SOUDAN - Un dirigeant d’opposition tchadien détenu au secret

Index AI : AFR 54/015/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International a récemment appris que Mahamat Abbo Sileck, dirigeant d’un groupe tchadien d’opposition armée, était détenu au secret et sans inculpation dans une prison soudanaise depuis octobre 2005. Amnesty International estime que cette arrestation est d’ordre politique. Mahamat Abbo Sileck a été arrêté par les Forces de sécurité nationales à Khartoum, la capitale soudanaise, et est détenu à la prison de Dabak, dans cette même ville.

Au moment de son arrestation, Mahamat Abbo Sileck était le chef de l’Alliance nationale de la résistance (ANR), un groupe tchadien d’opposition armée basé au Darfour depuis 1994/95.

Mahamat Abbo Sileck avait reçu un visa de l’ambassade soudanaise et s’était rendu à Khartoum avec la permission du gouvernement soudanais pour participer, semble-t-il, à une réunion avec des membres des services de renseignement soudanais organisée par Mahamat Nour, commandant militaire de l’ANR basé au Darfour.

Son arrestation serait liée à un désaccord au sein de l’ANR et avec des éléments du gouvernement soudanais concernant le rôle de l’ANR au Darfour. Selon nos dernières informations, Mahamat Abbo Sileck reste détenu à la prison de Dabak où il avait été conduit après son arrestation.

À la fin d’octobre 2005, peu de temps après l’arrestation de Mahamat Abbo Sileck, Mahamat Nour a formé le Rassemblement pour la démocratie et la liberté (RDL), composé dans son immense majorité d’anciens membres de l’ANR. Selon de nombreuses sources, le RDL a bénéficié, peu de temps après sa création, d’un fort accroissement de l’aide militaire octroyée par le gouvernement soudanais - même si celui-ci nie tout lien avec le RDL.

Mahamat Abbo Sileck, ressortissant tchadien, possède le statut de réfugié en France. En tant que tel, il ne peut demander une assistance consulaire de son pays d’origine. La France, en tant qu’État partie à la Convention sur les réfugiés de 1951, est dans l’obligation de prêter assistance sur le plan administratif aux réfugiés qu’elle a reconnus, ou d’organiser cette aide via une autorité internationale, comme le Haut-commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR). Cette aide inclurait l’assistance consulaire.

Les autorités françaises affirment avoir abordé la question avec le Soudan, mais sans avoir reçu de réponse.

Amnesty International demande aux autorités soudanaises de libérer Mahamat Abbo Sileck immédiatement, ou de l’inculper rapidement d’une infraction pénale reconnue et de le juger dans le respect des normes internationales pour un procès équitable et sans recours à la peine de mort. Les autorités soudanaises doivent également donner à Mahamat Abbo Sileck un acès immédiat à sa famille, son avocat et un médecin.

Les autorités soudanaises doivent donner accès à Mahamat Abbo Sileck aux autorités françaises.

Étant donnés le statut de réfugié de Mahamat Abbo Sileck et son incapacité à recevoir l’assistance de son pays d’origine, Amnesty International demande aux autorités françaises de lui fournir une assistance consulaire ou de faire en sorte que le HCR la lui fournisse.

Contexte

Les relations entre le Tchad et le Soudan, tendue pendant tout le conflit au Darfour, se sont détériorées depuis la fin de l’année 2005, en grande partie à cause des accusations de soutien mutuel de groupes d’opposition dans l’autre pays. Le Tchad accuse le Soudan d’un soutien accru aux groupes tchadiens d’opposition armée basés au Darfour, qui tentent de renverser le président tchadien Idriss Déby.

Jusqu’à la formation du RDL, les attaques de groupes tchadiens d’opposition armée au Tchad, à partir de la frontière du Darfour, étaient très limitées. Mais le 18 décembre 2005, le Tchad a accusé le RDL, ainsi que le gouvernement soudanais et les milices qu’il soutient, les Janjawid, d’être responsables d’une attaque importante contre la ville tchadienne d’Adre, qui a échoué. À la fin décembre, après une offensive importante contre Adre, Mahamat Nour a formé un nouveau regroupement composé de sept autres groupes tchadiens d’opposition armée au président Idriss Déby, appelé le Front uni pour le changement démocratique au Tchad (FUC). Le RDL a conservé le rôle principal au sein de ce groupe. Le FUC a lancé une tentative de coup d’État le 13 avril 2006 à partir du Tchad oriental, contre la capitale tchadienne, N’Djamena.

L’ANR a été fondée en 1994/95 par un ancien chef d’état-major tchadien, le colonel Mahamat Garfa. En 2003, ce dernier, après avoir signé un accord de paix avec les autorités tchadiennes, a rejoint le gouvernement avec des membres de l’ANR. De nombreux autres membres rejetaient cet accord et Mahamat Abbo Sileck, ancien porte-parole international de l’ANR qui travaillait en grande partie en Europe, a assumé la direction politique du groupe. Il a été reconnu par beaucoup comme le président, mais Mahamat Nour, son adjoint et commandant militaire basé au Tchad et au Darfour, se serait montré mécontent de la direction de Mahamat Abbo Sileck. Le contrôle de ce dernier sur l’ANR était donc controversé.

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