Syrie. Amnesty International réclame une nouvelle enquête, impartiale, sur l’enlèvement et l’homicide de Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi


Déclaration publique

MDE 24/019/2007

Amnesty International exhorte le gouvernement syrien à enquêter sur les allégations selon lesquelles des responsables des services de sécurité seraient impliqués dans la disparition forcée et le meurtre d’une personnalité religieuse kurde en mai 2005. S’appuyant sur des informations impliquant des agents de l’État, l’organisation a écrit au président Bachar el Assad et aux ministres syriens de la Justice et des Affaires étrangères pour remettre en question la version officielle selon laquelle Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi aurait été tué par les membres d’« une bande de malfaiteurs et de terroristes ».
Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi a « disparu » à Damas le 10 mai 2005 et sdon corps a été renvoyé à sa famille, à El Qamishli, vingt jours plus tard. Les autorités syriennes nient avoir joué un rôle quelconque dans l’enlèvement et la mort de cet homme, bien que des informations indiquent qu’il avait été harcelé par des agents des services de sécurité syriens pendant la période ayant précédé son enlèvement et qu’il craignait pour sa vie. Dès le 1er juin 2005, Amnesty International avait déclaré que les informations qu’elle avait reçues suggéraient que Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi pourrait être mort des suites de tortures après avoir été détenu par le Service des renseignements militaires. Les dernières informations qu’a reçues l’organisation font douter davantage encore du bien-fondé des dénégations des autorités syriennes :
pendant la durée de la « disparition », deux hauts responsables, dont Amnesty International indique le nom dans les lettres qu’elle a adressées aux autorités, auraient reconnu auprès de personnes préoccupées que Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi était détenu par la Syrie ;
selon certaines informations, Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi aurait été détenu pendant une partie de cette période à la Section Palestine du Service des renseignements militaires, à la prison Saidnaya, puis à l’Hôpital militaire Tishrin où il aurait été admis dans un état critique.
Ces informations, et d’autres, font aussi douter de l’exhaustivité et de l’indépendance de l’enquête officielle et laissent à penser que la seule piste suivie par les autorités – à savoir que l’enlèvement et l’homicide seraient imputables à une « bande de malfaiteurs et de terroristes » dont certains membres présumés ont « avoué » le meurtre devant les caméras de la télévision d’État syrienne le 2 juin 2005 – est insuffisante et laisse à désirer.
Les autres informations dont on dispose sont les suivantes :
la famille de Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi n’a pas été autorisée à faire pratiquer une autopsie indépendante sur le corps du défunt ;
les résultats de l’autopsie officielle n’ont pas été communiqués aux avocats de la famille de Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi ;
les avocats de la famille de Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi n’ont pas reçu à ce jour de copie du dossier d’enquête ;
la description que les membres de la « bande de malfaiteurs et de terroristes » ont faite de la mise en terre et de la tombe ne correspondrait pas à la tombe qui a été montrée à ses fils et à d’autres personnes ;
le « bon » état – à l’exception de signes visibles de tortures et d’autres mauvais traitements comme des brûlures dans le dos et sur les bras, une dent de devant cassée, le nez cassé, une blessure à la tempe, et le fait que sa barbe était rasée – du corps tel qu’il a été vu par certaines personnes après sa « découverte » aux environs du 29 mai 2005, ne correspondait pas à l’état dans lequel on s’attend à trouver la dépouille d’une personne tuée trois semaines auparavant et enterrée dans un environnement où la chaleur règne, comme l’ont affirmé les membres de la « bande de malfaiteurs et de terroristes » dans leurs « aveux » télévisés, au cours desquels ils ont indiqué avoir tué Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi peu de temps après l’avoir capturé le 10 mai 2005.
En conséquence, Amnesty International considère que les dates dont les autorités ont indiqué qu’elles correspondaient à celles de l’enlèvement et de l’homicide de Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi ne sont pas convaincantes et que l’enquête officielle manque sérieusement de rigueur. L’organisation demande donc aux autorités syriennes de mener une nouvelle enquête qui soit indépendante, exhaustive et impartiale ; d’en rendre les résultats publics et de faire en sorte que les personnes soupçonnées à l’issue de ces investigations d’être responsables de l’enlèvement et de la mort de cet homme soient déférées à la justice et jugées dans le respect des normes internationales d’équité des procès et sans qu’il ne soit possible de les condamner à mort.
Sans vouloir préjuger des résultats d’une telle enquête, Amnesty International demande de nouveau aux autorités syriennes d’abolir la législation qui exempte de poursuites les membres des forces de sécurité pour toute infraction commise dans l’exercice de leurs fonctions, tel que l’article 16 du décret-loi n°14 de 1969, qui prévoit une telle immunité de poursuites pour les employés de la Sûreté de l’État.

Complément d’information

Figure importante de la communauté kurde, Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi présidait le Centre sunnite d’études islamiques. Il s’était prononcé en faveur de réformes en Syrie et d’un dialogue plus poussé entre les différents groupes religieux. En février et mars 2005, il s’était rendu en Europe dans le cadre de ses tentatives de consolidation des relations entre l’Union européenne et la communauté kurde de Syrie ; il avait rencontré alors le chef en exil du groupe interdit des Frères musulmans syriens. Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi a « disparu » à Damas le 10 mai 2005, alors qu’il venait de quitter le Centre d’études islamiques. Voir le communiqué de presse d’Amnesty International intitulé Un dirigeant religieux musulman « torturé à mort » (index AI : MDE 24/036/2005, 1er juin 2005).

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