SYRIE - Les Syriens retournant dans leur pays continuent de courir un risque

Index AI : MDE 24/025/2005

Lors de ces derniers mois, des dizaines de Syriens retournant dans leur pays, dont de nombreux enfants, ont été arrêtés ou restent détenus au secret sans inculpation ou dans l’attente de procès inéquitables ; ils courent le risque d’être torturés. Ces trois dernières années, au moins dix de ces personnes auraient « disparu » et plusieurs sont décédées, apparemment des suites de torture ou de mauvais traitements. Les personnes qui courent le plus grave danger seraient celles qui entretiennent ou ont entretenu des liens, personnels ou familiaux, avec l’organisation interdite des Frères musulmans (FM). Ces violations des droits humains se produisent malgré les assurances données aux anciens exilés politiques. Pourtant, les gouvernements étrangers continuent à expulser des demandeurs d’asile refusés, estimant semble-t-il qu’ils ne risquent pas d’être persécutés.

Musab al Hariri, âgé de 18 ans, est toujours détenu à la prison de Sednaya, sans accès à sa famille ni à son avocat, depuis son arrestation à la frontière jordano-syrienne en juillet 2002, lors de sa première visite en Syrie. L’ambassade syrienne d’Arabie saoudite, pays où se sont installés ses parents en 1981, aurait assuré à la mère de Musab qu’il pouvait retourner sans risques en Syrie. Il aurait été torturé peu après son arrestation, puis lors de son interrogatoire par le service des renseignements militaires. Son procès se déroule actuellement devant la Cour suprême de sûreté de l’État, dont la procédure ne respecte pas les normes internationales pour des procès équitables ; Musab est inculpé d’appartenance aux FM. En 1998, ses frères Yusef et Ubada, âgés alors de 15 et 18 ans, ont été arrêtés peu de temps après être arrivés en Syrie, et condamnés par des tribunaux militaires d’exception, dont les procès secrets sont manifestement inéquitables, pour leur appartenance présumée à l’organisation secrète. Yusef et Ubada ont été libérés en 2000 et en janvier 2004. L’audience finale de Musab Hariri doit avoir lieu ce 19 juin.

Ahmad Ali al Masalma, membre des FM, est décédé le 28 mars 2005, deux semaines après sa libération et deux mois après son retour d’exil en Arabie saoudite. Il serait mort de la torture et des mauvais traitements subis en détention, notamment de l’absence de soins essentiels. L’ambassade syrienne l’aurait assuré qu’il pouvait rentrer en Syrie sans risque.

Majid Bakri Suleyman est toujours en détention depuis son arrestation, lors de son retour d’exil au Yémen, le 13 janvier 2005. Il avait pris sa décision à cause de l’amnistie accordée par les autorités syriennes le 15 juillet 2004, qui concernait le personnel militaire ayant fui le pays. Mahmoud Samaq a également été arrêté lors de son retour d’exil au Yémen le 12 avril 2005 ; l’ambassade syrienne lui aurait donné l’assurance qu’il pouvait rentrer en sécurité.

Abdel Salam al Saqaa est toujours détenu depuis son arrestation à la frontière jordanienne, le 27 août 2004. Il aurait été torturé. Sa famille vit en exil en Jordanie, mais avait reçu des passeports à l’ambassade syrienne d’Amman. En mars 2002, Mohammad Hasan Nassar, membre des FM, est mort en détention au secret, après avoir été arrêté une semaine plus tôt lors de son retour volontaire d’exil en Jordanie. Depuis l’an 2000, la Jordanie manifesterait moins d’hospitalité envers les exilés syriens, qui peuvent être expulsés pour des soupçons d’infractions mineures.

Plusieurs Syriens sont toujours détenus depuis leur expulsion de pays où ils n’ont pas obtenu l’asile. Parmi ces personnes figure Mohammed Osama Sayes, membre des FM, qui a été arrêté le 3 mai 2005 à son retour forcé du Royaume-Uni via les Pays-Bas. Le 19 janvier 2005, Abd al Rahman al Musa, membre des FM, a été arrêté à son arrivée des Etats-Unis, via les Pays-Bas. Ces deux personnes n’auraient pas eu accès à un avocat, n’auraient été inculpées d’aucune infraction ni déférées devant un tribunal. Muhammad Said al Sakhri, membre des FM, a été libéré en octobre 2003, après 11 mois de détention ; certaines sources avaient fait état de son décès sous la torture, après son arrestation lors de son retour forcé d’Italie avec sa femme Maysun Lababidi et leurs quatre enfants.

Au moins dix Syriens revenant de leur exil irakien ont subi des atteintes à leurs droits humains. Abdullah Qadour al Thamr et Ziad al Dakheel sont morts en garde à vue en mai et avril 2004 respectivement ; dans les deux cas, ces décès seraient dus au refus de traitement médical spécialisé et à des conditions de détention très insalubres. Muaz et Mohammad, deux frères d’Abdullah Qadour al Thamr, figurent parmi les neuf autres personnes qui semblent avoir « disparu » après leur arrestation, entre septembre 2002 et avril 2003. La Cour suprême de sûreté de l’État a condamné à mort deux autres membres des FM revenus d’Irak à la même période, Mahmud Ali al Nabhan et Muhammad Ahmad al Effendi, avant de commuer leur condamnation en 12 années de prison.

Arwad Muhammad Izzat al Boushi, détenteur de la double nationalité canadienne et syrienne, aurait été condamné à 12 ans d’emprisonnement pour son appartenance présumée aux FM, après un procès manifestement inéquitable devant un tribunal militaire d’exception, en juillet 2003. Il a été arrêté le 3 juillet 2002 en arrivant du Canada pour rendre visite à son père malade. Il aurait été torturé lors de sa détention préventive. Abdallah al Malki, possédant la même double nationalité, a été arrêté à son arrivée en mai 2002 et détenu pendant 22 mois sans inculpation. Il a été torturé pendant cette période. Maher Arar, détenteur de la double nationalité syrienne et canadienne, a été libéré en octobre 2003, après 13 mois de détention sans inculpation au cours desquels il a été torturé, après avoir été « rendu », depuis les Etats-Unis via la Jordanie. En octobre 2004, Muhammad Haydar Zammar, ressortissant allemand né en Syrie, a « disparu » de sa cellule d’isolement de Damas, où il était détenu sans inculpation depuis trois ans environ. Il avait été arrêté au Maroc en octobre ou novembre 2001, puis transféré secrètement en Syrie.

Contexte

L’affiliation aux Frères musulmans est passible de la peine de mort, selon la loi syrienne 49 de juillet 1980, bien que cette condamnation soit généralement commuée en une peine de 12 années d’emprisonnement. De nombreux partisans et sympathisants des Frères musulmans ont fui la Syrie avec leur famille à la suite des affrontements armés qui ont éclaté à la fin des années 1970, et de l’introduction de la loi 49 en 1980.

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