Timor-Leste. Toutes les parties doivent agir avec détermination pour faire en sorte que justice soit rendue pour les atteintes actuelles et passées aux droits humains

Déclaration publique

ASA 57/002/2006

Amnesty International salue l’intention, exprimée par le secrétaire général des Nations unies au cours de la séance publique du Conseil de sécurité le 13 juin 2006, d’établir une commission d’enquête spéciale indépendante chargée de faire un bilan des violences récentes au Timor-Leste, conformément à la requête du gouvernement timorais. La mise en place et la taille de cette commission seront de la responsabilité du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies. Les Nations unies doivent faire en sorte que cette procédure d’enquête puisse aboutir à des poursuites.

Au cours de sa brève histoire, le Timor-Leste a déjà connu une longue série d’initiatives visant à faire toute la lumière sur les évènements passés ; les recommandations des missions successives se sont heurtées à l’indifférence ou l’opposition systématique des pays concernés - Timor-Leste et l’Indonésie - et la communauté internationale, le Conseil de sécurité des Nations unis en particulier, ne leur a guère accordé d’attention. Amnesty International craint de ce fait que cette nouvelle initiative ne connaisse le même sort.

La plupart des crimes commis au Timor-Leste en 1999 n’ont toujours pas été sanctionnés, en dépit du besoin vital de justice souligné dans les résolutions 1264 et 1272 du Conseil de sécurité il y a près de sept ans.

En mai 2005, le Conseil de sécurité a mis fin au travail du Groupe d’enquête sur les crimes graves et des Collèges spéciaux chargés d’enquêter et d’engager des poursuites pour les crimes graves commis en 1999, bien que de l’avis général leur mission ait été loin d’être accomplie. Par la suite, le Conseil de sécurité a refusé d’examiner sérieusement les recommandations de la Commission d’experts, créée par le secrétaire général pour faire un bilan des poursuites engagées pour des atteintes graves aux droits humains au Timor-Leste en 1999 ; ces recommandations avaient fait l’objet d’un rapport au secrétaire général en juillet 2005. En septembre 2005, le Conseil de sécurité retournait au secrétaire général le rapport de la Commission d’experts, lui demandant de soumettre aux membres du Conseil un nouveau rapport sur les solutions s’offrant au Timor-Leste en matière de justice et de réconciliation, « en mettant l’accent sur ce qui peut être fait dans la pratique » et en tenant compte des vues exprimées par les gouvernements du Timor-Leste et d’Indonésie. La résistance manifestée par ces deux gouvernements à toute tentative de justice pour les violations passées, doublée de considérations financières et logistiques de la part des Nations unies, font craindre que seules des recommandations édulcorées seraient acceptables par le Conseil. De plus, bien que presque neuf mois se soient écoulés depuis la demande du Conseil de sécurité, aucun nouveau rapport n’a été présenté.

Le secrétariat des Nations unies et le Conseil de sécurité disposent maintenant d’une occasion historique pour corriger le cours des évènements et se situer résolument du côté de la justice en ce qui concerne les violations passées au Timor-Leste.

La situation actuelle dans le pays est le produit d’une quantité de facteurs. Néanmoins, l’absence de tout état de droit et l’existence d’une culture de l’impunité pour les violations passées y ont, sans aucun doute, contribué. Sans obligation de rendre des comptes pour les crimes passés, il ne saurait y avoir réconciliation, ce qui pourrait à terme conduire à davantage d’instabilité. C’est le cycle dans lequel le Timor-Leste est piégé depuis son indépendance.

Pour briser ce cycle, les Nations unies doivent faire en sorte que le processus d’enquête sur les violences récentes s’accompagne d’une ferme détermination de la part des autorités du Timor-Leste à traduire les auteurs de ces actes en justice.

De plus, les enquêtes actuelles n’auront pas d’impact durable tant que les autorités timoraises et indonésiennes ne se montreront pas déterminées à faire en sorte que justice soit rendue pour les violations perpétrées en 1999.

Enfin, les Nations unies doivent agir de façon décisive pour s’acquitter de leurs responsabilités au nom des victimes des violences de 1999.

Il est crucial aujourd’hui que les parties concernées agissent de façon résolue pour faire en sorte que les auteurs de crimes graves au Timor-Leste - présents et passés - soient tous traduits en justice.

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