Communiqué de presse

Le suivi de la situation des droits humains au Soudan doit se poursuivre Par Khairunissa Dhala, chercheuse sur le Soudan et le Soudan du Sud à Amnesty International

Est-il toujours nécessaire qu’un expert indépendant mandaté par l’ONU suive la situation des droits humains au Soudan et présente des rapports sur les évolutions ?

Cette question figure parmi celles qui seront débattues lors de la 24e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui s’ouvre le 9 septembre à Genève.

Au vu de l’effroyable situation des droits humains au Soudan – conflit armé persistant dans trois États, restrictions à la liberté d’expression, d’association et de réunion, et notamment arrestations arbitraires de militants et de défenseurs des droits humains et actes de torture contre ces personnes –, on a du mal à imaginer que cette question puisse même être soulevée.

Mais le problème n’est pas nouveau.

J’ai assisté il y a deux ans à la 18e session du Conseil des droits de l’homme, durant laquelle les membres du Conseil sont parvenus à un « compromis » sur le suivi de la situation des droits humains au Soudan. Il s’agissait d’un « compromis » car si le mandat de l’expert indépendant a bien été renouvelé, il ne l’a été qu’au titre de la fourniture aux autorités nationales d’une assistance technique et d’un appui au renforcement des capacités.

En d’autres termes il ne s’agissait plus pour l’expert indépendant de surveiller la situation des droits humains au Soudan.

La décision du Conseil des droits de l’homme est intervenue l’année où le Soudan du Sud a acquis son indépendance – ce qui constituait l’un des enjeux majeurs de l’Accord de paix global. De l’avis de certains commentateurs, la communauté internationale a voulu par ce geste « récompenser » le Soudan d’avoir souscrit à l’Accord.

C’est aussi l’année où il a été mis fin au mandat de la Mission des Nations unies au Soudan, la principale organisation internationale dotée d’une composante en matière de droits humains, qui n’avait pas été interdite au Soudan.

Et c’est enfin l’année où le conflit a éclaté dans les États du Kordofan du Sud et du Nil Bleu, et où les forces armées gouvernementales ont mené des bombardements aériens aveugles et bloqué l’accès humanitaire dans ces deux États.

Le compromis sur le mandat de l’expert indépendant est apparu comme une concession faite au Soudan par la communauté internationale. Une concession faite à un pays où ont lieu des violations généralisées et systématiques des droits humains, du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains.

Or lorsqu’il s’agit de droits humains, aucun compromis ne devrait intervenir.

Le mandat de l’expert indépendant a depuis été renouvelé dans le cadre de la fourniture d’une assistance technique, alors même que la situation catastrophique des droits humains au Soudan exige de toute évidence un mandat de surveillance.

Le conflit se poursuit au Kordofan du Sud et dans le Nil Bleu. Et c’est la population civile qui est touchée. Je me suis entretenue ces deux dernières années avec un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants de ces deux États. J’ai recueilli auprès d’eux des récits déchirants. Ils m’ont raconté la mort de leurs proches, tués par l’explosion dans leur maison de bombes larguées à haute altitude par des Antonov des forces armées soudanaises.

Le conflit, marqué aussi par les attaques terrestres des forces soudanaises et du groupe armé d’opposition APLS-N, a contraint plus de 200 000 personnes à quitter leur foyer pour se réfugier dans les camps du Soudan du Sud et de l’Éthiopie, sans compter les dizaines de milliers de personnes déplacées dans les deux régions. Les autorités soudanaises continuent de refuser l’accès humanitaire sans entraves à toutes les zones concernées.

Parallèlement, 10 ans après le début du conflit armé au Darfour, la crise se poursuit dans cet État où l’on observe un nouveau regain de violence. Pour la seule année 2013, plus de 300 000 personnes ont dû quitter leur foyer pour fuir les affrontements violents entre groupes d’origine arabe pour la plupart.

Dans tout le pays par ailleurs, des restrictions continuent de peser sur la liberté d’expression, d’association et de réunion. Les journalistes et les militants sont en butte à d’incessantes manœuvres de harcèlement et à des arrestations, ainsi qu’à des actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés par le service national de la sûreté et du renseignement.

Compte tenu de la gravité de la situation en matière de droits humains, tout compromis sur le mandat de l’expert indépendant équivaut à un renoncement au devoir du Conseil des droits de l’homme de promouvoir et de protéger les droits fondamentaux au Soudan.

Amnesty International et un certain nombre d’organisations soudanaises et internationales de défense des droits humains lancent un appel aux États membres du Conseil des droits de l’homme et leur demandent de ne pas se contenter de renouveler pour trois ans le mandat de la procédure spéciale sur le Soudan, mais aussi de le renforcer.

Il faut donner à l’expert indépendant le mandat nécessaire pour qu’il puisse suivre la situation des droits humains au titre du point 4 (« situations relatives aux droits de l’homme qui requièrent l’attention du Conseil  ») et soumettre deux fois par an au Conseil et à l’Assemblée générale de l’ONU son rapport sur les violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains qui ont lieu dans tout le pays.

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