SOUDAN : La mission d’enquête des Nations unies doit avoir libre accès et pouvoir enquêter sur les exécutions extrajudiciaires dont il a été fait état dans le Darfour

Index AI : AFR 54/037/2004

Mercredi 7 avril 2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International demande à la mission d’enquête des Nations unies au
Tchad et dans le Darfour, dans la région ouest du Soudan, d’enquêter sur les
exécutions extrajudiciaires de 168 hommes, près de Deleij, à Wadi Saleh,
entre le 5 et le 7 mars 2004.

La mission, dirigée par Bacre Waly Ndiaye, responsable du Bureau du
haut-commissaire aux droits de l’homme à New York, est chargée d’enquêter
sur la situation des droits humains dans le Darfour où des milices
pro-gouvernementales ont tué des personnes, dévasté des villages et provoqué
ce que des porte-parole des Nations unies ont décrit comme un « nettoyage
ethnique ».

Amnesty International a recueilli des récits détaillés concernant les 168
personnes qui ont été sommairement exécutées. Les hommes de dix villages
différents de Wadi Saleh, dans l’ouest du Darfour, près de la frontière avec
le Tchad, ont été emmenés par d’importantes forces composées de membres de
l’armée soudanaise, des services de renseignements de l’armée, et de
Janjawid (terme signifiant hommes armés à cheval - nom donné aux milices
pro-gouvernementales composées essentiellement de groupes de nomades
arabes).

On leur a bandé les yeux et on les emmenés par groupe de 40 personnes
environ à bord de camions de l’armée derrière une colline située près du
village de Deleij. Là on leur a dit de s’allonger par terre. Ils ont été
fusillés par environ 45 hommes, membres des services de renseignements et
Janjawid.

Deux des hommes fusillés qui n’avaient été que blessés sont restés cachés
parmi les corps avant de s’échapper et de venir raconter ce qui s’était
passé au reste du monde.

« Les informations concernant ces exécutions extrajudiciaires circulaient
depuis un mois, a déclaré Amnesty International. Mais ce n’est que
maintenant que des militants des droits humains ont pu obtenir des récits
détaillés et les noms de la plupart des 168 personnes qui ont perdu la vie.
 »

Amnesty International demande à la mission d’enquête de veiller à ce que les
personnes qui témoigneront soient protégées. L’organisation craint pour la
sécurité des témoins ; l’une des premières personnes à avoir parlé du
massacre de Deleij a été placée en détention immédiatement après avoir
divulgué l’information.

« L’équipe d’enquêteurs doit avoir un mandat clair ainsi que les pouvoirs et
ressources nécessaires pour enquêter de façon approfondie sur les atteintes
au droit international humanitaire et relatif aux droits humains qui se
seraient produites, a déclaré Amnesty International. Les enquêteurs devront
avoir libre accès partout dans le Darfour et avoir notamment le droit de se
rendre dans les centres de détention et d’y interroger toutes les personnes
détenues. »

Des négociations pour un cessez-le-feu, auxquelles participent le
gouvernement soudanais et des représentants des groupes armés, l’Armée de
libération du Soudan (ALS) et le Mouvement Justice et Égalité, sont
actuellement en cours à N’Djamena au Tchad. Les pourparlers se déroulent
sous l’égide du gouvernement tchadien et en présence d’observateurs de
l’Union africaine, de l’Union européenne et des États-Unis.

« La commémoration du génocide qui s’est produit au Rwanda, il y a dix ans
devrait inciter les négociateurs de N’Djamena à concentrer tous leurs
efforts pour parvenir à mettre fin à l’escalade terrifiante d’un conflit
dans lequel les principales victimes sont des civils, que l’on tue, que l’on
viole, que l’on prive de tous leurs droits et de tous leurs biens, a déclaré
Amnesty International.

« La communauté internationale doit faire pression sur les participants pour
qu’ils parviennent à un accord pour un cessez-le-feu durable, sous le
contrôle d’observateurs internationaux attentifs à la défense des droits
humains, ayant le droit de faire publiquement état des violations constatées
 », a déclaré Amnesty International.

Complément d’information

Des violations flagrantes des droits humains ont été commises par les forces
gouvernementales soudanaises et les milices Janjawid soutenues par le
gouvernement depuis l’escalade du conflit qui s’est produite avec la
formation de groupes d’opposition armés il y a un an. Depuis lors, des
milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont été tués ou blessés, de
nombreux villages ont été brûlés, le bétail et les biens des habitants
pillés principalement par des milices armées soutenues par le gouvernement
soudanais.

Au cours des déplacements à grande échelle de populations civiles qui s’en
sont suivis, des femmes et des jeunes filles ont été violées, des enfants et
des adultes enlevés par des membres des Janjawid.

Il y a un an, le gouvernement soudanais semble avoir opté pour une stratégie
de répression militaire et de soutien à la violence des Janjawid plutôt que
pour une politique de réparation des exactions et de réconciliation. Depuis
lors, près de 750 000 civils de la région du Darfour ont quitté leurs
maisons. La plupart ont trouvé refuge dans la région, s’agglutinant dans les
villes ou dans de vastes camps à la périphérie des villes.

Quelque 130 000 personnes ont trouvé refuge au Tchad. Un nombre indéterminé
 dix mille selon les Nations unies - auraient péri aux mains des Janjawid
ou des soldats soudanais, notamment du fait de bombardements délibérés ou
menés sans discernement par des avions militaires ou du fait de maladies
sévissant dans les camps surpeuplés où manquent l’eau, la nourriture et les
médicaments. Des centaines de personnes de la région du Darfour, notamment
des défenseurs des droits humains et des avocats, ont été placés en
détention et certains ont été torturés par les services de sécurité
soudanais.

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