TCHAD. LE GOUVERNEMENT DOIT IMMÉDIATEMENT ABROGER L’ORDONNANCE OCTROYANT UNE AMNISTIE


DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : AFR 20/002/2011-

ÉFAI-
27 janvier 2011

Amnesty International déplore la décision du gouvernement tchadien d’accorder une amnistie pour les crimes commis par des membres de groupes armés d’opposition au Tchad, et exhorte les autorités à annuler immédiatement l’ordonnance signée par le président Idriss Deby Itno le 10 janvier 2011.

L’organisation demande aux autorités tchadiennes de veiller à ce que toute loi d’amnistie exclue de son champ d’application les crimes de droit international.

Si Amnesty International reconnaît l’importance des accords de paix conclus avec les groupes armés d’opposition, l’organisation estime aussi qu’une des composantes essentielles de ce type d’accord devrait être un engagement fort en faveur de la justice, de la vérité et de réparations pour les victimes de violations des droits fondamentaux.

Le gouvernement tchadien doit faire en sorte que le respect et la protection des droits humains soient au cœur de tous les efforts visant à trouver une issue au conflit armé et à la crise politique actuels, et que tout accord - de paix ou autre - conclu par le gouvernement tchadien et les groupes armés d’opposition soit conforme aux obligations du Tchad en vertu du droit international et, en particulier, n’accorde aucune amnistie pour les atteintes aux droits humains ou les crimes de droit international.

Amnesty International a recensé de graves atteintes au droit humanitaire et aux droits reconnus par le droit international, imputées à des groupes armés tchadiens et aux forces de sécurité tchadiennes dans l’est du Tchad et d’autres régions du pays. Ces crimes et violations incluent des homicides illégaux, des viols et d’autres formes de violence à l’égard des femmes, le recrutement et l’utilisation de mineurs comme combattants, et des disparitions forcées. La plupart du temps, ces crimes ont été commis dans l’impunité la plus totale.

Au lieu de bénéficier d’une amnistie, il faudrait que les auteurs présumés de ces abus fassent l’objet d’enquêtes et, si suffisamment de preuves recevables sont rassemblées, de poursuites devant les tribunaux du pays, dans le cadre de procédures qui soient conformes aux normes internationales d’équité en la matière.

Le droit international proscrit l’octroi d’amnisties, de grâces et de mesures nationales d’impunité similaires dans les cas de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de génocide, de torture, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées. Cette loi d’amnistie doit scrupuleusement respecter le droit international. Dans le respect de ces mêmes règles et principes, elle ne couvrira pas les violations graves des droits humains et des libertés fondamentales protégés par les instruments régionaux et internationaux contraignants pour le Tchad, pas plus qu’elle n’en exonèrera les auteurs.

Complément d’information

Le 10 janvier 2011, le président tchadien, Idriss Deby Itno, a adopté l’ordonnance n° 001/PR/2011 accordant une amnistie pour les crimes commis par des membres de groupes armés d’opposition tchadiens ayant été emprisonnés. Ce même jour, le président Déby a pris le décret n° 13/PR/PM/MJ/2011 accordant la grâce présidentielle à six condamnés membres de l’Union des forces pour la démocratie et le développement, un groupe armé d’opposition tchadien. Certaines de ces six personnes avaient été condamnées par contumace à la peine de mort et d’autres à la réclusion à perpétuité par un tribunal tchadien en août 2008 pour s’être, semble-t-il, « rendues coupables d’atteinte à l’ordre constitutionnel, à l’intégrité et à la sécurité de l’État », à la suite de l’attaque menée par une coalition de groupes armés d’opposition contre N’Djamena, la capitale, en février 2008. Elles ont été arrêtées le 8 novembre 2010 à N’Djamena, après être rentrées au Tchad dans le cadre de la mise en œuvre d’un accord de paix signé avec le gouvernement tchadien. Ces deux décisions présidentielles ont fait suite à l’adoption de la loi n° 032/PR/2010, le 27 décembre 2010, portant habilitation du gouvernement tchadien à légiférer par ordonnances sur les questions relevant de la compétence de l’Assemblée nationale tchadienne, pendant la période allant du 6 janvier au 4 mars 2011.

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