S’ils sont adoptés, les amendements proposés, examinés le 5 juin 2020 par le Comité parlementaire des Affaires juridiques et constitutionnelles, exigeront de toute personne sollicitant des réparations par la voie judiciaire pour des violations des droits humains de prouver qu’elle a été personnellement touchée.
« Les modifications proposées sont un nouveau moyen de réduire au silence ceux qui ne peuvent pas payer les frais de procédure ou qui ne réclament pas justice eux-mêmes par peur de représailles, a déclaré Deprose Muchena, directeur pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.
« Si elles sont adoptées, elles fermeront une voie de recours indispensable en matière d’obligation de rendre des comptes, au risque de favoriser les violations des droits humains. »
« Ce projet de loi ne peut être lu que comme une tentative du gouvernement tanzanien d’échapper à l’obligation de rendre des comptes, en restreignant les droits constitutionnels du peuple »
Le 4 juin, le bureau du procureur général de Tanzanie a adressé le projet de loi au Comité parlementaire des Affaires juridiques et constitutionnelles, avant qu’il ne soit présenté officiellement au Parlement en vue d’être débattu et adopté la semaine prochaine.
Parmi les lois devant être modifiées figure la Loi sur l’application des droits et devoirs fondamentaux, qui garantit à chacune et chacun le droit de saisir la Haute cour pour demander réparation en cas d’allégations de violations des dispositions constitutionnelles sur les droits humains.
Ces amendements sont présentés à peine un an après que la Tanzanie a retiré aux personnes physiques et aux organisations non gouvernementales (ONG) le droit de saisir directement contre le pays la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, qui siège à Arusha.
« Les défenseur·e·s des droits humains et les ONG jouent un rôle vital s’agissant de réclamer justice, vérité et réparations pour les sans-voix et de faire progresser le respect des droits humains », a déclaré Deprose Muchena.
Ce projet de loi tente également d’accorder l’immunité au président, au vice-président, au Premier ministre, au président et au vice-président de l’Assemblée et au président de la Cour suprême, pour tout acte de commission ou d’omission dans le cadre de leurs fonctions. Cela intervient à un moment où les citoyen·ne·s déposent un nombre croissant de plaintes contre le président et des responsables du gouvernement, afin de les amener à rendre des comptes pour leurs actes, notamment pour avoir restreint l’accès aux informations concernant la pandémie de COVID-19.
« Ce projet de loi ne peut être lu que comme une tentative du gouvernement tanzanien d’échapper à l’obligation de rendre des comptes, en restreignant les droits constitutionnels du peuple. La loi doit toujours servir à faire respecter et à protéger les droits de la population, et non à les réprimer », a déclaré Deprose Muchena.
Complément d’information
Au cours des dernières années, le gouvernement tanzanien a adopté et appliqué tout un arsenal de lois répressives qui étouffent les droits humains dans le pays.