Thaïlande. Il faut inverser la tendance à la restriction de la liberté d’expression

Déclaration publique

Index AI : ASA/.39001/2010 (Public)-
ÉFAI-
13 janvier 2010

La Thaïlande doit inverser la tendance récemment apparue à un retour en arrière en matière de liberté d’expression, comme l’illustre la brusque augmentation ces dix derniers mois du nombre de personnes inculpées au titre de la loi de lèse-majesté.

À cet égard, Amnesty International se félicite de la création par le Premier ministre Abhisit Vejjajiva, comme annoncé en décembre 2009, d’un comité chargé d’examiner et de contrôler l’application de la loi.

Depuis avril 2009, au moins deux Thaïlandais ont été inculpés de lèse-majesté et emprisonnés. Suwicha Thakhor et Darunee Chanchoengsilapakul purgent des peines de dix et dix-huit ans de prison respectivement – même si la dernière affaire fait actuellement l’objet d’un appel. Des centaines d’autres personnes restent inculpées de lèse-majesté.

La loi contre le crime de lèse-majesté en Thaïlande interdit tout propos ou tout acte considéré comme diffamatoire, insultant ou menaçant à l’égard du roi, de la reine, de l’héritier du trône ou du régent. Elle s’applique en lieu et place de la constitution thaïlandaise de 2007 lorsqu’il y a conflit entre les deux textes et va au-delà des restrictions à la liberté d’expression autorisées par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel la Thaïlande est État partie.

De nombreuses personnes inculpées au titre de la loi contre le crime de lèse-majesté, parmi lesquelles Suwicha Thakhor, ont également été inculpées au titre de la loi de 2007 sur la criminalité informatique. Cette loi a conduit à une surveillance accrue de l’internet à la recherche de contenus susceptibles de tomber sous le coup de la loi contre le crime de lèse-majesté : des dizaines de milliers de sites web ont été bloqués par le gouvernement en Thaïlande. Cette censure à grande échelle des sites web constitue en elle-même une violation du PIDCP. Le Premier ministre a en outre reconnu en décembre que l’application de la loi posait des problèmes.

Amnesty International s’inquiète également de ce que le ministre de la Justice ait qualifié la loi contre le crime de lèse-majesté de mesure relevant de la sécurité nationale, justifiant ainsi sa décision de tenir le procès de Darunee Chanchoengsilapakul en juin 2009 à huis clos. La sécurité nationale est certes l’un des motifs énoncés dans le PIDCP et qu’un État peut invoquer pour imposer des limites à la liberté d’expression, mais cela ne peut se faire que dans le cadre d’un état d’urgence proclamé publiquement et en cas de menace pour la vie de la nation. Cela n’a pas été fait – et n’est pas le cas – en Thaïlande.

Amnesty International a reconnu que la Thaïlande avait fait des progrès considérables – sous la direction de Sa Majesté le roi Bhumibol Adulyadej - dans le domaine des droits humains au cours des dernières décennies, ce qui rend le renversement de tendance en matière de liberté d’expression d’autant plus inquiétant. Dans un discours prononcé à l’occasion de son anniversaire en décembre 2005, Sa Majesté le roi avait déclaré que la loi contre le crime de lèse-majesté était trop stricte, que son application portait tort aussi bien à sa personne qu’à la Thaïlande et que l’absence de liberté d’émettre des critiques justes nuisait à l’image de la nation.

Dans cet esprit, Amnesty International soutient l’initiative nouvelle du Premier ministre et encourage le gouvernement du royaume de Thaïlande à amender la loi contre le crime de lèse-majesté afin de la rendre conforme aux normes du droit international.

En particulier, le gouvernement doit abolir la disposition de la loi autorisant tout citoyen à en dénoncer un autre pour violation présumée de la loi. En attendant cet amendement à la loi et les autres changements nécessaires, le gouvernement doit suspendre le recours à la loi contre le crime de lèse-majesté.

Le gouvernement doit également cesser de censurer des sites web sous prétexte de faire respecter cette loi.

Complément d’information

Selon le Bureau judiciaire thaïlandais, en 2008 – dernière année pour laquelle on dispose de statistiques – les autorités ont engagé des poursuites pour crime de lèse-majesté dans 77 dossiers.

Outre les deux affaires citées ci-dessus, un Thaïlandais, Boonyuen Prasertying, a été condamné en novembre 2008 à douze années d’emprisonnement pour crime de lèse-majesté ; sa peine a ensuite été réduite en appel en novembre 2009 à deux années de réclusion.

La section 45 de la Constitution de 2007 limite la liberté d’expression dans le but de « maintenir la sécurité de l’État », toutefois de telles restrictions doivent respecter les obligations de la Thaïlande au titre du PIDCP.

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