Trois des quatre hommes détenus dans le quartier des condamnés à mort à Minsk, la capitale du pays, ont été exécutés depuis le 5 novembre, a révélé Amnesty International le 30 novembre après avoir vérifié les faits auprès de militants locaux.
La Biélorussie est le dernier pays d’Europe et de l’ex-Union soviétique qui continue de procéder à des exécutions.
« Le fait d’éliminer les détenus du quartier des condamnés à mort est une mesure effroyable. Elle est d’autant plus condamnable qu’en général, au Bélarus, les exécutions se déroulent dans le plus grand secret et sont notifiées au dernier moment, a déclaré Aisha Jung, chargée de campagne sur le Bélarus à Amnesty International, récemment revenue de Biélorussie.
« Ce récent pic d’exécutions est particulièrement surprenant car beaucoup pensaient que ce pays, le dernier en Europe à maintenir ce châtiment, était sur le point de supprimer une fois pour toutes la peine de mort. »
Selon l’ONG bélarussienne Viasna, depuis le 5 novembre, Siarhei Khmialeuski, Ivan Kulesh et peut-être aussi Hyanadz Yakavitski ont été exécutés d’une balle tirée dans la nuque. Le sort du quatrième homme détenu dans le quartier des condamnés à mort, Siarhei Vostrykau, est en suspens. Il a été condamné à la peine capitale le 19 mai.
Le 29 novembre, les proches de Siarhei Khmialeuski, 31 ans, sont venus lui rendre visite à la prison SIZO n° 1 à Minsk. On les a alors informés qu’il avait été exécuté au cours des dernières semaines, à une date non précisée. Cela faisait plus d’un mois qu’ils ne recevaient plus de lettres de lui, mais les services administratifs de la prison ont accepté un paiement en son nom la semaine dernière. Sa condamnation à mort, prononcée pour le meurtre d’au moins deux personnes à Minsk, avait été confirmée par la Cour suprême le 6 mai.
L’exécution de Siarhei Khmialeuski a suivi de près celle de deux autres condamnés à mort au cours des dernières semaines.
Ivan Kulesh, dont la condamnation à mort a été confirmée le 29 mars pour meurtre et vol, a été exécuté le 5 novembre. Hyanadz Yakavitski, qui a été condamné à mort le 5 janvier pour meurtre, aurait lui aussi été exécuté en novembre. On en saura plus les prochains jours car sa fille va tenter de lui rendre visite dans le quartier des condamnés à mort.
Cette soudaine série d’exécutions intervient à la suite d’une longue pause en Biélorussie. Une seule personne avait été exécutée depuis novembre 2014 – Siarhei Ivanou, le 18 avril 2016 – avant la reprise des exécutions ce mois-ci.
Au Bélarus, les proches des condamnés à mort ne sont généralement pas prévenus à l’avance de leur exécution, et ils ne peuvent habituellement pas leur rendre une dernière visite avant leur mise à mort. Conformément aux dispositions de la loi du Bélarus, le corps du condamné exécuté n’est pas rendu à ses proches pour des funérailles, et le lieu de sépulture n’est pas révélé.
Dans de nombreux cas, les familles apprennent que leur proche est mort quand elles reçoivent un paquet contenant ses chaussures et son uniforme de condamné à mort. Elles doivent alors retirer le certificat de décès auprès des autorités.
En Biélorussie, les chiffres relatifs à l’application de la peine de mort sont classés secret d’État. Le secret qui entoure le recours à la peine de mort constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant pour le condamné et pour ses proches.
« Les autorités bélarussiennes poussent à l’extrême le caractère intrinsèquement injuste de la peine de mort. Le système judiciaire exerce une énorme pression psychologique sur les familles des personnes mises à mort, a déclaré Aisha Jung.
« Nous demandons aux autorités de Biélorussie, dans le cadre de notre campagne, de rejoindre les autres pays d’Europe et la majorité des pays du reste du monde en adoptant immédiatement un moratoire sur les exécutions, dans le but d’abolir la peine de mort. »
Complément d’information
On ignore combien d’exécutions ont eu lieu en Biélorussie, mais des défenseurs des droits humains et des journalistes locaux se sont efforcés sans relâche de réunir des informations sur les condamnations à mort et les exécutions.
Selon le ministère de la Justice de Biélorussie, 245 personnes ont été condamnées à mort entre 1994 et 2014. Des ONG de défense des droits humains estiment que près de 400 personnes ont été exécutées depuis l’indépendance du pays, en 1991.
En 2012, le Comité des droits de l’homme a conclu que le secret entourant la peine de mort en Biélorussie s’apparentait à un traitement inhumain pour les familles et constituait une violation de l’article 7 (qui interdit la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel la Biélorussie est partie.
Amnesty International est opposée à la peine de mort dans tous les cas et en toutes circonstances. La peine de mort viole le droit à la vie tel que reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.