SOUDAN - Le tribunal national chargé de juger les crimes commis au Darfour manque de crédibilité

Index AI : AFR 54/059/2005

Selon Amnesty International, le tribunal spécial entrant en fonction ce mardi 14 juin 2005 à l’instigation du gouvernement soudanais pour juger les criminels de guerre présumés du Darfour est « voué à l’échec », sauf si le pays entreprend des réformes de fond visant à garantir l’indépendance de l’appareil judiciaire et met fin au climat d’intimidation qui règne actuellement.

« Nous redoutons que ce tribunal spécial ne soit le fruit d’une tactique du gouvernement soudanais visant à évincer la Cour pénale internationale et ses éventuelles poursuites, a expliqué Kolawole Olaniyan, directeur du Programme régional Afrique d’Amnesty International.

« D’une part, le gouvernement soudanais affirme qu’il est en mesure de sanctionner les crimes qu’on l’accuse de cautionner depuis ces deux dernières années ; d’autre part, il continue de prendre des mesures répressives contre ceux qui dénoncent ou critiquent ces violations des droits humains. »

Dimanche 12 juin 2005, le quotidien indépendant Khartoum Monitor a été fermé, la Haute Cour ayant statué il y a deux ans qu’elle lui retirait sa licence. Cette décision faisait suite à un recours formé par les forces de sécurité soudanaises. Son application est intervenue lors même que les autorités soudanaises menaçaient de poursuivre en justice le quotidien, qui a publié un éditorial dénonçant l’homicide par la police de personnes déplacées par les combats dans un camp de squatteurs situé près de la capitale.

De même, à la fin du mois de mai, les autorités soudanaises ont inculpé deux membres du personnel de l’organisation humanitaire Médecins Sans Frontières de « divulgation de fausses informations » et de « crimes contre l’État » - deux mois après la publication d’un rapport révélant la situation dramatique des victimes de viol dans le Darfour ravagé par la guerre.

« Le système judiciaire en place est disposé à bâillonner les journaux et les membres d’organisations humanitaires qui tentent de dire la vérité sur les atteintes aux droits humains perpétrées au Soudan. Comment pouvons-nous lui faire confiance pour juger les auteurs présumés de ces agissements ? », s’est interrogé Kolawole Olaniyan.
Selon Amnesty International, afin de garantir des procès équitables, impartiaux et indépendants s’agissant des crimes graves commis au Darfour, les autorités soudanaises doivent :

 abolir les articles 31 et 33 de la Loi de 1999 relative aux forces de sécurité, qui les autorisent à maintenir les suspects en détention au secret prolongée et leur accorde l’immunité pour les actes de torture ;

 abolir les tribunaux pénaux spécialisés au Darfour, qui retiennent les preuves obtenues sous la torture, restreignent le droit des accusés d’interjeter appel et peuvent prononcer des condamnations à la peine capitale, ainsi qu’à des peines d’amputation ou de flagellation ;

 abolir l’article 10 de la Loi relative à la preuve, qui permet aux tribunaux de retenir des preuves obtenues sous la contrainte ;

 offrir des garanties en matière de sécurité et de confidentialité des victimes et des témoins d’atteintes aux droits humains commises au Darfour et dans le reste du Soudan ;

 veiller à ce que tous soient égaux devant la justice et à ce que les honoraires d’avocat dans les affaires criminelles n’empêchent pas d’avoir accès à des recours efficaces.

Complément d’information

Le tribunal national chargé de juger les crimes commis au Darfour entre en fonction une semaine après que le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé l’ouverture de son enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés dans la région du Darfour au cours des deux dernières années. Le gouvernement soudanais a affirmé qu’aucun suspect soudanais ne serait remis à la CPI.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service Presse d’Amnesty International au 02 543 79 04 ou consulter les sites http://www.amnesty.be et http://www.amnesty.org.

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