Syrie. Combien de sang devra encore être versé avant que le monde n’apporte son secours ?

Depuis la frontière avec la Syrie, le chercheur d’Amnesty International Neil Sammonds révèle dans cet article au contenu très dur l’ampleur des tortures subies par ceux qui ont été arrêtés en Syrie.

De son lit d’hôpital à al Ramtha, à quelques kilomètres de la frontière avec le gouvernorat de Deraa en Syrie, Abu Suhaib m’explique comment, il y a deux jours, il a pris la fuite avec la plupart des hommes de la ville de al Taibe, alors que l’armée syrienne se rapprochait.

Abu Suhaib, un homme éloquent de 45 ans, explique qu’il était en train d’observer les événements avec un petit groupe lorsqu’un missile anti-aérien a été tiré dans leur direction. Abu Suhaib a été touché à la jambe par des éclats de la taille d’un raisin, dont certains sont entrés dans sa jambe gauche et ressortis par sa cuisse. Son pouce gauche a également été arraché.


« Ma propre chair et mon sang ont éclaboussé mon visage »
, a-t-il déclaré.

Il a été évacué avec plusieurs autres blessés sur une mobylette puis a reçu des soins de premiers secours rudimentaires dans une maison vide avant d’être en état de traverser la frontière.

Après quelques efforts, j’ai obtenu l’accès à un camp de réfugiés à al Ramtha. J’y ai trouvé des groupes d’hommes, pour la plupart jeunes, qui se pressaient autour de chauffages au gaz dans un sous-sol.

Des habitants des villes de Deraa, Naïme, al Taibe, Deal, al Jiza, Tasil et Kaheel m’ont raconté que les maisons étaient la cible de tirs de missiles, de mortiers et de mitrailleuses lourdes. Les forces syriennes étaient allées de maison en maison pour arrêter et passer à tabac tous les garçons et les hommes encore sur place.

Le régime a resserré son étau sur Deraa et des dizaines de personnes ont été tuées la semaine dernière. Les maisons ont été pillées, l’argent, les ordinateurs, et les bijoux volés, et des générateurs ont été vandalisés.

Pourtant, Abu Suhaib déclare : « J’ai vu beaucoup de personnes à mes côtés se faire tuer par balle mais je n’ai pas peur de mourir. J’ai peur d’être arrêté. »

À la lumière des premiers témoignages de torture des Syriens que j’ai rencontrés cette semaine à al Ramtha, Irbid et Amman, on comprend un peu mieux cette position.

Il est courant d’être battu violemment pendant de longues heures, de façon répétée sur plusieurs jours ou plusieurs semaines.

Il est si habituel de recevoir des coups de poings et de pieds, d’être piétiné ou frappé avec des crosses de fusil en métal, des bâtons ou des câbles qu’on en parle à peine, même si ces pratiques peuvent parfois produire des blessures fatales.

Tareq Ismail al Harir, 27 ans, a fui al Taibe pour la Jordanie il y a 10 jours, après que les forces de sécurité sont venues l’arrêter pour la troisième fois.

Au cours de ses deux premières détentions, qui ont duré presque cinq mois, il avait été enfermé avec cinq autres détenus dans une cellule de 1 mètre sur 1,7 mètre.

Pendant 18 jours de suite, il a été soumis au dulab (il a reçu 100 coups de fouet sur ses pieds nus) et au shabeh (ses poignets ont été attachés et il a été suspendu au-dessus du sol, puis on lui a administré des décharges électriques et des coups, y compris des coups de matraque sur ses parties génitales).

Lors de sa deuxième détention, il a été soumis au dulab à quatre reprises. On l’a placé avec 24 autres hommes dans une cellule de 4 mètres sur 3, après avoir enduré avec d’autres des passages à tabac particulièrement violents et de longue durée de la part du « comité d’accueil » et passé 24 heures en extérieur, vêtu uniquement de ses sous-vêtements.

Il m’a confié qu’on avait enfoncé une bouteille en verre cassée dans l’anus d’un homme de sa cellule. Un autre homme, alors qu’il était suspendu dans la position shabeh, a eu le pénis attaché à un grand sachet rempli d’eau que l’on a ensuite balancé violemment à travers la pièce. Un homme plus âgé avec qui il avait partagé une cellule est mort faute de soins médicaux. « Vous les voyez mourir sous vos yeux, en sachant que vous ne pouvez rien y faire. »

La détermination de personnes comme celles que j’ai rencontrées à al Ramtha démontre que les Syriens continueront à s’élever contre l’oppression brutale. Le manque de résolution de la part de la communauté internationale garantit que l’oppression continuera et ne pourra qu’empirer.

Combien de sang devra encore être versé avant que le monde n’apporte son secours ?

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