Index AI : ASA 57/007/2003
ÉFAI
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
À l’occasion du quatrième anniversaire du vote en faveur de l’indépendance du Timor-Leste (anciennement Timor oriental), Amnesty International lance une nouvelle campagne afin de garantir que les victimes des violences de 1999 n’aient pas à attendre quatre années supplémentaires pour obtenir justice.
Le 30 août 1999, la population du Timor-Leste s’est prononcée à une écrasante majorité en faveur de l’indépendance vis-à-vis de l’Indonésie. On estime que quelque 1 300 personnes ont été assassinées par les forces de sécurité indonésiennes et les milices pro-indonésiennes opposées à l’indépendance. Endémiques et systématiques, les crimes perpétrés dans ce contexte sont considérés comme des crimes contre l’humanité. Quatre années plus tard, la majorité des victimes et de leurs familles attend toujours que justice soit rendue.
« Les souffrances des survivants et des proches de ceux qui ont été agressés, tués, torturés ou violés ne doivent pas sombrer dans l’oubli, a affirmé Amnesty International, avant d’ajouter :
« Au Timor-Leste, les autorités persistent dans leur refus de coopérer avec la justice. Les procès récemment clos à Djakarta, en Indonésie, n’ont pas réussi à faire éclater la vérité afin que les coupables comparaissent devant les tribunaux. Aussi la communauté internationale doit-elle maintenant passer à l’action. »
L’organisation de défense des droits humains demande que les Nations unies, au terme d’une révision indépendante des procès de Djakarta, préconisent de nouvelles mesures visant à garantir l’émergence de la vérité et le triomphe de la justice.
Parmi les victimes des violences de 1999 figure Ana Xavier da Conceição Lemos, militante politique de premier plan, professeur des écoles et mère de trois enfants. Ana avait ouvertement critiqué l’armée indonésienne et exprimé son soutien à l’indépendance. Le jour de la consultation populaire sur l’indépendance, elle a été battue et interrogée par des miliciens dirigés par un militaire indonésien. Elle aurait été par la suite violée en détention, avant de « disparaître ». Son corps a été retrouvé en novembre 1999.
En mai 1999, un témoin a vu des soldats indonésiens frapper et donner des coups de pied à Augustino de Carvalho et Estevao Xavier Pereira, tous deux étudiants. Ce témoin oculaire a ensuite entendu deux coups de feu retentir et un véhicule s’enfuir à vive allure. Les cadavres des étudiants ont été retrouvés, enterrés côte à côte, les mains liées.
Anacleto da Silva, jeune père de deux enfants, travaillait comme interprète pour un journaliste britannique et un photographe américain. En septembre 1999, les trois hommes circulaient à bord d’un taxi lorsqu’ils se sont trouvés nez à nez avec les soldats indonésiens du bataillon 745, qui regagnaient l’Indonésie. Après avoir attaqué le chauffeur du taxi et l’avoir rendu aveugle à coups de crosse de fusil, les soldats ont fait monter de force Anacleto dans un camion aux côtés d’autres prisonniers. On ne l’a pas revu depuis.
Ces affaires tragiques ne représentent qu’une infime partie des victimes des violences de 1999. Outre ceux qui ont été tués, un nombre inconnu d’hommes, de femmes et d’enfants ont été torturés et violés. Souvent prises pour cibles en raison de leur soutien au mouvement indépendantiste, les victimes englobaient des militants politiques, des dirigeants de communautés, des étudiants, des prêtres et des nonnes, ainsi que des habitants de la région collaborant à la Mission des Nations unies pour le Timor oriental (MINUTO).
Il incombait aux forces de sécurité indonésiennes de protéger les habitants du Timor-Leste. Pourtant, elles ont assisté passivement à l’escalade de la violence et ont même pris directement part à de nombreuses attaques. Aujourd’hui, nombre de soldats et de policiers indonésiens qui se sont rendus complices de ces violences sont toujours en activité, occupant parfois des postes de haut rang.
Rappel des faits
Le 30 août 1999, dans le cadre d’un scrutin organisé par les Nations unies, 78,5 p. cent des votants ont choisi de rejeter la domination indonésienne. Des preuves substantielles montrent que les milices responsables de violences avant et après le scrutin ont bénéficié du soutien actif des forces armées, de la police et des autorités civiles indonésiennes. Les procès des auteurs présumés, qui se sont récemment terminés en Indonésie, ont été entachés de graves irrégularités. La plupart des accusés ont été acquittés, tandis que six hommes condamnés à de courtes peines d’emprisonnement ont été remis en liberté en attendant qu’il soit statué sur leur appel. Plusieurs sont des membres de la police ou de l’armée indonésiennes, qui demeurent en poste.
Au Timor-Leste, une procédure judiciaire parallèle a permis de faire avancer grandement les enquêtes. Des actes d’inculpation ont été émis contre plus de 300 personnes, en majorité pour crimes contre l’humanité. Deux cent vingt-et-un suspects désignés par ces actes se trouvent en Indonésie ; les autorités refusent invariablement de les transférer vers le Timor-Leste afin qu’ils comparaissent devant les tribunaux