THAILANDE. L’armée doit cesser de recourir de façon inconsidérée à la force meurtrière

ÉFAI-17 mai 2010

L’armée thaïlandaise doit immédiatement cesser ses tirs à balles réelles dans plusieurs quartiers de Bangkok où les manifestants anti-gouvernementaux sont rassemblés, a déclaré Amnesty International ce lundi 17 mai 2010.

"Les récits de témoins oculaires et des enregistrements vidéo montrent clairement que l’armée tire à balles réelles sur des personnes sans arme qui ne menacent ni les soldats ni d’autres personnes", a déclaré Benjamin Zawacki, spécialiste de la Thaïlande à Amnesty International. "C’est une violation flagrante d’un droit fondamental – le droit à la vie."

« Tirer à balles réelles sur des personnes non armées, qu’il s’agisse ou non de manifestants, lorsqu’elles ne présentent aucune menace sérieuse pour quiconque, est illégal », a déclaré Benjamin Zawacki.

Depuis le 13 mai, date à laquelle le gouvernement a lancé l’ « Opération Rajprasong », les soldats tirent des balles en caoutchouc et des balles réelles dans les quartiers et autour des sites où sont rassemblés les manifestants dans Bangkok. Selon le gouvernement, 500 « terroristes » se cacheraient parmi les manifestants.

Au moins 35 manifestants non armés ont été tués. Parmi les morts on compte deux membres du personnel médical qui portaient des blouses blanches marquées de croix rouges très visibles, abattus les 15 et 16 mai ; un garçon de 17 ans a également été abattu le 15 mai. Le général Khattiya Sawatdiphon (« Seh Daeng »), conseiller militaire des manifestants, atteint par la balle d’un franc-tireur le 14 mai est décédé le 17. Un autre soldat a également été tué.

Plus de 200 personnes ont été blessées, parmi lesquelles plusieurs journalistes thaïlandais et étrangers, ainsi qu’un garçon de dix ans.

« Le gouvernement ne peut autoriser les soldats à tirer sur quiconque se trouve dans une zone qu’il souhaite contrôler », a déclaré Benjamin Zawacki.

Selon les Règles d’engagement du gouvernement, exposées par le Centre pour la résolution de la situation d’urgence (CRES) le 14 mai, les tirs à balles réelles ne sont autorisés que comme tirs de sommation, en cas de légitime défense ou lorsque les forces armées peuvent clairement distinguer ceux que les forces de sécurité considèrent comme des « terroristes ». Le 16 mai, le CRES a déclaré plusieurs quartiers proches du lieu où sont rassemblés les manifestants comme « zones de tirs à balles réelles ».

Plusieurs témoins oculaires ont déclaré à Amnesty International avoir vu des soldats tirer dans le quartier avec des fusils à longue portée – à une distance à laquelle les victimes ne pouvaient guère présenter de danger.

Le colonel Sansern Kaewkamnerd, porte-parole du CRES, a déclaré le 14 mai que les soldats resteraient à quelque distance des manifestants et ne tireraient à balles réelles que pour empêcher les gens d’avancer. S’ils étaient amenés à tirer pour stopper les manifestants, ils viseraient au dessous des genoux et ne tireraient qu’une balle à la fois.

« Ceci est inacceptable au regard des normes du droit international, qui précisent que les armes à feu ne peuvent être utilisées qu’en dernier recours, pour prévenir une infraction grave mettant sérieusement en danger la vie d’autrui ou procéder à l’arrestation d’une personne présentant un tel risque et offrant une résistance armée, et seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour atteindre ces objectifs. En dehors des situations claires de légitime défense, le contrôle des affrontements devrait être le fait de policiers entraînés, disposant d’équipement non meurtrier, non par des soldats tirant à balles réelles », a déclaré Benjamin Zawacki.

Complément d’information

Le Front uni pour la démocratie contre la dictature (UDD), plus souvent désigné comme les « Chemises rouges » en raison de la couleur de leur vêtement, a commencé à manifester à Bangkok le 12 mars.

Beaucoup de « Chemises rouges » sont des partisans de l’ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, évincé lors d’un coup d’état en 2006 et actuellement en exil volontaire. Ils réclament plus de démocratie et la dissolution du parlement, ainsi que de nouvelles élections. Ils réclament également la démission et le départ en exil du Premier ministre Abhisit Vejjajiva qui a proposé le 3 mai un Plan de réconciliation en cinq points, prévoyant la dissolution du parlement et de nouvelles élections le 14 novembre 2010. Les manifestants avaient dans un premier temps accepté le plan en principe, mais ont ensuite proposé un contre « Plan rouge » et ont refusé d’évacuer le site qu’ils occupent depuis le 3 avril.

La loi relative à la sécurité intérieure est en vigueur depuis le début des manifestations et un décret d’urgence a été pris le 7 avril ; ces deux textes accordent un large pouvoir aux militaires ; le décret a été étendu à presque la moitié de la Thaïlande.

La Thaïlande a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui dispose que le droit à la vie ne peut être restreint, même « dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation (article 4) ».

Le recours inconsidéré à la force meurtrière bafoue le droit international relatif au recours à la force. Les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (1990) et les Principes des Nations unies relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions (1989), s’ils ne sont pas juridiquement contraignants en soi, représentent l’accord global passé par les États sur la meilleure façon d’appliquer les dispositions internationales relatives aux droits humains au cours d’opérations de maintien de la loi sans bafouer le droit à la vie. Tous deux énoncent clairement que le recours intentionnel à la force meurtrière doit se limiter aux cas où cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines.

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