SYRIE - Un jeune de dix-sept ans condamné à l’issue d’un procès inéquitable

Index AI : MDE 24/040/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International a vigoureusement critiqué la peine d’emprisonnement infligée hier, 20 juin, à un jeune de dix-sept ans, par la Cour suprême de sûreté de l’État (SSSC) de Syrie. Musab al Hariri a été condamné à six années d’emprisonnement pour appartenance à l’organisation des Frères musulmans, interdite en Syrie.

Musab al Hariri avait été arrêté par les forces de sécurité syriennes le 24 juillet 2002, peu après être rentré avec sa mère de leur exil en Arabie saoudite. L’ambassade syrienne en Arabie saoudite, pays dans lequel les parents de Musab al Hariri s’étaient installés en 1981, avait semble-t-il assuré à sa mère qu’il pouvait rentrer en Syrie en toute sécurité. Il a malgré tout été arrêté et placé en détention au secret sans pouvoir contacter son avocat ni recevoir de visites de sa famille. Il aurait été torturé peu après son arrestation puis lors d’interrogatoires par des membres du Service des renseignements militaires.

Il est de notoriété publique que les procès se déroulant an Syrie devant la Cour suprême de sûreté de l’État, créée en 1968 au titre des lois d’urgence, ne respectent pas les normes internationales d’équité des procès. Au fil des ans, Amnesty International a amassé des éléments de preuve montrant que les procès de la SSSC sont manifestement inéquitables. Les verdicts ne peuvent faire l’objet d’appels, les accusés ne sont pas autorisés à consulter librement un avocat, les juges disposent de pouvoirs discrétionnaires et des aveux qui auraient été extorqués sous la torture peuvent être retenus à titre de preuve. Selon le Comité des droits de l’homme de l’ONU, les procédures de la SSSC sont incompatibles avec les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) auquel la Syrie est État partie ; malgré cela, la SSSC continue d’exister et de prononcer des peines particulièrement lourdes.

L’affaire Musab al Hariri, détenu à la prison de Sednaya, s’inscrit dans le même schéma de détention arbitraire suivie d’un procès inéquitable que celui subi par ses frères, Ubadah et Yusuf, arrêtés en 1998 alors qu’ils rentraient d’Arabie saoudite pour poursuivre leurs études en Syrie. Ils étaient âgés respectivement de dix-huit et quinze ans au moment de leur arrestation. Les trois frères auraient été torturés, subissant notamment la torture du dulab (« pneu », la victime est suspendue à un pneu et frappée à coups de bâton ou de câble) et le supplice du al kursi al almani (« chaise allemande », il s’agit d’une chaise de métal munie de parties mobiles qui provoque une hyperextension de la colonne vertébrale de la victime tout en exerçant une très forte pression sur son cou et ses membres). La torture est interdite par la Constitution syrienne (article 28) et passible de peines d’emprisonnement au titre du Code pénal (articles 319 et 391). Depuis avril 1969, la Syrie est également État partie au PIDCP qui interdit la torture (article 7). Le 19 août 2004, la Syrie a adhéré à la Convention des Nations unies contre la torture. En dépit de ces mesures positives, des allégations répétées et concordantes de torture en Syrie continuent d’apparaître.

Ubadah et Yusuf avaient été condamnés respectivement à trois et un an d’emprisonnement par un tribunal militaire d’exception, là encore pour avoir été affiliés aux Frères musulmans. Ils sont sortis de la prison de Sednaya en 2004 et 2000. Pour Amnesty International, la détention des trois frères et leurs procès constituent des atteintes flagrantes aux droits fondamentaux des personnes, en violation des obligations de la Syrie au titre du PIDCP, auquel le pays est État partie et de la Convention relative aux droits de l’enfant que la Syrie a ratifiée en 1993.

De nombreuses personnes rentrées en Syrie au cours de ces derniers mois, dont plusieurs adolescents, ont été arrêtées ou sont maintenues au secret sans avoir été inculpées, ou dans l’attente d’un procès inéquitable et courent le risque d’être torturées. Au cours des trois dernières années, au moins dix personnes rentrées en Syrie semblent avoir « disparues » et plusieurs sont décédées, apparemment des suites de torture et mauvais traitements. Les personnes ayant ou ayant eu des liens ou des attaches familiales avec des membres de l’organisation interdite des Frères musulmans encourent un risque particulier. Les violations se produisent en dépit des assurances données par les autorités aux anciens exilés politiques, leur promettant un retour sûr (voir la déclaration publique d’Amnesty International, Les Syriens retournant dans leur pays continuent de courir un risque, index AI MDE 24/025/2005, le 13 mai 2005 - http://www.amnestyinternational.be/...).

La dixième congrès du parti Baas qui s’est achevé le 9 juin, a montré qu’il existait une volonté de la part des autorités syriennes d’autoriser la création de partis politiques, à condition qu’ils ne se fondent pas sur des critères religieux, ethniques ou sectaires comme le fait l’organisation des Frères musulmans.

Complément d’information

L’adhésion au mouvement des Frères musulmans est passible de la peine de mort, au titre de la loi syrienne n° 49 de juillet 1980, bien que cette condamnation soit généralement commuée en peine de douze années d’emprisonnement. De nombreux partisans et sympathisants des Frères musulmans ainsi que leurs familles ont fui la Syrie après les affrontements armés qui se sont produits à la fin des années 70 et l’entrée en vigueur de la Loi 49 en 1980.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service Presse d’Amnesty International au 02 543 79 04 ou consulter les sites http://www.amnesty.be et http://www.amnesty.org.

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