SYRIE : Après un état d’urgence de quarante et un ans, un véritable catalogue de violations des droits humains. Amnesty International exprime à nouveau son inquiétude.

Index AI : MDE 24/016/2004
ÉFAI

Amnesty International a exprimé ce lundi 8 mars sa profonde préoccupation
devant la persistance de l’état d’urgence en Syrie. Ce mois marque le 41ème
anniversaire de la proclamation de l’état d’urgence, qui est appliqué sans
interruption depuis le 8 mars 1963 et a provoqué la mise en détention, la
torture et l’emprisonnement au secret de milliers d’opposants politiques
présumés, sans inculpation ni procès, parfois pendant plus de deux
décennies. D’autres personnes ont été condamnées à de lourdes peines de
prison, après des procès manifestement inéquitables devant des tribunaux
militaires ou de sûreté de l’État.

Parmi les exemples récents des violations des droits humains encouragées par
l’état d’urgence figurent 14 défenseurs syriens des droits humains, arrêtés
le 23 août 2003 lors d’une conférence à laquelle ils assistaient à
l’occasion du 40ème anniversaire de la proclamation de l’état d’urgence. Ces
14 personnes ont été inculpées d’« affiliation à une organisation secrète »
et d’« incitation à des conflits factieux au sein de la nation ». Amnesty
International a demandé aux autorités syriennes d’abandonner toutes les
inculpations visant ces personnes, actuellement traduites devant un tribunal
militaire : jugées pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et
de réunion, elles deviendraient des prisonniers d’opinion si elles étaient
reconnues coupables. Parmi ces personnes figurent Fateh Jamus et Safwan
Akkash, tous deux membres du Parti d’action communiste et anciens
prisonniers d’opinion, condamnés à quinze ans d’emprisonnement après des
procès manifestement inéquitables. Les douze autres personnes sont Abd al
Ghani Bakri, Hazim Ajaj al Aghrai, Muhammad Deeb Kor, Abd al Jawwad al
Saleh, Hashem al Hashem, Yassar Qaddur, Zaradesht Muhammad, Rashid Shaban,
Fuad Bawadqji, Ghazi Mustafa, Najib Dedem et Samir Abd al Karim Nashar.

L’état d’urgence permet aux autorités syriennes de restreindre la liberté
d’expression en permettant la censure de la correspondance, des
communications et des médias d’information. Elle permet aussi la création de
tribunaux spéciaux pour les affaires politiques et relatives à la sûreté de
l’État, sans recours à la procédure ni aux garanties des tribunaux
ordinaires.

« Au fil des ans, nous avons recueilli des éléments attestant de violations
des droits humains à l’encontre d’opposants ou d’opposants présumés du
gouvernement syrien, alors que ces personnes n’avaient commis aucune
violence. », a déclaré Amnesty International.

L’état d’urgence est en contradiction avec le droit relatif aux droits
humains, en particulier l’article 4 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Syrie est État partie. En
avril 2001, le Comité des droits de l’homme, qui surveille la mise en œuvre
du PIDCP par les États, a exprimé son inquiétude relative à l’état d’urgence
en Syrie, qui selon lui, ne permet pas de remédier à des mesures limitant
les libertés et droits fondamentaux des citoyens. Le Comité recommandait que
l’état d’urgence soit officiellement levé le plus vite possible.

L’article 4 du PIDCP reconnaît qu’en des temps de crise nationale extrême,
menaçant la vie de la nation, des pouvoirs d’urgence peuvent être
légitimement utilisés. Cependant, de tels pouvoirs sont clairement définis
et limités par l’article 4, qui stipule que les restrictions imposées aux
droits garantis par ses dispositions doivent être limitées en temps et en
importance, « dans la stricte mesure où la situation l’exige ». L’état
d’urgence est par définition une réaction juridique temporaire à une menace
grave et exceptionnelle pour la nation. « Cependant, dans le cas de la
Syrie, l’état d’urgence perpétuel ne peut que contribuer à rendre les
violations des droits humains permanentes », a souligné Amnesty
International. À la connaissance de l’organisation, les autorités syriennes
n’ont jamais informé le Secrétaire général des Nations unies d’une
dérogation aux dispositions du PIDCP, comme le stipule l’article 4(3) du
PIDCP. Tous les articles du PIDCP restent donc juridiquement contraignants
pour la Syrie.

Amnesty International demande aux autorités syriennes de mettre tous leurs
textes de loi en conformité avec le droit international, et notamment les
articles 18-22 du PIDCP, qui garantissent le droit à la liberté de
conscience, d’expression, d’association et de réunion, ainsi que le droit
d’exercer ces libertés sans interférence injustifiée.

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