Communiqué de presse

Syrie. La santé de l’avocat et défenseur des droits humains Khalil Matouq se détériore

Les nouvelles informations obtenues par plusieurs organisations de défense des droits humains renforcent les inquiétudes concernant la détention secrète et la dégradation de l’état de santé d’un éminent avocat syrien spécialiste des droits humains dont on est sans nouvelles depuis son arrestation il y a huit mois.

Khalil Matouq, 54 ans, directeur du Centre syrien pour les études et la recherche juridiques, a été arrêté avec son ami et assistant Mohammed Thatha, 48 ans, le 2 octobre 2012. Il semblerait qu’ils aient été appréhendés à un poste de contrôle des autorités alors qu’ils se rendaient au travail dans la capitale, Damas.

Ils sont victimes d’une disparition forcée puisque, malgré les multiples demandes de leurs familles et avocats, les autorités syriennes continuent de nier les détenir. Cette situation accroît le risque qu’ils soient soumis à des actes de torture ou d’autres mauvais traitements, qui sont monnaie courante dans les prisons syriennes.

Il y a deux semaines, des personnes proches des deux hommes ont reçu des informations laissant entendre que Khalil Matouq était effectivement en détention et que son état de santé était extrêmement mauvais. Sa santé est gravement menacée car il souffre d’une affection pulmonaire à un stade avancé et éprouve de grandes difficultés à respirer. Il suit un traitement et doit constamment être sous surveillance médicale.

« Ces informations confirmant la présence de Khalil Matouq en détention donnent à sa famille une idée de son sort après huit mois de silence et de démentis des autorités, mais la nouvelle de la dégradation de son état de santé est très inquiétante », ont souligné les organisations signataires de la présente déclaration.

En raison du travail qu’il a effectué en faveur des droits humains en tant que directeur exécutif du Centre syrien pour les études et la recherche juridiques, Khalil Matouq s’est vu infliger une interdiction de voyager entre 2005 et 2011.

Il a écrit et publié des articles et des études ayant trait au droit dans plusieurs journaux et sur des sites Internet tels qu’Al Hiwar Al Mutamiden, notamment un compte rendu de recherches dans lequel il analysait les liens entre l’acte constitutif de la Cour pénale internationale et les Codes pénaux de la Syrie.

Les proches et les collègues de Khalil Matouq et Mohammed Thatha pensent que leur actuelle détention est probablement liée à ce travail de défense des droits humains. Peu avant son arrestation, Khalil Matouq était rentré d’un voyage effectué en France pour recevoir des soins médicaux, qui pourrait également avoir éveillé les soupçons des autorités à son égard.

« Il faut que Khalil Matouq reçoive tous les soins médicaux dont il a besoin. Les deux hommes doivent être autorisés immédiatement à entrer en contact avec leurs familles et leurs avocats. Ils sont détenus en raison de leurs activités pacifiques en faveur des droits humains et doivent être libérés immédiatement et sans condition », ont ajouté les organisations.

En février 2013, en réponse à une demande d’informations formulée par un groupe d’avocats, un représentant du ministère public à Damas a nié que Khalil Matouq était détenu. Pourtant, plusieurs personnes qui venaient d’être libérées de la section 285 de la Sûreté de l’État à Kafr Sousseh (une banlieue de Damas) ont indiqué l’avoir vu dans ces locaux au cours du même mois.

En avril, l’avocat de Khalil Matouq a indiqué à Amnesty International qu’un agent de la Sûreté de l’État l’avait informé du transfert de son client dans une section du Service de renseignement de l’armée de l’air à la fin du mois de mars.

Depuis les informations reçues en mai au sujet de la santé de Khalil Matouq, plus personne n’a eu de nouvelles de lui ni de Mohammed Thatha.

Les autorités doivent révéler sans délai le lieu où se trouvent ces deux hommes et les motifs juridiques de leur détention.

Khalil Matouq, éminent avocat spécialisé dans la défense des droits humains, a fourni une assistance juridique à de nombreuses victimes d’atteintes aux droits humains en Syrie au fil des années. Il a défendu des centaines de prisonniers politiques, de journalistes et de prisonniers d’opinion, notamment ceux jugés par la Cour suprême de sûreté de l’État – instance dont les procédures étaient loin d’être conformes aux normes internationales d’équité, qui a été supprimée en 2011.

En 2012, il a participé au procès du défenseur des droits humains Mazen Darwish et de ses collègues, arrêtés lors d’une descente des forces de sécurité au Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM) en février la même année.

De nombreuses sources font état d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements dans les prisons et centres de détention syriens depuis plusieurs décennies. Ces pratiques semblent être directement ou partiellement à l’origine du décès d’une grande partie voire de la plupart des 1 300 personnes qui seraient mortes en détention depuis mars 2011, date à laquelle le mouvement de protestation antigouvernemental a commencé. Les troubles se sont depuis transformés en conflit armé dans tout le pays.

Des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées en Syrie, souvent arbitrairement, au cours de cette période. Beaucoup demeurent détenues, dans des conditions s’apparentant fréquemment à une disparition forcée. Certaines ont été déférées devant le tribunal antiterroriste de Damas, qui est en activité depuis septembre 2012.

Les organisations de défense des droits humains signataires de cette déclaration condamnent la disparition forcée prolongée de Khalil Matouq et de son assistant Mohammed Thatha. Au vu des informations récentes et antérieures dont elles disposent, elles engagent les autorités syriennes à prendre les mesures suivantes :

  • libérer immédiatement et sans condition le défenseur des droits humains Khalil Matouq et son assistant Mohammed Thatha, qui sont tous deux détenus en raison de leur travail légitime et pacifique en faveur des droits humains et sont donc considérés comme des prisonniers d’opinion ;
  • révéler sans délai à leurs familles le lieu où se trouvent ces deux hommes et ce qu’il est advenu d’eux ;
  • permettre à Khalil Matouq de bénéficier immédiatement de tous les soins médicaux dont il pourrait avoir besoin ;
  • veiller à ce que ces deux hommes soient protégés de la torture et de toute autre forme de mauvais traitement.

Les organisations signataires sont :

Fondation Alkarama

Amnesty International (AI)

Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme

ARTICLE 19

Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme (CIHRS)

Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH)

Front Line Defenders

Centre du Golfe pour les droits humains (GCHR)

Institut humaniste pour la coopération avec les pays en développement (Hivos)

IKV Pax Christi

International Media Support (IMS)

Avocats pour avocats (L4L)

Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT)

PEN International

Reporters sans frontières (RSF)

Centre SKeyes pour la liberté de la presse et de la culture

Centre syrien pour les études et la recherche juridiques

Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression

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