Communiqué de presse

Sri Lanka. Un rapport met en lumière la répression violente de la dissidence par le gouvernement

Menaces, intimidations, emprisonnement et attaques violentes : le gouvernement sri-lankais intensifie la répression à l’encontre des opposants, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public le 30 avril.

Intitulé Assault on Dissent , ce document montre que le gouvernement du président Mahinda Rajapakse, qui cherche à resserrer son emprise sur le pouvoir, fait prévaloir au sein de l’État une position assimilant toute critique à un acte de « trahison ».

Des journalistes, des magistrats, des militants des droits humains et des responsables de l’opposition figurent parmi les victimes d’une série préoccupante d’atteintes aux droits humains tolérées par les autorités et impliquant dans bien des cas les forces de sécurité ou des groupes agissant pour leur compte.

« Au Sri Lanka la consolidation du pouvoir politique va de pair avec la répression de la dissidence, a déclaré Polly Truscott, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« L’espace pour la critique s’est réduit depuis quelques années. Il règne un véritable climat de peur au Sri Lanka, et ceux qui ont le courage de prendre position contre le gouvernement paient dans bien des cas un prix très élevé pour leur attitude.

Le gouvernement a commencé à affermir son pouvoir presque immédiatement après la fin du conflit armé et la défaite des Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE), en mai 2009.

En septembre 2010, les autorités ont fait adopter le 18e amendement à la Constitution, qui a permis de placer un certain nombre d’institutions clés directement sous le contrôle du chef de l’État. Par ailleurs, la Loi relative à la prévention du terrorisme (PTA), un texte très strict qui octroie de vastes pouvoirs aux forces de sécurité, continue d’être utilisée.

Dans le même temps, le discours officiel vis-à-vis des détracteurs du gouvernement n’a cessé de se durcir – les organes de presse officiels utilisent par exemple régulièrement des termes comme celui de « traître ».

Des détracteurs du gouvernement ont fait l’objet d’intimidations verbales et physiques ; certains ont été attaqués, et même tués. Le rapport d’Amnesty International recense plusieurs dizaines de cas de ce type, intervenus aussi bien avant qu’après 2009.

Les magistrats, en particulier, sont visés par la répression. L’indépendance de l’appareil judiciaire est mise à mal par l’attitude des autorités, qui menacent les juges rendant des jugements en faveur des victimes de violations des droits humains.

La tension a été à son comble en janvier 2013 lorsque la présidente de la Cour suprême, Shirani Bandaranayake, a été destituée pour faute, et ce malgré un arrêt de la Cour suprême déclarant inconstitutionnelle la procédure de destitution.

La plupart des médias sri-lankais demeurent sous la coupe des autorités, et ces dernières s’en prennent aux organes restés indépendants et qui dénoncent les politiques officielles ou l’attitude du gouvernement pendant le conflit armé.

Les journalistes qui émettent des contenus critiques vis-à-vis du pouvoir continuent de faire l’objet d’actes d’intimidation, de menaces et d’attaques. Quinze au moins ont été tués depuis 2006, et un grand nombre d’autres ont été contraints de quitter le pays.

Faraz Shauketaly, journaliste au Sunday Leader, a ainsi été grièvement blessé en février 2013 après avoir été pris pour cible par trois inconnus armés qui ont fait feu contre lui, le touchant au cou.

Des affaires de premier plan plus anciennes, comme le meurtre en 2009 de l’ancien rédacteur en chef du Sunday Leader, Lasantha Wickramatunge, n’ont toujours pas été élucidées.

Il n’est pas rare que les sites web où l’on peut lire des articles critiquant le gouvernement fassent l’objet de cyberattaques. La police effectue des descentes dans les bureaux de ces médias ; dans certains cas leurs locaux ont été réduits en cendre lors d’incendies criminels dont on ne retrouve pas les auteurs. Les autorités introduisent par ailleurs de nouvelles dispositions législatives – par exemple l’imposition de frais d’« enregistrement » exorbitants – afin d’obtenir la fermeture de médias en ligne qui se montrent critiques.

« Les tentatives flagrantes du gouvernement d’entraver le travail des médias indépendants et de les réduire au silence sont contraires à la liberté de la presse, pourtant garantie par la législation nationale et le droit international », a déclaré Polly Truscott.

Pour le gouvernement, il s’agit en grande partie de faire taire les critiques sur son attitude durant le conflit armé, et en particulier lors des derniers mois de celui-ci, marqués par la mort de plusieurs milliers de civils, aux mains de l’armée ou des LTTE.

Les détracteurs des autorités sont particulièrement visés au moment des grands événements internationaux. Cela a notamment été le cas durant les sessions de 2012 et de 2013 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, au cours desquelles le Conseil a adopté des résolutions soulignant la nécessité de mener des enquêtes sur les violations du droit international perpétrées par le gouvernement sri-lankais lors du conflit armé.

Des personnes qui participaient aux travaux des Nations unies et des journalistes sri-lankais qui couvraient ces événements ont été pris à partie verbalement de manière répétée par des organes de la presse gouvernementale ; certains ont été menacés physiquement.

D’autres catégories de personnes sont prises pour cible par les autorités, et notamment les défenseurs des droits humains, les responsables syndicaux, les travailleurs humanitaires et les responsables de l’opposition, en particulier ceux qui travaillent dans le nord du pays, à majorité tamoule.

Le prochain sommet des chefs de gouvernement des États du Commonwealth doit se tenir en novembre 2013 à Colombo. Le Sri Lanka assumerait alors la présidence de l’institution, qu’il représenterait pour les deux années à venir.

« Avant cette échéance de novembre, les États du Commonwealth doivent faire pression sur le gouvernement sri-lankais pour qu’il agisse sur la situation alarmante des droits humains dans le pays, a déclaré Polly Truscott.

« La tenue à Colombo de la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth ne doit être autorisée que si le Sri Lanka a auparavant apporté la preuve qu’il a mis un terme aux violations systématiques des droits humains. Toutes les attaques perpétrées contre des personnes doivent faire l’objet sans délai d’une enquête impartiale et effective, et tous les responsables présumés de ces actes doivent être amenés à rendre des comptes. »

Outre ces violations persistantes, le gouvernement sri-lankais n’a toujours pas mené, en dépit de ses promesses répétées, de véritable enquête sur les allégations de crimes de droit international commis par les LTTE et l’armée durant le conflit armé.

« Il est manifeste que Colombo n’a ni la volonté ni la capacité d’enquêter sur les allégations crédibles de crimes de droit international, notamment de crimes de guerre, commis durant le conflit. Il faut donc mettre en place une enquête indépendante et impartiale conduite au niveau international », a conclu Polly Truscott.

Téléchargez le rapport d’Amnesty International : Assault on Dissent.

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