Syrie. Amnesty International appelle les autorités à réformer ou abolir la Cour suprême de sûreté de l’État

Déclaration publique

MDE 24/040/2007

Amnesty International a envoyé ce lundi 20 août aux autorités syriennes un document d’une vingtaine de pages sur ses préoccupations au sujet de la Cour suprême de sûreté de l’État, dont elle considère qu’elle doit être abolie ou réformée en profondeur.

Cela fait près de quarante ans que cette cour juge les personnes soupçonnées de délits politiques ou d’atteintes à la sûreté de l’État en appliquant une procédure inique. Les accusés sont systématiquement reconnus coupables d’infractions formulées dans des termes vagues aux interprétations multiples, telles que « affaiblissement du sentiment nationaliste » ou « « incitation aux luttes de factions », qui correspondent le plus souvent à la simple expression de points de vue différents de ceux des autorités. Les éléments de preuve fournis à la Cour pour étayer les charges retenues contre ces personnes sont minces, quand il y en a.

Les accusés voient systématiquement bafoué leur droit fondamental à un procès équitable, droit garanti par des traités internationaux auxquels la Syrie est un État partie et qu’elle a donc obligation de respecter. La Cour est loin d’être indépendante et impartiale ; les accusés ne sont pas rapidement informés des charges retenues contre eux ni jugés dans des délais raisonnables ; ils ne bénéficient pas du temps et des ressources nécessaires pour assurer adéquatement leur défense ; les « aveux » dont il est allégué qu’ils ont été obtenus sous la torture sont acceptés comme éléments de preuve et, à la connaissance d’Amnesty International, pas une seule allégation de torture faite à la Cour n’a donné lieu à une enquête ; les condamnations sont sans appel.

Les autorités ont déjà reçu, avant le document d’Amnesty International, plusieurs avis du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire concernant la détention d’un individu jugé par la Cour. Le Groupe de travail (avis 8/2007) a qualifié d’arbitraire la détention de Muhammed Zammar, en se fondant sur le fait que cet homme a été détenu pendant cinq ans au secret sans avoir été inculpé ; qu’il a été condamné à une peine de douze ans d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable d’un crime pour lequel aucun élément de preuve n’a été fourni et qu’il n’a pas eu la possibilité d’interjeter appel de sa condamnation.

Dans le document d’Amnesty International, il y a d’autres exemples de violations flagrantes du droit à un procès équitable :

Musab al Hariri a été reconnu coupable d’appartenance à l’organisation interdite des Frères musulmans en juin 2005 alors qu’il était âgé de dix-huit ans ; aucun élément n’a été fourni à la Cour pour étayer cette accusation et aucune enquête n’a été menée sur les informations selon lesquelles il aurait été torturé lorsqu’il était détenu au secret en attendant d’être jugé ;

• l’avocat Anwar al Bunni a été exclu de la Cour en juin 2002 pour avoir demandé l’ouverture d’une enquête sur les informations selon lesquelles son client, Aref Dalilah, aurait été torturé en détention ;

• au moins 20 membres du Parti communiste ont été détenus pendant plus de dix ans avant d’être jugés au début des années 90 ;

• 13 défenseurs des droits humains, dont Aktham Nuaysa et Nizar Nayyouf, ont été condamnés en 1992 sur la base d’aveux qui auraient été obtenus sous la torture ; alors qu’Aktham Nuaysa et Nizar Nayyouf n’avaient pas pu se rendre sans aide dans la salle d’audience en raison des tortures alléguées, aucune enquête sur ces allégations n’a été menée.

En juin 2005, les autorités syriennes ont annoncé que la Cour suprême de sûreté de l’État et la procédure qu’elle suit étaient en train d’être réexaminées. Depuis lors, aucune information n’a été transmise sur les caractéristiques et les modalités de ce passage en revue et, le cas échéant, les progrès réalisés. Amnesty International demande une fois encore aux autorités syriennes de s’assurer que ce réexamen prend en compte les sujets de préoccupation figurant dans la note qu’elle leur a remise. Pour l’organisation, la Cour suprême de sûreté de l’État respecte tellement peu les normes internationales d’équité des procès que tout réexamen devrait conduire à une réforme en profondeur de cette instance ou à sa suppression.

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