Syrie. Les mauvais traitements infligés aux prisonniers d’opinion doivent cesser et les agents de l’État ayant commis ou facilité ces violences doivent être poursuivis en justice

Déclaration publique

MDE 24/008/2007

Vivement préoccupée par les informations selon lesquelles plusieurs prisonniers d’opinion incarcérés dans la prison d’Adra, près de Damas, ont récemment été frappés et soumis à d’autres mauvais traitements par des gardiens et des prisonniers de droit commun, Amnesty International demande aux autorités syriennes d’intervenir immédiatement pour mettre fin à ces violences et en punir leurs auteurs. À ce jour, et comme presque toujours en Syrie, les autorités n’ont pas enquêté sur ces violences et n’ont rien fait pour que les personnes responsables de ces agissements soient tenues de rendre des comptes.

Anwar al Bunni, avocat de renom spécialisé dans la défense des droits humains détenu depuis mai 2006, a été frappé avec brutalité le 25 janvier 2007 à la prison d’Adra par des gardiens qui l’ont aussi contraint à ramper et lui ont rasé les cheveux. Ces faits ont eu lieu après un mouvement de protestation de certains des prisonniers de droit commun incarcérés dans le même quartier carcéral qu’Anwar al Bunni et mécontents de ne pas avoir bénéficié d’une récente amnistie. Kamal al Labwani, incarcéré depuis novembre 2005 pour s’être prononcé en faveur d’une réforme politique en Syrie, aurait également eu le crâne rasé par des gardiens après le mouvement de protestation. Il aurait ensuite été transféré dans une cellule insalubre infestée de rats et d’insectes où il a dû dormir à même le sol.

Trois semaines avant ces incidents, le 31 décembre 2006, Anwar al Bunni avait été agressé par un prisonnier de droit commun qui l’avait poussé dans les escaliers et frappé à la tête en présence de gardiens, qui n’étaient pas intervenus.

Ces attaques sont les dernières d’une série d’agressions de prisonniers politiques qui semblent pris pour cibles en raison de leur engagement en faveur des droits humains et de la démocratie. En juin 2006, Fateh Jamus, ancien prisonnier d’opinion arrêté en mai 2006 alors qu’il revenait d’un voyage en Europe, avait été frappé violemment par trois prisonniers de droit commun à la prison d’Adra ; les autorités n’ont rien fait contre ses agresseurs. Il a été libéré sous caution en octobre. Selon certaines informations, Kamal al Labwani avait également été agressé par un détenu de droit commun à la prison d’Adra en novembre 2006. Dans d’autres cas, des prisonniers en vue ont été soumis à des conditions carcérales particulièrement dures. Pendant l’année 2005, les anciens parlementaires Riad Seif et Mamun al Homsi ont été contraints de partager à certaines périodes leur cellule avec des prisonniers de droit commun semblant avoir reçu comme instruction des autorités de les mettre en difficulté physiquement et psychologiquement. Le professeur d’économie Aref Dalilah, qui est âgé de soixante-trois ans, a passé la plupart de ses cinq années et plus d’emprisonnement à l’isolement, dans une cellule qui serait froide et humide en hiver et trop petite pour qu’il puisse faire de l’exercice. Atteint de diabète et d’hypertension, cet homme aurait eu une attaque cérébrale à la fin de l’année 2006 qui lui a complètement engourdi la moitié gauche du corps, mais les autorités carcérales ne l’auraient pas autorisé à recevoir des soins d’un médecin indépendant.

La prison d’Adra, qui se trouve à environ 20 kilomètres au nord-est de Damas, est administrée par le ministère de l’Intérieur de la Syrie, à l’exception du quartier des prisonniers politiques placé sous le contrôle de l’instance chargée de la sécurité politique. En dépit des agressions et autres mauvais traitements décrits ci-dessus, les conditions de détention dans la prison d’Adra seraient moins sévères que dans d’autres établissement carcéraux syriens où actes de torture et mauvais traitements à l’encontre des détenus sont très fréquents.

Amnesty International appelle les autorités syriennes à prendre immédiatement des mesures pour que Anwar al Bunni, Kamal al Labwani et tous les autres prisonniers d’opinion et détenus de la prison d’Adra soient protégés contre la torture et les mauvais traitements. Leurs agresseurs et les personnes soupçonnées d’avoir ordonné ou cautionné de telles agressions et d’autres mauvais traitements devraient être suspendus de leurs fonctions et tenus de rendre des comptes.

Les autorités syriennes devraient également prendre des mesures pour que les prisonniers d’opinion et les prisonniers politiques ne soient pas détenus avec les prisonniers de droit commun. L’article 8 de l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus dispose que « les différentes catégories de détenus doivent être placées dans des établissements ou quartiers d’établissements distincts ». L’Ensemble de règles minima a été adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977. Amnesty International demande également de nouveau aux autorités de libérer immédiatement et sans condition, et en abandonnant toutes les charges retenues contre eux, Anwar al Bunni, Kamal al Labwani, Fateh Jamous et Aref Dalilah, ainsi que toutes les autres personnes détenues pour avoir fait de manière légitime la promotion des droits humains et avoir exprimé pacifiquement leurs convictions.

Complément d’information

Anwar al Bunni est l’un des trois signataires de la « Déclaration Beyrouth-Damas » détenus depuis mai 2006 sous l’inculpation d’outrage au président, à des responsables gouvernementaux ou des agents de l’État. Les signataires de cette déclaration demandaient la normalisation des relations entre la Syrie et le Liban. L’ancien prisonnier d’opinion Kamal al Labwani a été arrêté en novembre 2005 à son retour en Syrie après plusieurs mois passés en Europe et aux États-Unis où il avait appelé de ses vœux une réforme démocratique. Il est accusé d’avoir « encouragé une agression étrangère de la Syrie ». L’ancien prisonnier d’opinion Fateh Jamus a été arrêté en mai 2006 alors qu’il revenait d’un voyage en Europe pendant lequel il s’était prononcé en faveur d’une réforme pacifique en Syrie. Il a été inculpé notamment d’avoir « diffusé à l’étranger des informations fausses ou exagérées susceptibles de porter atteinte à la réputation de l’État » et on ignore si toutes les charges retenues contre lui ont bénéficié ou non d’une amnistie présidentielle. Riad Seif, Mamun al Homsi et Aref Dalilah faisaient partie du groupe de personnes arrêté en septembre 2001 pour leur participation au mouvement en faveur d’une réforme connu sous le nom de « Printemps de Damas ». Riad Seif et Mamun al Homsi ont été condamnés à cinq ans d’emprisonnement et remis en liberté le 18 janvier 2006 ; Aref Dalilah a été condamné à dix ans d’emprisonnement.

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