Syrie. L’enquête sur les homicides de Sami Matouq et Joni Suleiman est ouverte, mais entravée par la falsification de preuves

Déclaration publique

ÉFAI

Amnesty International salue l’ouverture d’une enquête sur les homicides de Sami Matouq et Joni Suleiman, tués par les forces de sécurité syriennes dans le village d’al Mishrefeh, près de la ville de Homs, le 14 octobre 2008. Toutefois, elle est vivement préoccupée par les informations selon lesquelles le lieu où se sont déroulés ces événements a été altéré ce lundi 20 octobre 2008.

Dans une lettre adressée le 20 octobre 2008 au général Hassan Ali Turkmani, ministre syrien de la Défense, l’organisation s’est félicitée de ce que le procureur militaire avait ouvert une enquête sur les homicides de Sami Matouq et Joni Suleiman. Elle a cependant déploré que la scène du crime n’ait visiblement pas fait l’objet d’une inspection rapide après les tirs et qu’elle ait subi des dégradations dans le but manifeste de détruire les preuves.

Amnesty International a engagé le ministre à veiller à ce que tout élément de preuve physique encore présent sur les lieux soit recueilli de toute urgence. Elle a insisté sur le fait que l’enquête doit être menée dans le droit fil des normes internationales relatives aux droits humains, comme les Principes des Nations unies relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions. Plus particulièrement, cette enquête doit s’avérer approfondie, indépendante et impartiale. Ses conclusions doivent être rendues publiques. Les témoins de la scène doivent être protégés contre toute mesure d’intimidation et les responsables présumés déférés à la justice, dans le cadre de procès conformes aux normes internationales d’équité et sans recourir à la peine de mort.

Sami Matouq et Joni Suleiman ont été tués le 14 octobre 2008 vers 21 heures. Des responsables de l’application des lois menant une opération se sont approchés d’un groupe de personnes rassemblées devant chez elles. D’après les informations reçues par Amnesty International, ces personnes étaient pour la plupart assises et aucune ne portait d’arme ni ne menaçait la vie ou la sécurité des agents ou d’autres personnes. Les responsables de l’application des lois ont ouvert le feu, visant selon toute apparence Joni Suleiman de très près. Selon d’autres informations, il a été abattu à une distance de plusieurs mètres, criblé de dizaines de balles. Quant à Sami Matouq, il aurait été touché par des tirs visant Joni Suleiman et aurait succombé à ses blessures. D’après les informations parvenues à Amnesty International, ces agents appartenaient à la Sécurité militaire.

Dans la matinée du 20 octobre, des personnes non identifiées auraient mis le feu à des objets sur la scène du crime, éclipsant ainsi semble-t-il des marques sur le sol à l’endroit où les deux hommes ont été abattus, et auraient élargi à l’aide de marteaux les trous faits dans les murs des bâtiments adjacents par les balles tirées ce jour-là, rendant leur identification impossible.

Amnesty International craint fortement que ces homicides ne constituent une privation illégale et arbitraire du droit à la vie, et que celui de Joni Suleiman n’ait été un acte délibéré – s’apparentant donc à une exécution extrajudiciaire.

En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Syrie est tenue de veiller à ce que nul ne [soit] arbitrairement privé de la vie . Lorsque des responsables de l’application des lois font usage de la force, ils doivent respecter les principes de nécessité et de proportionnalité au regard des circonstances. Aux termes du Code de conduite pour les responsables de l’application des lois de l’ONU, ils peuvent recourir à la force seulement lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure exigée par l’accomplissement de leurs fonctions . En outre, les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (ONU, 1990) précisent : [l]es responsables de l’application des lois ne doivent pas faire usage d’armes à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave, ou pour prévenir une infraction particulièrement grave mettant sérieusement en danger des vies humaines, ou pour procéder à l’arrestation d’une personne présentant un tel risque et résistant à leur autorité, ou l’empêcher de s’échapper, et seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour atteindre ces objectifs . Quoi qu’il en soit, ils ne recourront intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines .

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