Thaïlande : Amnesty International demande l’octroi de protections aux réfugiés et aux demandeurs d’asile dans sa législation

À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés 2017, Amnesty International reconnaît le rôle important que le gouvernement royal thaïlandais joue depuis plusieurs décennies en accueillant de très nombreux réfugiés et en leur apportant une assistance. L’organisation salue également l’engagement qu’il a récemment pris d’améliorer la protection des droits des réfugiés et des demandeurs d’asile dans le pays. Toutefois, malgré ces points positifs, la Thaïlande ne protège pas systématiquement les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, qui n’ont pas de statut juridique en vertu du droit interne et sont par conséquent susceptibles d’être placés arbitrairement en détention pour une durée indéterminée et soumis à un renvoi forcé.

Amnesty International appelle le gouvernement royal thaïlandais à adopter un cadre administratif et législatif solide conférant aux réfugiés et aux demandeurs d’asile des protections conformes au droit international relatif aux droits humains.

La Thaïlande accueille depuis longtemps des personnes fuyant les violences et les persécutions, qui viennent de pays voisins ou plus éloignés. À partir des années 1970, la Thaïlande a accueilli des centaines de milliers de réfugiés fuyant la guerre au Viêt-Nam, au Cambodge et au Laos. Plus récemment, la Thaïlande a reçu des populations menacées par le conflit armé et les persécutions ethniques au Myanmar. Les autorités thaïlandaises ont régulièrement contribué à l’apport d’une aide humanitaire aux personnes qui arrivent sur leur sol. Aujourd’hui, quelque 100 000 ressortissants du Myanmar vivent dans des camps de réfugiés le long de la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar. De plus, environ 8 000 réfugiés et demandeurs d’asile vivent en milieu urbain, à Bangkok et dans d’autres villes de Thaïlande.

Bien que la Thaïlande ne soit pas partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, les responsables thaïlandais se sont régulièrement dits déterminés à répondre aux besoins humanitaires des réfugiés et des demandeurs d’asile. Ces dernières années, les autorités thaïlandaises n’auraient pris aucune initiative pour rapatrier de force les habitants des camps de réfugiés situés le long de la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar, et ont réaffirmé à maintes reprises leur engagement à veiller à ce que les retours soient volontaires et se déroulent dans le respect de la dignité. Lors du Sommet des dirigeants sur les réfugiés organisé par les Nations unies en septembre 2016, et à l’occasion de divers autres forums internationaux, la Thaïlande a réitéré son engagement à protéger les droits des réfugiés, notamment en mettant en place un système de tri entre les réfugiés et les autres migrants sans papiers et en adoptant des dispositions législatives sur la lutte contre la torture pour renforcer l’application du principe de non-refoulement.

Malgré les engagements pris par les autorités, le droit interne ne prévoit aucun statut juridique pour les réfugiés et les demandeurs d’asile en Thaïlande. En conséquence, ils restent extrêmement vulnérables aux arrestations, aux placements en détention, aux expulsions forcées et à l’exploitation. En vertu de la Loi thaïlandaise de 1979 sur l’immigration, tous les migrants et réfugiés sans papiers sont considérés comme des immigrés clandestins et peuvent par conséquent faire l’objet de poursuites pénales et être placés en détention pour une durée indéterminée. Selon le droit international relatif aux droits humains et les normes internationales en la matière, les réfugiés ne doivent pas faire l’objet de sanctions pénales du fait de leur entrée irrégulière sur un territoire en vue d’y demander l’asile, et personne – y compris les migrants et les réfugiés – ne doit être soumis à une détention d’une durée indéterminée. Environ 330 demandeurs d’asile et réfugiés enregistrés auprès du HCR sont actuellement incarcérés dans des centres de détention pour immigrants. Certains sont détenus depuis des années dans des conditions déplorables dans ces centres, notoirement surpeuplés. De plus, des personnes de certaines nationalités et origines ethniques, notamment des membres de l’ethnie hmong du Laos, n’auraient pas pu s’enregistrer auprès du HCR, ce qui les empêcherait de se réinstaller dans des pays tiers.

Le gouvernement royal thaïlandais a continué à violer les obligations qui lui incombent en vertu du droit international relatif aux droits humains – y compris le principe de non-refoulement, qui fait partie du droit international coutumier – en renvoyant de force des demandeurs d’asile et des réfugiés enregistrés auprès du HCR dans des pays où ils ont par la suite subi des actes de torture et des formes extrêmes de persécution. Dernièrement, le 26 mai 2017, les autorités thaïlandaises ont permis l’extradition en Turquie de M. Furkan Sökmen, un ressortissant turc soupçonné de liens avec Fethullah Gülen, un imam turc en exil, bien que des organismes des Nations unies les aient averties qu’il serait victime de violations de ses droits fondamentaux en cas de renvoi dans son pays. Ces cas constituent de graves violations des droits humains et perpétuent les craintes pour la sécurité des autres réfugiés et demandeurs d’asile qui vivent en Thaïlande.

Amnesty International exhorte le gouvernement royal thaïlandais à honorer ses engagements récents, en veillant à ce que ses politiques en matière d’immigration respectent les droits de toutes les personnes qui fuient des violations graves des droits fondamentaux, et à ce que ces politiques soient conformes aux obligations qui incombent à la Thaïlande en vertu du droit international relatif aux droits humains.

La Thaïlande devrait adopter un cadre législatif et administratif qui confère aux réfugiés et aux demandeurs d’asile un statut juridique sûr et d’autres droits prévus par le droit international relatif aux droits humains, y compris le droit de résider temporairement dans le pays pendant l’examen de leur demande d’asile. La Thaïlande devrait également veiller à ce que les réfugiés ne soient jamais placés en détention, et à ce que la détention des demandeurs d’asile ne soit utilisée qu’à titre de mesure exceptionnelle autorisée par la loi pour la période la plus courte possible.

Amnesty International appelle en outre la Thaïlande à faire le nécessaire, tant en droit qu’en pratique, pour que des personnes nécessitant une protection internationale ne soient pas renvoyées dans un pays où il existe des motifs sérieux de croire qu’elles risquent de subir des actes de torture, des persécutions ou d’autres violations graves des droits humains.

L’initiative du gouvernement thaïlandais visant à mettre en place un processus de tri pour les demandeurs d’asile et d’autres ressortissants étrangers – avalisée par une résolution du Conseil des ministres en date du 10 janvier – est l’occasion d’agir à cet égard. Lors de l’élaboration des procédures de tri, les autorités thaïlandaises devraient adopter une définition du « réfugié » qui soit conforme aux normes internationales et veiller à ce que les demandes d’asile soient traitées équitablement et efficacement. Aucune personne ou catégorie de personnes ne devrait se voir refuser le statut de réfugié pour des raisons politiques. Un mécanisme de tri qui ne respecterait pas ces principes risquerait de renforcer les préoccupations quant aux protections en matière d’asile en Thaïlande, au lieu de les apaiser.

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