Mardi 3 février 2012, Amnesty International et le Programme de suivi du système judiciaire ont appelé le Parlement timorais à examiner sans délai deux projets de loi contenant des mesures qui permettraient de rendre justice aux victimes de violations des droits humains commises entre 1975 et 1999.
Ces deux projets de lois, initialement soumis au Parlement en juin 2010, visent à instaurer, respectivement, un programme national de réparations et un « Institut de la mémoire collective ». Si ces textes représentent un important point de départ pour les discussions, il est cependant nécessaire de leur apporter des modifications significatives pour garantir le plein respect du droit des victimes à obtenir un recours utile, y compris les réparations complètes qu’exige le droit international relatif aux droits humains.
Dix-huit mois après leur présentation, ces projets de loi n’ont toujours pas été modifiés, ni même examinés par le Parlement timorais. Ils devaient faire l’objet d’un débat lors de la session extraordinaire du Parlement, qui s’est tenue du 1er au 3 février 2012, mais ce débat a été annulé au profit d’une proposition de loi sur les pensions de retraite des parlementaires et d’une loi sur la propriété foncière. Ce retard persistant témoigne d’un mépris flagrant envers la souffrance des victimes et de leurs familles.
Le fait que ces projets de loi n’aient toujours pas été examinés, amendés et adoptés contribue à renforcer l’impunité et l’injustice au Timor-Leste. Cette inaction soulève de graves questions quant à la volonté du gouvernement et des partis politiques de garantir justice, vérité et réparation aux victimes de crimes contre l’humanité et autres violations des droits humains perpétrés pendant l’occupation indonésienne du Timor-Leste (alors Timor oriental).
Il est inacceptable que les victimes et leurs familles attendent depuis 12 ans, voire depuis bien plus longtemps dans de nombreux cas.
Amnesty International et le Programme de suivi du système judiciaire engagent le Parlement timorais à apporter les modifications nécessaires à ces projets législatifs afin de les mettre en conformité avec les normes internationales. Le Parlement doit notamment :
– élargir la base des bénéficiaires, qui se limite actuellement à une liste arbitraire de « victimes vulnérables » ;
– faire en sorte que les victimes puissent bénéficier de toutes les formes reconnues de réparation ; - mettre en place des mesures spécifiques destinées à garantir l’accès des femmes à des réparations effectives, en particulier en luttant contre la stigmatisation et la discrimination à l’égard des victimes de violences sexuelles, et contre les stéréotypes liés au genre qui sous-tendent les violences faites aux femmes.
Amnesty International et le Programme de suivi du système judiciaire demandent en outre au Parlement de prendre des mesures visant à garantir que l’Indonésie honore la responsabilité qui lui incombe, au titre du droit international, d’apporter pleine réparation aux Timorais qui ont été victimes de crimes relevant du droit international et d’autres violations des droits humains perpétrés entre 1975 et 1999 par des membres de ses forces armées ou tout autre représentant de l’État indonésien.
L’examen et l’adoption des deux projets de lois constitueraient une étape importante vers la mise en œuvre des recommandations formulées par la Commission de l’accueil, de recherche de la vérité et de réconciliation, ainsi que par la Commission vérité et amitié instituée conjointement par l’Indonésie et le Timor-Leste. Depuis de nombreuses années, des groupes de la société civile et des victimes réclament justice et réparation au Timor-Leste pour les victimes d’atteintes aux droits humains perpétrées au cours de l’occupation indonésienne.
En octobre 2011, le bilan du Timor-Leste en matière de droits humains a été évalué dans le cadre de l’Examen périodique universel des Nations unies. Cinq pays avaient alors demandé au Timor-Leste d’appliquer les recommandations des deux commissions, et le Timor-Leste avait accepté de les examiner. Le rapport de l’Examen périodique universel sur le Timor-Leste sera adopté en mars 2012.
Dans son tout dernier rapport au Conseil de sécurité, le secrétaire général des Nations Unies recommande que les deux projets de loi soient examinés par le Parlement timorais. Le secrétaire général affirme également que la réalisation de nouveaux progrès dans la mise en œuvre des recommandations des deux commissions aurait un effet positif à long terme pour la paix et la stabilité dans le pays. De même, dans un rapport publié en décembre 2011, le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires, qui s’est rendu au Timor-Leste du 7 au 14 février 2011, demande au Parlement timorais d’examiner et d’adopter les deux projets de loi.
Le Parlement doit cesser d’ignorer les victimes en refusant de se pencher sur les deux projets législatifs en question. Il doit veiller à ce que ces projets de loi fassent l’objet d’un débat en bonne et due forme, et à ce qu’ils soient amendés en vue de respecter la législation et les normes internationales et promulgués dès que possible.