Timor-Leste. Lettre au président José Ramos-Horta à propos de la justice post-conflit

Déclaration publique

ÉFAI - 17 mars 2010

Amnesty International a adressé le 17 mars une lettre au président José Ramos-Horta, qui a rencontré le secrétaire général d’Amnesty International par intérim, Claudio Cordone, le 5 mars 2010 au Royaume-Uni. Cette lettre prend en compte les observations faites par le président Ramos-Horta au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève le 11 mars.

Dans ce document, Amnesty International aborde la question du rôle de la justice pénale pour les crimes commis dans le passé au Timor-Leste et revient notamment sur la proposition de mettre en place un tribunal international qui serait chargé d’enquêter et de poursuivre les responsables de crimes commis au cours de l’occupation du Timor-Leste par l’Indonésie entre 1975 et 1999.

Prenant note des objections soulevées depuis longtemps par le président José Ramos-Horta à la mise en place d’un tel tribunal, l’organisation relève toutefois que José Ramos-Horta a déclaré dans un communiqué de presse rendu public le 10 mars, après sa rencontre avec Amnesty International, que si le Conseil de sécurité décidait de mettre en place un tribunal international, il ne s’y opposerait pas.

Amnesty International a entendu les observations du président Ramos-Horta qui a redit devant le Conseil des droits de l’homme le 11 mars que « dans les efforts consentis pour rétablir la paix entre communautés longtemps ennemies, il faut souvent se résoudre à des compromis en matière de justice. »

Tout en reconnaissant les défis que représente l’administration de la justice après un conflit, Amnesty International souligne que sa prise de position en faveur d’un tribunal international repose avant tout sur la conviction forte que la confiance dans les principes du droit est nécessaire à la stabilité de la société et à la paix et que l’impunité dont bénéficient les auteurs de crimes commis pendant l’occupation indonésienne ne peut qu’ébranler cette confiance, compte tenu surtout de l’ampleur et de la nature des atrocités commises. Des mécanismes internationaux de justice, tel qu’un tribunal international, peuvent jouer un rôle pour mettre un terme à l’impunité, les réponses apportées par les tribunaux nationaux au Timor-Leste et en Indonésie étant inadaptées. Le tribunal a été recommandé par des experts des Nations unies dans le domaine de la justice et la propre Commission d’accueil, de recherche de la vérité et de réconciliation du Timor-Leste en 2005, ainsi que par les victimes timoraises tout récemment, en septembre 2009.

Le droit des victimes de crimes de droit international d’obtenir justice, de connaître la vérité et d’obtenir pleine et entière réparation est reconnu depuis longtemps en droit international. Dans cette perspective, paix et justice ne s’excluent pas mutuellement mais sont des concepts complémentaires qui peuvent et doivent co-exister. Bien que comprenant le scepticisme du président José Ramos-Horta concernant la volonté politique du Conseil de sécurité des Nations unies de s’attaquer à l’impunité dont bénéficient les auteurs de crimes commis sous l’occupation indonésienne, Amnesty International s’est engagée à continuer de faire pression pour que la justice internationale joue un rôle à cet égard.

Amnesty International insiste sur le fait que le tribunal international n’est que l’une des composantes d’un plan global à long terme visant à mettre fin à l’impunité. D’autres éléments-clés du plan devraient inclure les poursuites au Timor-Leste, en Indonésie et dans d’autres pays d’accord pour exercer leur compétence universelle ; la recherche et l’identification des personnes portées disparues pendant l’occupation indonésienne ; la mise en place d’un plan visant à fournir des réparations pleines et effectives pour les milliers de personnes qui ont souffert et les proches de celles qui ont péri ; et une approche de l’amnistie qui ne remette pas en question l’état de droit.

Amnesty International a exprimé l’espoir que le président José Ramos-Horta soutiendra la décision du parlement du Timor-Leste de mettre en place une institution chargée d’appliquer les recommandations du rapport de la Commission d’accueil, de recherche de la vérité et de réconciliation et du rapport de la Commission vérité et amitié. Un tel mécanisme de suivi pourrait permettre de prendre en considération tous les points de vue au Timor-Leste concernant la meilleure façon de solder l’héritage des crimes commis sous l’occupation indonésienne.

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