Tchad. Mettre fin à l’impunité pour les violations des droits humains

DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : AFR 20/010/2008 -
ÉFAI

Les autorités tchadiennes doivent répondre des violations des droits humains associées à l’attaque lancée contre N’Djamena en février 2008

Amnesty International constate avec préoccupation que, plus de dix mois après les homicides illégaux et les autres atteintes aux droits humains survenues pendant et après l’attaque lancée contre N’Djamena en février 2008, les autorités tchadiennes n’ont pas traduit en justice les responsables présumés de ces actes.

Dans un rapport publié aujourd’hui, Amnesty International attire l’attention sur les graves violations des droits humains commises par les groupes armés et par l’armée gouvernementale tchadienne avant, pendant et après l’assaut contre N’Djamena. Ces violations des droits humains comportaient des homicides illégaux et des exécutions sommaires, des « disparitions » forcées, des pratiques de harcèlement à l’égard de défenseurs des droits humains et de journalistes, des arrestations arbitraires et maintiens illégaux en détention, des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, ainsi que des expulsions forcées.

Enfreignant les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, les groupes armés d’opposition qui ont attaqué N’Djamena en février ont délibérément mis en danger la population civile en lançant leurs attaques à partir de zones habitées par des civils. Les forces gouvernementales, quant à elles, n’ont visiblement pas pris de mesures suffisantes pour éviter que les civils ne soient pris entre deux feux lorsqu’elles ont affronté les groupes armés d’opposition.

Amnesty International invite le gouvernement tchadien à engager des poursuites pénales contre ceux qui ont commis des violations des droits humains, et notamment les membres de leurs forces de sécurité.

De surcroît, le gouvernement tchadien doit appliquer intégralement les recommandations formulées par la commission qu’il a mise sur pied en avril pour enquêter sur les événements en rapport avec l’attaque de février contre N’Djamena.

Depuis 2006, au Tchad, de très nombreuses personnes arrêtées par les forces de sécurité ont été victimes de disparition forcée. Le 3 février 2008, Ibni Oumar Mahamat Saleh, dirigeant d’une coalition de groupes politiques d’opposition, a été arrêté à son domicile de N’Djamena par des membres des forces de sécurité tchadiennes. Personne ne l’a revu depuis. En avril 2006, après l’assaut de N’Djamena par des groupes armés, au moins 13 militaires de haut rang avaient été arrêtés. Depuis lors, on n’a aucune nouvelle d’eux. Le 30 novembre 2007, huit personnes avaient été arrêtées dans la ville de Guéréda, dans l’est du pays. On ne sait toujours pas ce qu’elles sont devenues.

Amnesty International déplore la politique manifestement pratiquée par les forces de sécurité tchadiennes, qui consiste à soumettre à des disparitions forcées les opposants politiques présumés ou réels. Cette pratique constitue une violation du droit des victimes à la vie et à la protection de la loi, et c’est aussi une violation des obligations du Tchad en vertu du droit international.

Le gouvernement tchadien doit révéler dans les plus brefs délais l’endroit où ces hommes se trouvent. S’ils sont encore détenus, les autorités doivent les autoriser à rencontrer leurs avocats, leurs médecins et leurs proches. De surcroît, sauf si les autorités inculpent les détenus d’infractions pénales prévues par la loi, ils doivent être libérés immédiatement.

Amnesty International invite également les autorités tchadiennes à accorder une indemnisation aux dizaines de milliers de personnes qui ont été expulsées par la force de certaines zones de N’Djamena à la suite de l’attaque de février. Par ailleurs, le gouvernement doit mettre en place une loi et un dispositif destinés à empêcher la poursuite des expulsions forcées.

Des défenseurs des droits humains ont subi une campagne d’attaques et de harcèlement de la part d’agents de sécurité gouvernementaux, avant et après l’attaque de février contre N’Djamena.

Amnesty International exhorte le gouvernement tchadien à reconnaître publiquement l’importance de l’action menée au Tchad par les défenseurs des droits humains. De plus, des dispositions législatives et pratiques doivent être prises pour faire en sorte que les défenseurs des droits humains, y compris les journalistes, ne fassent pas l’objet d’actes de harcèlement, de menaces, d’attaques, d’arrestations arbitraires et de détentions illégales. Les autorités tchadiennes doivent respecter et garantir la liberté d’expression et d’association des défenseurs des droits humains ainsi que leur droit de se réunir pacifiquement.

Amnesty International invite le gouvernement tchadien à abroger les dispositions de l’ordonnance n° 5 qui violent la liberté d’expression et limitent indûment la capacité des médias imprimés ou électroniques à fonctionner librement au Tchad. Certaines des dispositions de l’ordonnance n° 5 violent la Constitution tchadienne, ainsi que les traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels le Tchad est partie.

Amnesty International se félicite de la décision prise en décembre 2008 par les autorités judiciaires françaises d’enquêter sur des allégations de ventes illégales d’armes au Tchad par une société basée en France. Cependant, l’organisation demeure préoccupée à l’idée que l’assistance et la coopération militaires françaises avec le gouvernement tchadien ont pu contribuer à des violations des droits humains au cours des combats de février 2008, à N’Djamena. L’organisation demande à la France de réexaminer son assistance militaire au Tchad afin de mettre en place les mesures nécessaires pour que la coopération militaire française dans ses différents aspects (armes, personnel et formation) ne puisse pas faciliter des violations des droits humains mais, bien au contraire, les empêche. Amnesty International invite également les autres gouvernements et les entreprises actives sur leur territoire à ne pas transférer d’armes ou d’autres matériels ou compétences militaires qui puissent être utilisés au Tchad, par le gouvernement ou par les groupes politiques armés, pour violer le droit international humanitaire et relatif aux droits humains.

Complément d’information

Des combats violents entre l’armée tchadienne et une coalition de trois groupes politiques armés ont fait rage dans différents quartiers de N’Djamena, capitale du Tchad, les 2 et 3 février 2008. De graves violations des droits humains et du droit international humanitaire ont été commises au cours des affrontements. La plupart des violations ont été commises après le 3 février, date à laquelle le gouvernement a repris le contrôle de la ville. Il s’est notamment agi d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires et de détentions illégales. Les défenseurs des droits humains et les journalistes considérés par les autorités comme sympathisants des groupes d’opposition ont subi une forte répression. Des dizaines de milliers de personnes ont été privées de toit et d’emploi à la suite de la campagne de démolition de maisons et de petites entreprises lancée par le gouvernement en mars dans le centre de N’Djamena et dans les quartiers limitrophes. Les enfants des familles touchées ont cessé d’aller à l’école.

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