SYRIE : Le procès inique de prisonniers d’opinion kurdes et les tortures infligées à des mineurs sont totalement inacceptables

Index AI : MDE 24/048/2004

ÉFAI

Mardi 29 juin 2004

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International a condamné aujourd’hui (mardi 29 juin 2004) le procès inique de sept prisonniers d’opinion kurdes qui s’est tenu devant la Cour suprême de sûreté de l’État. L’organisation a également exprimé la préoccupation que lui inspirent des allégations selon lesquelles des mineurs kurdes, aux mains des autorités syriennes depuis des mois sans inculpation, ont subi des tortures et d’autres types de mauvais traitements.

Le 27 juin 2004, la Cour suprême de sûreté de l’État a déclaré les sept prisonniers d’opinion coupables d’« appartenance à une organisation secrète » et de « tentative de séparation d’une partie du territoire syrien et d’annexion de celle-ci à un autre État ». Ils avaient été arrêtés le 25 juin 2003 pour avoir pris part à une manifestation pacifique d’enfants kurdes devant les locaux de l’UNICEF à Damas ; les participants avaient à cette occasion appelé les autorités à respecter les droits des Kurdes syriens, et, en particulier, à les autoriser à apprendre leur langue. Au cours du procès, les accusés ont déclaré devant la Cour suprême de sûreté qu’ils avaient subi des tortures et d’autres types de mauvais traitements au cours de leur incarcération, et qu’ils avaient été placés à l’isolement dans des cellules exiguës. L’un d’eux, Muhammad Mustafa, a affirmé devant la Cour avoir été retenu captif dans des toilettes. Ces déclarations ont été ignorées.

Trois des sept hommes, Muhammad Mustafa, Sherif Ramadhan et Khaled Ahmad Ali, ont été condamnés à une peine de cinq ans d’emprisonnement, immédiatement ramenée à deux ans. Quant aux quatre autres, Amr Morad, Solar Saleh, Hosan Muhammad Amin et Hussayn Ramadhan, leur condamnation à cinq ans d’emprisonnement a été immédiatement ramenée à un an. Ayant déjà passé une année en détention depuis leur arrestation, ces derniers ont été remis en liberté.

Amnesty International exhorte les autorités syriennes à abandonner les charges retenues contre ces hommes et à libérer immédiatement et sans condition Muhammad Mustafa, Sherif Ramadhan et Khaled Ahmad Ali. L’organisation estime que le placement en détention de ces hommes et le procès dont ils ont fait l’objet enfreignent le droit à la liberté d’expression et d’association, tel qu’il est décrit dans les articles 38 et 39 de la Constitution syrienne et dans l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Syrie est partie.

Amnesty International est, par ailleurs, vivement préoccupée par certaines informations concernant de jeunes Kurdes appréhendés au lendemain des événements survenus dans le nord du pays, en particulier à El Qamishli, en mars 2004. Ces mineurs, détenus au secret dans des postes de police et des locaux des services de sûreté, auraient été victimes de tortures et d’autres types de mauvais traitements. L’identité de plus de 20 adolescents âgés de quatorze à dix-sept ans a été communiquée à Amnesty International. Ces jeunes auraient subi de nombreux actes de torture, qui leur ont laissé des cicatrices et sont à l’origine de blessures sérieuses - nez cassé, tympans perforés ou encore plaies infectées. Selon les informations recueillies, les tortionnaires auraient notamment :

 torturé à l’électricité les jeunes détenus sur les mains et les pieds ainsi que sur d’autres zones sensibles du corps ;

 arraché des ongles de pied ;

 cogné violemment entre elles les têtes de plusieurs jeunes, provoquant des blessures et des saignements nasaux. Les saignements ont continué pour l’un des adolescents après sa libération ;

 asséné à leurs victimes des coups de câble électrique et de crosse de fusil ;

 ordonné aux jeunes détenus de se dévêtir presque entièrement en comptant de un à trois, et roués ceux-ci de coups s’ils n’avaient pas fini dans les temps.

À la connaissance d’Amnesty International, une vingtaine de mineurs se trouvent toujours en détention, plus de trois mois après leur arrestation. Ces jeunes, ainsi que d’autres détenus, pourraient notamment être inculpés des infractions suivantes : « rassemblement de nature à perturber l’ordre public » et « attaques visant à entraver l’action des autorités ». Amnesty International est particulièrement préoccupée par le fait que ces jeunes sont détenus sans avoir été jugés. Ces mineurs ont été et sont toujours incarcérés en compagnie d’adultes, ce qui constitue une violation des dispositions du droit syrien et de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies, à laquelle la Syrie est partie. L’article 37 de cette Convention prévoit que l’arrestation et la détention ou l’emprisonnement d’un mineur doivent être conformes à la loi et que l’on ne doit y recourir qu’en dernier ressort, et, le cas échéant, pour une durée la plus courte possible.

Amnesty International demande en conséquence aux autorités syriennes de remettre en liberté, en attendant qu’ils soient jugés, tous les mineurs kurdes se trouvant en détention pour leur rôle présumé dans les événements du 12 mars dernier, mais aussi de garantir qu’ils bénéficieront d’un procès conforme aux normes internationales d’équité. L’organisation appelle également les autorités à mener sans délai une enquête indépendante et rigoureuse sur les allégations de torture et de mauvais traitements, et de faire en sorte que les mineurs soumis à la torture puissent recevoir de toute urgence les soins médicaux et psychologiques appropriés.

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