Syrie/Jordanie/Canada/USA. L’enquête canadienne souligne la nécessité de poursuivre les investigations en Syrie et en Jordanie dans l’affaire Maher Arar


Déclaration publique

POL 30/041/2006

Amnesty International salue les conclusions de l’enquête publique canadienne sur le rôle joué par des fonctionnaires canadiens dans l’expulsion et la détention de Maher Arar. Ces conclusions ont été rendues publiques le 18 septembre.

L’enquête reconnaît notamment que Maher Ara a été torturé lors de sa détention, qui a duré près de douze mois en Syrie. À cet égard, Amnesty International renouvelle son appel aux autorités syriennes pour qu’elles mènent de toute urgence leur propre enquête indépendante sur les allégations de torture et mauvais traitements subis par Maher Arar en Syrie. Au fil des ans, Amnesty International a recueilli de nombreux témoignages, dont celui de Maher Arar, indiquant que le recours à la torture est systématique en Syrie ; l’organisation n’a cessé d’appeler à l’ouverture d’enquêtes appropriées. À sa connaissance toutefois, aucune de ces affaires, dont certaines se sont terminées par la mort en détention des prévenus, n’a fait l’objet d’une quelconque enquête et aucune citation à comparaître n’a, semble-t-il, été délivrée à l’encontre d’auteurs présumés d’actes de torture.

Maher Arar a été détenu en Syrie du 9 octobre 2002 au 5 octobre 2005. Il a été détenu au secret pendant presque toute cette période, dans des conditions inhumaines, dans une minuscule cellule non éclairée de la branche palestinienne des services de renseignements militaires à Damas, avant d’être remis en liberté sans avoir été inculpé.

Au cours de sa détention en Syrie, il a été torturé ; il a notamment été frappé avec un câble électrique noir épais effiloché. On l’a menacé du supplice de la « chaise allemande » et du supplice du « pneu » ainsi que de chocs électriques. Il entendait d’autres prisonniers hurler pendant qu’on les torturait. Les interrogateurs qui travaillaient peut-être à partir d’informations fournies par les services de renseignements canadiens et américains le soupçonnaient de coopération avec Al Qaïda. Les conclusions de l’enquête publique ont démontré qu’une grande partie de ces informations étaient fausses et qu’elles avaient été communiquées en dehors de tout cadre légal par la police canadienne à leurs homologues américains. Après des investigations poussées, l’enquête a conclu que « rien n’indique que M. Arar ait commis une infraction ni que ses activités constituent une menace pour la sécurité du Canada. »

Maher Arar, trente-quatre ans, consultant d’origine syrienne au service des télécommunications canadiennes, a été placé en détention aux États-Unis le 26 septembre 2002 alors qu’il était en transit entre un vol en provenance de Tunisie et un autre à destination du Canada. Détenu aux États-Unis pendant douze jours, il a été tiré de sa cellule en pleine nuit le 8 octobre 2002, embarqué à bord d’un avion privé vers la Jordanie, via plusieurs aéroports américains et l’aéroport de Rome en Italie ; à son arrivée en Jordanie il a été frappé avant d’être amené par la route en Syrie.

Amnesty International réitère également son appel aux autorités jordaniennes pour qu’elles rendent publique la liste des noms de toutes les personnes ayant transité par les prisons jordaniennes en provenance ou à destination des États-Unis, ou ayant été transférées avec l’assistance des services de renseignements et de sécurité américains ou autres. Les dates ainsi que les lieux de détention pour toutes les personnes ayant transité en Jordanie devraient être fournis ainsi que les raisons légales de leur détention.

Complément d’information
Les conclusions de la commission d’enquête canadienne apportent la preuve de l’innocence de Maher Arar et demandent que des réparations lui soient accordées. La commission appelle également à une révision « indépendante et crédible » de trois autres affaires mettant en cause trois ressortissants canadiens d’origine arabe qui ont été détenus, interrogés et torturés en Syrie ces dernières années avec la possible complicité ou l’implication des services de renseignements canadiens et d’autres services de renseignements étrangers. Ahmed Abou El Maati a été détenu onze semaines à son arrivée en Syrie le 12 novembre 2001 avant d’être transféré en Égypte, où il a à nouveau été sévèrement torturé et où il est resté en détention sans avoir été inculpé ni jugé jusqu’au 11 janvier 2004 ; Abdullah Almalki a été détenu dans les locaux de la branche palestinienne de Damas pendant vingt-deux mois, du 3 mai 2002 au 10 mars 2004, et Muayyed Nureddin a été détenu en Syrie du 11 décembre 2003 au 13 janvier 2004. Le professeur Stephen Toope, ancien président du Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires, qui a mené les recherches, s’est entretenu avec ces hommes et a conclu que chacun d’entre eux avait apporté des preuves crédibles de tortures subies en Syrie.

Amnesty International continue d’appeler les autorités américaines à mettre en place une commission d’enquête indépendante chargée d’étudier tous les aspects de la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis, des pratiques et politiques de détention jusqu’aux restitutions. Les conclusions de la commission d’enquête canadienne dans l’affaire Maher Arar, ainsi que la récente confirmation par le président George W. Bush que la CIA avait un programme d’interrogatoire et de détention secrète en dehors du territoire des États-Unis, ont davantage encore mis en lumière la nécessité d’une telle enquête aux États-Unis. Amnesty International appelle également le gouvernement des États-Unis à communiquer les identités des personnes détenues dans le cadre du programme de la CIA et à donner des précisions sur leur sort.

Amnesty International a suivi activement les dossiers de Maher Arar, Abdullah Almalki, Ahmed El Maati et Muayyed Nureddin, durant leur détention en Syrie et après leur retour au Canada. L’organisation a fait pression pour que soit ouverte une enquête publique sur l’affaire Maher Arar et une fois l’enquête engagée, y a apporté sa participation active. Amnesty International avait instamment demandé à la commission d’inclure une référence aux dossiers des trois autres détenus dans son rapport et de recommander que les trois affaires bénéficient d’une révision indépendante. Amnesty International appelle le gouvernement canadien à agir à présent sur la base de cette recommandation et des autres recommandations contenues dans le rapport d’enquête.

Campagne d’Amnesty International pour mettre fin à la torture et autres mauvais traitements dans la « guerre contre le terrorisme » : http://www.amnesty.org/stoptorture

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