décembre 2013 au Soudan du Sud, notamment les homicides délibérés de personnes civiles, les viols et autres violences sexuelles, le recrutement forcé d’enfants et les déplacements forcés, et d’engager des poursuites à l’encontre des responsables présumés.

La décision de créer un tel tribunal a été prise dans le cadre de l’accord de paix de 2015 signé par le gouvernement du Soudan du Sud et le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan-Opposition (MPLS/APLS-O), et renouvelée dans l’accord de paix revitalisé de septembre 2018.
À l’heure actuelle, les victimes sud-soudanaises du conflit n’ont aucun autre moyen d’obtenir justice, le Tribunal mixte est leur seul espoir.

Les tribunaux existants ne sont pas assez indépendants ni impartiaux et n’ont pas les capacités nécessaires pour s’occuper de la plupart des crimes commis à grande échelle pendant le conflit, dont il est probable que des personnes au pouvoir soient soupçonnées, comme Amnesty International l’a déjà montré, et la Cour pénale internationale (CPI) n’est pas compétente (le Soudan du Sud n’a pas ratifié le Statut de Rome et le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies n’a pas saisi la CPI de cette situation).

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