SYRIE - Les défenseurs des droits humains agressés

Index AI : MDE 24/092/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International est vivement préoccupée par le harcèlement persistant dont sont victimes les défenseurs des droits humains en Syrie. Le 20 octobre, à Damas, Anwar al Bunni, avocat qui milite en faveur des droits fondamentaux, a été agressé par trois hommes en moto qui l’ont arrêté alors qu’il était au volant de sa voiture. Ils l’ont extirpé de son véhicule et agressé physiquement, lui causant de nombreuses contusions, avant de s’enfuir. À la lumière d’autres mesures de harcèlement dont il a fait l’objet, il est probable que cette dernière agression a été menée sinon ordonnée par des représentants de l’État.

Au début du mois, de hauts responsables de la sécurité ont tenté de placer Anwar al Bunni en détention sous l’inculpation d’agression, invoquant une altercation survenue au palais de justice de Damas entre celui-ci et une femme qu’il avait refusé de représenter juridiquement, l’affaire ne relevant pas de sa compétence. Anwar al Bunni a nié les allégations de violences, affirmant qu’elles avaient été forgées de toutes pièces. Toutefois, il semble qu’une cour pénale ait été saisie de cette affaire.

Les autorités syriennes le soumettent à une pression croissante, en raison de son travail en tant qu’avocat et défenseur des droits humains, particulièrement depuis qu’il a critiqué la décision du gouvernement de renvoyer 81 juges. D’autre part, il a intenté une action en justice contre le responsable de la prison d’Adhra au nom de l’un de ses clients, l’ancien parlementaire Mamun al Humsi, qui n’est toujours pas autorisé à consulter son avocat ni à recevoir les visites de sa famille. Considérant Mamun al Humsi comme un prisonnier d’opinion, Amnesty International demande sa libération immédiate et inconditionnelle (voir l’action Professionnels de la santé : Syrie. Préoccupations pour la santé de six défenseurs des droits humains emprisonnés, MDE 24/054/2005, juillet 2005).

En juillet 2005, les autorités syriennes ont empêché Anwar al Bunni de se rendre à Genève, en Suisse, afin d’assister à l’examen par le Comité des droits de l’homme des Nations unies du dernier rapport du gouvernement syrien sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Refoulé à son arrivée à l’aéroport de Damas, le 14 juillet, il a appris que la Sûreté de l’État avait émis la Décision 251 lui interdisant de voyager. Aucun motif ni aucune explication ne lui ont été fournis quant à cette décision.

Par ailleurs, Amnesty International s’inquiète du harcèlement dont est victime un autre avocat et défenseur des droits humains, Haytham al Maleh, membre de longue date de l’organisation non gouvernementale (ONG) interdite Jamaiyah Huquq al Insan fi Suria (Société des droits humains en Syrie). Il est actuellement inculpé, entre autres, de diffamation envers le président, au titre des articles 374 et 378 du Code pénal syrien, qui prévoient des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux et un an respectivement. Il est également accusé d’avoir insulté l’armée, au titre de l’article 123 du Code de justice militaire, qui prévoit une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Bien qu’il soit civil, il a été traduit devant un tribunal militaire le 18 octobre ; le procès a alors été renvoyé au 7 novembre, afin, semble-t-il, de lui permettre de consulter le dossier exposant les fondements des chefs d’inculpation retenus contre lui.

Le bureau d’Haytham al Maleh serait surveillé en permanence par les forces de sécurité syriennes, qui « conseillent » à ses clients de changer d’avocat. Il n’est toujours pas autorisé à se rendre à l’étranger. (Voir le Cas d’appel Syria ; Unable to Move : Freedom of Movement restricted for Human Rights Defenders (and Others), MDE 24/073/2005, août 2005.) Haytham al Maleh avait déjà été présenté devant un tribunal militaire en juillet 2003, mais les poursuites avaient été abandonnées à la suite d’une grâce présidentielle.

Les défenseurs des droits humains en Syrie sont fréquemment victimes de mesures de harcèlement et d’atteintes aux droits humains imputables aux représentants de l’État, notamment de procès iniques devant des tribunaux d’exception, de placements sous surveillance constante, d’interrogatoires sur leurs activités, de campagnes de dénigrement dans les médias officiels qui les décrivent comme des « traîtres » et des « collaborateurs » avec les puissances étrangères et de mesures de détention arbitraire, voire de torture.

Amnesty International engage une nouvelle fois le gouvernement syrien à s’acquitter de ses obligations qui consistent à garantir la liberté d’expression et d’association pour tous les habitants de la Syrie et à mettre immédiatement fin au harcèlement et à la persécution dont sont victimes les défenseurs des droits humains. D’autre part, l’organisation demande plus particulièrement que soient abandonnées les accusations forgées de toutes pièces contre Haytham al Maleh et Anwar al Bunni, que soit menée sans délai une enquête sur l’agression dont a été victime Anwar al Bunni ce jeudi 20 octobre 2005 et que soient levées les restrictions imposées par les autorités à la liberté de se rendre à l’étranger de ces deux hommes et d’autres défenseurs des droits humains.

Complément d’information

En juillet 2005, dans ses observations finales, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a fait part de son inquiétude concernant les atteintes aux droits humains perpétrées depuis plusieurs années en Syrie, notamment : le caractère permanent de la législation d’urgence, désormais en vigueur depuis 43 ans, la pratique persistante de la torture infligée aux détenus, le recours à la peine de mort en violation du PIDCP, les multiples restrictions apportées au droit à la liberté d’opinion, d’expression et de réunion pacifique, la discrimination et la violence envers les femmes et le harcèlement dont sont victimes les défenseurs des droits humains.

Le Comité des droits de l’homme a invité le gouvernement à libérer immédiatement toutes les personnes incarcérées en raison de leurs activités en faveur des droits humains et à mettre un terme à toute mesure de harcèlement et d’intimidation visant les défenseurs de ces droits. Pour en savoir plus sur les violations des droits fondamentaux dont ils font l’objet en Syrie, consultez les déclarations publiques d’Amnesty International : Syrie. Il faut mettre un terme à la répression qui s’abat sur les défenseurs des droits humains, MDE 24/034/2005, mai 2005 ; Syrie. Ali al Abdullah doit être remis en liberté, les arrestations et actes de harcèlement des défenseurs des droits humains en Syrie doivent cesser, MDE 24/028/2005, mai 2005 ; Syrie. Muhammad Radun doit être remis en liberté et toutes les charges pesant contre lui doivent être abandonnées. La politique de harcèlement et d’arrestations systématiques des défenseurs des droits humains doit cesser, MDE 24/029/2005, mai 2005 ; Syrie. Amnesty International s’inquiète des arrestations visant des membres du Comité des familles de prisonniers d’opinion, MDE 24/055/2005, juillet 2005 ; Syrie. Les charges contre Hasan Zeino, Yassin al Hamwi et Muhammad Ali al Abdullah doivent être abandonnées, MDE 24/078/2005, septembre 2005.

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