SOUDAN - Les droits des personnes déplacées de Khartoum doivent être respectés

Index AI : AFR 54/072/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International condamne la réinstallation forcée de la totalité des habitants du camp de Shikan pour personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, le 17 août 2005.

L’organisation craint que les résidents de Shikan n’aient été arbitrairement réinstallés, sans leur consentement, dans des camps où ils sont privés des droits humains élémentaires - y compris le droit à la santé et à l’éducation. Amnesty International appelle le gouvernement du Soudan à prendre des mesures urgentes pour remédier à la situation, notamment par une action immédiate visant à fournir aux personnes déplacées les services de base permettant de garantir leur droit à des conditions de vie convenables ; l’organisation demande également au gouvernement soudanais de faire participer les personnes déplacées au processus de prises de décisions présentes et futures concernant leur vie et leur quotidien.

À quatre heures du matin le 17 août 2005, des policiers armés ont encerclé le camp de personnes déplacées de Shikan, situé à Omdurman à Khartoum. Les forces de la sécurité nationale avaient informé certains membres de la direction du camp la veille que des opérations de contrôle allaient être effectuées dans le camp ; il s’agissait de vérifier la présence de biens volés après les émeutes récentes qui avaient suivi la mort du premier vice-président John Garang. Les forces de la sécurité nationale sont arrivées avec des camions et ont vidé le camp de la totalité de ses résidents. Cinq cents familles ont été dirigées vers le camp de Thawra, 170 familles ont été emmenées à Al Fatah III et 371 familles doivent se voir attribuer des places pour retourner à Shikan.

Al Fatah III et Thawra sont des endroits où font défaut les moyens de subsistance les plus élémentaires. Thawra, situé à 55 kilomètres au nord de Khartoum, est une ancienne décharge où manquent tous les services de base. L’eau, les services de santé et d’éducation y sont inexistants, l’endroit n’étant rien d’autre qu’une parcelle de désert. Al Fatah III a cela de mieux qu’il possède une pompe à eau.

L’action des autorités a violé le droit fondamental de toute personne à la liberté de mouvement et à la liberté de choisir son lieu de résidence, droit inscrit dans le droit international relatif aux droits humains - notamment dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Soudan est État partie.

Ces réinstallations forcées violent également les Principes directeurs des Nations unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, ensemble de principes non contraignants mais largement adoptés, tirés du droit international relatif aux droits humains.

Selon le Principe 6 (1) des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, chaque être humain a le droit d’être protégé contre un déplacement arbitraire de son foyer ou de son lieu de résidence habituel (à moins que la sécurité et la santé des personnes concernées n’exigent leur évacuation). Les résidents de Shikan n’ont pas été informés des projets concernant leur réinstallation. Au lieu de cela, on les a embarqués dans des camions aux petites heures du jour le 17 août 2005 sans explication et sans leur donner la possibilité de contester cette décision.

Le manque total de toute structure de soins, d’eau, d’hygiène et de services d’éducation sur le nouveau site de al Thawra est en outre contraire au Principe 18 (1) des Principes directeurs des Nations unies, qui établit que : « ... Toutes les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ont droit à un niveau de vie suffisant. (2). Au minimum quelles que soient les circonstances et sans discrimination aucune, les autorités compétentes assurent aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays les services suivants et leur permettent d’y accéder en toute sécurité : ( a) aliments de base et eau potable ; ( b) abri et logement ; ( c) vêtements décents ; et (d) services médicaux et installations sanitaires essentiels. »

Les articles 22 et 25(1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme garantissent ces droits, qui sont également inscrits à l’article 11(1) et (2) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’article 14(2)(h) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et l’article 27 de la Convention relative aux droits de l’enfant, auxquelles le Soudan est État partie, garantissent également ces droits.

La signature de la nouvelle Constitution nationale provisoire le 9 juillet 2005 avait fait naître l’espoir d’un plus grand respect des droits humains au Soudan. La réinstallation forcée des personnes déplacées du camp de Shikan s’inscrit dans la continuation des violations passées des droits humains, particulièrement pour ce qui concerne le traitement réservé par le gouvernement soudanais aux personnes déplacées. C’est aussi une première occasion manquée pour le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS) de manifester son influence en soutenant les droits humains à Khartoum. Toutefois, la façon dont seront traités les résidents de Shikan récemment réinstallés et les personnes déplacées se trouvant toujours à Khartoum fournira d’autres occasions, à la fois au gouvernement soudanais et au MPLS, de veiller à ce que les droits des personnes déplacées soient respectés, conformément aux obligations du Soudan au regard du droit international relatif aux droits humains.

Complément d’information

Ce qui s’est passé le 17 août 2005 s’inscrit dans une suite d’évènements similaires et d’actions entreprises par le gouvernement soudanais à l’égard des personnes déplacées à Khartoum et dans tout le Soudan. Très récemment, des réinstallations non volontaires ont eu lieu à Soba Aradi le 14 mai 2005 ; des heurts violents ont opposé personnes déplacées et policiers et ont été suivis d’arrestations en masse ; le décès d’une personne au moins a été confirmé en garde à vue. Shikan est peuplé principalement de Soudanais du sud et de réfugiés du Darfour contraints de fuir leurs maisons pour échapper aux exactions provoquées par un conflit qui s’éternise et par les difficultés économiques.

À la mi-juillet, le gouverneur de l’État de Khartoum, Abdul Haleem Mutafi, a passé un accord verbal avec un comité consultatif composé de donateurs internationaux et de représentants des Nations unies et de l’État pour une mission d’observation et d’application conjointes des opérations de réinstallation des personnes déplacées. En dépit de ses promesses verbales de consulter le comité au sujet des réinstallations futures et de ne pas opérer de réinstallations avant la fin de la saison actuelle des pluies, le gouverneur a autorisé que les habitants du camp de Shikan soient réinstallés ailleurs sans avoir consulté ni le comité consultatif ni les résidents du camp eux-mêmes. Le gouverneur aurait, à plusieurs reprises, affirmé qu’il ne préviendrait jamais à l’avance d’aucune réinstallation de personnes déplacées, réduisant de ce fait le processus de consultation à un mécanisme vidé de toute substance.

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