THAÏLANDE Les droits humains doivent être au centre de l’action du gouvernement

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

À l’issue de sa visite en Thaïlande, Irene Khan, secrétaire général
d’Amnesty International, a reconnu que des progrès avaient été accomplis
dans le domaine des droits humains depuis une dizaine d’années par ce pays,
soulignant néanmoins l’existence d’un certain nombre de problèmes graves,
devant être traités de toute urgence.

« L’adoption d’une Constitution progressiste, la ratification de certains
traités relatifs à la protection des droits humains, ainsi que diverses
mesures visant à protéger ces droits, sont autant d’événements remarquables,
a dit Irene Khan, mais ces initiatives se heurtent, dans la pratique, au
climat d’impunité qui continue de régner et qui permet aux atteintes aux
droits humains de se perpétuer. »

« Les garanties relatives aux droits humains doivent se traduire par des
actes concrets, visant à assurer la justice pour tous. »

En Thaïlande, Amnesty International œuvre depuis des années en étroite
collaboration avec la société civile thaïlandaise, les organisations de
défense des droits humains et les victimes d’atteintes aux droits
fondamentaux. « Nous nous faisons l’écho de leurs préoccupations, a expliqué
Irene Khan, en demandant que les responsabilités soient clairement établies
et que les militants soient protégés, et en insistant pour que le maintien
de l’ordre et les politiques sociales se fassent dans le respect des droits
fondamentaux de la personne humaine. »

Amnesty International demande au gouvernement d’agir avec fermeté pour que
les agents des pouvoirs publics soient, le cas échéant, tenus responsables
des violations des droits humains passées et présentes.

Ces trois dernières années, 16 militants ont été tués ou ont « disparu », et
des restrictions ont été mises au droit de manifester et à la liberté
d’expression. Des informations faisant état d’actes de torture et de mauvais
traitements, ainsi que des allégations, selon lesquelles des personnes
auraient été tuées en toute illégalité ou auraient « disparu », nous sont
également parvenues. Ces actes se seraient produits dans le cadre de la
guerre contre la drogue, l’an dernier, et lors des troubles qui secouent
actuellement le sud du pays.

Amnesty International reconnaît que le gouvernement a le devoir de garantir
la sécurité. Toute action menée par les autorités doit cependant être
intégralement conforme aux obligations relatives aux droits humains
librement contractées par la Thaïlande en tant qu’État souverain.

« Dans la conjoncture délicate qui prévaut dans les provinces de Yala,
Songkla, Pattani et Narathiwat, les droits humains doivent être protégés
avec une attention d’autant plus grande », a déclaré Irene Khan.

« Il est du devoir du gouvernement de veiller à ce que justice soit faite,
que les responsables des atteintes soit des agents de l’État ou des acteurs
non étatiques, a poursuivi la secrétaire général d’Amnesty International. Il
est également dans l’intérêt du gouvernement de veiller à ce que les membres
de ses organes d’application des lois et de ses forces de sécurité soient
au-dessus de tout soupçon. Or, pour cela, il faut que toutes les allégations
d’atteintes aux droits humains fassent l’objet d’enquêtes approfondies,
indépendantes et impartiales, et que leurs auteurs éventuels soient traduits
en justice. »

« Le droit à l’information est l’un des piliers de la démocratie. La vérité
et la justice vont de paire. Or, des zones d’ombre subsistent aujourd’hui en
Thaïlande dans ces deux domaines. »

Le gouvernement a mis en place plusieurs commissions, chargées d’enquêter
sur les homicides perpétrés dans le cadre de la guerre contre la drogue. Une
autre commission a été chargée d’enquêter sur les événements du 28 avril
2004. Les conclusions et les recommandations éventuelles de ces organismes
risquent cependant d’être hypothéquées par leur manque d’indépendance et
d’impartialité, ainsi que par l’insuffisante transparence de leur
fonctionnement.

Selon certaines informations, l’utilisation de « listes noires » de
suspects, lors de la guerre contre la drogue et dans le cadre de la
répression des troubles survenus dans le sud du pays, donnerait lieu à des
tentatives d’extorsion de fonds et à divers autres abus, et créerait un
sentiment général d’insécurité. Le gouvernement a la responsabilité de
protéger la population des atteintes aux droits humains auxquelles pourrait
donner lieu l’usage de telles listes.

« Dire que les personnes qui figurent sur ces listes sont des suspects n’est
pas une excuse, a affirmé Irene Khan. Le gouvernement doit protéger les
droits des coupables, s’il ne veut pas mettre en péril ceux des innocents. »

« Il ne suffit pas de s’attaquer aux abus après qu’ils ont été commis,
a-t-elle rappelé. Le gouvernement doit également intégrer les principes et
les démarches relatives aux droits humains dans sa politique sociale et de
maintien de l’ordre. »

« Nous ne sous-estimons pas les problèmes que posent pour le pays la
prolifération des stupéfiants, les troubles dans le sud et l’épidémie de
sida. Pour chacun de ces problèmes, toutefois, la meilleure stratégie à long
terme est nécessairement fondée sur une démarche privilégiant le respect et
la protection des droits fondamentaux de tous. Une politique « coup de poing
 » peut être tentante et rencontrer un écho favorable parmi la population,
mais l’expérience montre que les options de ce genre ne sont pas viables sur
la durée. »

Irene Khan se félicite de certaines mesures adoptées par les autorités,
telles que la mise en place d’une Commission nationale des droits humains et
d’un Service pour la protection des droits et des libertés au sein du
ministère de la Justice.

Amnesty International se réjouit également des initiatives de réforme pénale
visant à réduire la surpopulation aiguë dont souffrent les prisons, en
privilégiant la réinsertion des auteurs d’atteintes à la législation sur les
stupéfiants et les solutions alternatives à la prison pour les jeunes
délinquants.

« La Thaïlande a joué par le passé un rôle constructif dans la promotion des
droits humains au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est
(ANASE), a rappelé Irene Khan. Elle doit continuer. »

Le gouvernement du Royaume de Thaïlande est favorable à la mise en place
d’un mécanisme de protection des droits humains propre à l’ANASE. Il doit
user activement de son influence pour qu’un tel mécanisme voie le jour. Il
doit également presser le Myanmar d’apporter une solution aux graves
atteintes aux droits humains perpétrées depuis des années sur son
territoire, et encourager l’Indonésie à autoriser les organisations
humanitaires et de défense des droits humains à se rendre dans l’Aceh.

« Le message que nous adressons au gouvernement est simple, a conclu la
secrétaire général d’Amnesty International. Il doit placer les droits
humains au cœur de sa politique, intérieure comme étrangère. »

Index AI : ASA 39/011/2004
ÉFAI

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