SOUDAN : L’accord de paix nord-sud laisse dans l’ombre l’avenir des droits humains

Index AI : AFR 54/002/2005

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International espère que l’Accord de paix global entre le gouvernement soudanais et l’Armée/Mouvement populaire de libération du Soudan (A/MPLS), ouvrira une nouvelle ère pour la protection des droits du peuple soudanais, et qu’il remédiera par ses réformes à l’injustice, à la discrimination et aux graves violations des droits humains dont souffre le pays.

« L’injustice et la marginalisation figurent parmi les causes essentielles des conflits qui ont brisé les vies de tant de Soudanais. Une paix durable sera difficile si ces questions fondamentales relatives aux droits humains sont laissées de côté », a déclaré Kolawole Olaniyan, directeur du Programme Afrique. « Les droits humains, notamment la justice et la fin des discriminations, doivent se trouver au cœur de tout accord. Cependant, les droits humains ne seront pas respectés simplement grâce à l’espoir ou aux belles déclarations : il faut les garantir et les préserver. »

Les parties ayant conclu l’accord de paix, ainsi que les médiateurs internationaux - le Kenya, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Norvège et les Nations unies, doivent traiter les problèmes suivants pour consolider la paix au Soudan :

Les droits fondamentaux ne doivent pas seulement figurer dans l’accord de paix, ils doivent être respectés.

Le protocole de partage du pouvoir signé en mai 2004 déclare que la République du Soudan, à tous les niveaux de gouvernement et partout dans le pays, s’acquittera pleinement de ses obligations définies par les traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels elle est ou deviendra partie. Ce protocole établit une liste des droits humains fondamentaux, notamment le droit à la vie, à la liberté individuelle, à la liberté d’expression, de réunion et de religion, ainsi que le droit de ne pas être torturé ni soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Pour l’instant, tant au sud qu’au nord du pays, ces droits ne sont pas respectés. Le peuple soudanais se voit toujours refuser le droit à la liberté d’expression et d’association ; de nombreuses personnes, en particulier dans le cadre du conflit au Darfour, continuent d’être tuées, détenues arbitrairement, torturées et déplacées de force.

Pour que l’engagement en faveur des droits humains signifie quelque chose, il faut élaborer de toute urgence un calendrier de mesures concrètes pour le respect et la protection des droits humains.

La Commission nationale de révision de la Constitution doit être qualifiée et indépendante

Une Commission nationale de révision de la Constitution doit rédiger un projet de constitution nationale de transition pour le Soudan, dans les six semaines qui suivront la signature de l’accord de paix global.

Cependant, Amnesty International constate avec inquiétude le manque de dispositions prises pour faciliter la participation de la société civile - notamment les femmes - et des experts indépendants dans le domaine juridique et les droits humains, originaires de toutes les régions du Soudan.

Il est prévu que la Commission soit composée de représentants du Congrès national au pouvoir, de l’APLS et d’autres forces politiques, dans des proportions définies par les protocoles. L’accord de mise en œuvre déclare que tout parti doit tenir compte de la société civile. Cette considération ne garantit en rien la participation de la société civile soudanaise.

« Dans la période de transition, tous les corps et organes officiels seront apparemment nommés par des groupes politiques ; nous craignons que cela favorise la politique au détriment des droits humains », a déclaré Kolawole Olaniyan. « Il faut faire en sorte que les membres de cette commission, ainsi que de la future Commission des droits humains et de la Commission de la fonction publique soient d’une très grande intégrité, indépendance et impartialité. »

La loi soudanaise doit être mise en conformité avec le droit international relatif aux droits humains

Peu avant la signature de l’accord de paix, le gouvernement soudanais a annoncé une extension de l’état d’urgence dans tout le pays, et ce pour une année. L’état d’urgence permet aux autorités soudanaises d’interdire des réunions et de disperser des manifestations pacifiques. La Loi de 1999 relative aux forces de sécurité, votée sous l’état d’urgence, permet la détention au secret prolongée sans inculpation, et accorde l’immunité aux forces de sécurité pour les violations des droits humains.

Aux termes du protocole sur le partage du pouvoir et de l’accord sur les modalités d’application, un certain nombre de nouveaux textes de loi doivent être proposés à la législature nationale de transition, qui serait elle aussi nommée par des groupes politiques dans des proportions définies par l’accord de paix. Parmi ces nouveaux textes figurerait une loi relative à la sécurité nationale.

« La réforme de ce texte de loi - et d’autres - doit se conformer aux obligations du Soudan définies par les traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels il est partie », a souligné Kolawole Olaniyan. Amnesty International a également demandé que les personnes détenues sans inculpation pour des motifs politiques soit traduites en justice dans le cadre d’un procès équitable, ou qu’elles soient immédiatement relâchées. « L’état d’urgence, qui viole les libertés fondamentales, ne peut durer, car il est en contradiction avec la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. »

Il ne peut exister d’impunité pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité

L’accord de paix prévoit l’installation d’un nouveau gouvernement, issu du gouvernement actuel et de l’A/MPLS. Les deux parties se sont rendues responsables d’effroyables violations des droits humains lors du conflit dans le sud, notamment d’homicides illégaux de civils, d’enlèvements, des viols, de torture et de déplacements forcés. Le gouvernement et ses milices commettent des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, comme des déplacements forcés de populations et des viols à grande échelle, notamment depuis 2003 au Darfour, dans l’ouest du Soudan.

De tels crimes, commis par toutes les parties, doivent faire l’objet d’enquêtes. Les responsables de violations flagrantes des droits humains doivent être traduits en justice. Il faut également clarifier le sort de milliers de « disparus » dans la guerre civile au Sud-Soudan. Si les responsables de violations des droits humains doivent être traduits en justice, les parties ayant signé l’accord doivent aussi étudier des mécanismes complémentaires - comme une sorte de commission de vérité et de réconciliation - susceptibles de jouer un rôle dans la guérison des traumatismes provoqués par les injustices passés.

« Il ne doit y avoir aucune amnistie pour les responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’actes de torture », a souligné Kolawole Olaniyan.

Contexte

Les deux protocoles finaux, l’Accord sur les modalités d’application des protocoles et des accords, et l’Accord sur le cessez-le-feu permanent et les modalités de mise en œuvre des accords de sécurité, ont été signés le 31 décembre 2004.

Ces protocoles s’ajoutent à six autres : le protocole de Machakos, signé en juillet 2002, les protocoles sur la sécurité, le partage du pouvoir, le partage de la richesse, et sur les régions marginalisées du Nil Bleu et du Sud-Kordofan (les Monts Nouba) et d’Abyei. L’ensemble doit former l’Accord de paix global qui doit être signé le 9 janvier 2005.

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