COMMUNIQUÉ DE PRESSE
ASA 37/007/2007
Des groupes armés, dont certains ont été identifiés comme faisant partie d’un groupe issu d’une scission des Tigres tamouls, la faction Karuna, infiltrent les camps de personnes récemment déplacées et enlèvent des résidents, selon des sources jugées fiables par Amnesty International.
Des dizaines de milliers de personnes ont fui leurs maisons en raison des combats intenses qui se sont déroulés les 10 et 11 mars dans la région de Batticaloa, à l’est du pays ; le nombre de personnes déplacées serait désormais largement supérieur à 120 000.
« Selon les informations qui nous parviennent, des hommes armés, portant des uniformes de la faction Karuna,entrent dans les camps, distribuant même des secours, explique Purna Sen, directrice du programme Asie-Pacifique à Amnesty International. La faction Karuna opère, semble-t-il, dans toute la ville de Batticaloa avec la complicité des autorités sri lankaises. »
Les actions militaires de la faction Karuna à l’est du pays ont augmenté la violence et précipité le déplacement de nombreuses personnes. Des analystes observent que l’armée sri lankaise tolère les camps militaires de la faction Karuna qui a aidé le gouvernement sri lankais dans sa campagne militaire contre les Tigres tamouls.
« Les personnes qui ont été contraintes de fuir les combats sont dans une situation extrêmement vulnérable : ils ont laissé derrière eux leurs maisons et leurs moyens de substance, ils ne connaissent peut-être pas la région où ils se trouvent et ils ont probablement très peur. Il est de la responsabilité du gouvernement de veiller à ce que les camps soient sûrs et civils par nature – il est inacceptable que des hommes armés s’y promènent comme s’ils en avaient le contrôle. »
Des informations concernant l’enlèvement de jeunes gens à l’intérieur des camps de personnes déplacées internes nous sont également parvenues. Le 9 mars, lors d’un épisode qui ne nous avait pas été signalé jusque là, un garçon d’une quinzaine d’années a été approché par un minibus blanc à un arrêt de bus près d’un temple situé à proximité du camp de personnes déplacées internes. Des hommes armés ont essayé de le faire monter de force dans le véhicule, mais il s’est débattu, ses cris ont attiré du monde et les ravisseurs se sont enfuis. Selon un témoin, des membres de l’armée sri lankaise qui assistaient à la scène ne sont pas intervenus pour venir en aide au jeune garçon.
La pénurie alimentaire et la surpopulation dans les camps de personnes déplacées constituent un autre sujet d’inquiétude. Amnesty International appelle le gouvernement à veiller à ce que soient fournis de la nourriture, de l’eau, un hébergement et des soins médicaux à toutes les personnes déplacées en raison des combats.
« Avec la poursuite des combats, nous craignons que davantage de gens ne soient forcés à chercher protection dans les camps – et que la pénurie en nourriture et en eau ne s’aggrave encore, a déclaré Purna Sen. Le gouvernement doit prendre des mesures dès maintenant pour répondre à la demande croissante. »
Amnesty International est également très préoccupée par des informations faisant état de la réinstallation forcée de personnes déplacées dans le nord du pays. Au cours du week-end des 10 et 11 mars, ordre a été intimé à des personnes déplacées de quitter Batticaloa pour la ville de Muthur, dans le nord-est du pays. Une quarantaine de bus les ont emmenés ; certaines personnes ne voulaient manifestement pas partir.
Lors de l’ouverture de la session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies en début de semaine, le gouvernement sri lankais a fait un geste en invitant le représentant du secrétaire général des Nations unies en charge des personnes déplacées internes à se rendre dans le pays. Face à la grave crise humanitaire en cours, Amnesty International demande instamment au gouvernement de faire en sorte que cette visite ait lieu le plus tôt possible.
Complément d’information
Les récents combats à Batticaloa se sont traduits par une augmentation importante du nombre de personnes déplacées internes. Beaucoup cherchent refuge et protection dans les zones contrôlées par l’armée sri lankaise (SLA), celle-ci poursuivant le pilonnage des zones toujours aux mains des Tigres tamouls. Batticaloa comptait déjà 80 000 personnes déplacées, 40 000 autres tentent aujourd’hui d’y trouver refuge.
Plus de 250000 civils ont été déplacés en raison du conflit depuis avril 2006.
En 2004, le colonel Karuna, ancien commandant des Tigres tamouls, a fait sécession d’avec les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE, Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul) et a formé son propre groupe, le Tamileel Makkal Viduthalai Pulikal, ou Tigres de libération populaire de l’Eelam tamoul (TMVP). Un panneau de bienvenue du TMVP a été installé face au point de contrôle de l’armée sri lankaise sur le lagon à Batticaloa. Le TMVP n’est pas un parti politique. Son aile militaire bénéficie, semble-t-il, du soutien de l’armée sri lankaise pour ses attaques contre les LTTE.
Au cours de l’année 2006, on a constaté une augmentation du nombre d’enfants enlevés pour faire d’eux des enfants soldats. Les Tigres tamouls et la faction Karuna portent une égale part de responsabilité dans ces enlèvements.