Trois mois après le cyclone Idai, la région a désespérément besoin d’aide Par Tigere Chagutah, directeur adjoint responsable des campagnes pour l’Afrique australe à Amnesty International

Il y a trois mois, le cyclone Idai a frappé le Malawi, le Mozambique et le Zimbabwe, semant la mort et la destruction sur son passage.

Des logements ont été démolis : les toitures de métal ou de paille ont été arrachées par la tempête et les murs se sont effondrés, alors même que des familles pétrifiées se trouvaient encore à l’intérieur. Les pluies torrentielles ont emporté ponts et routes ; elles ont fait des dizaines de milliers de sans-abri et anéanti leurs moyens d’existence. 

Les inondations ont rapidement submergé des villages et des terres agricoles, faisant disparaître le maïs et d’autres cultures vitales. Qui n’est pas hanté·e par les images de ces personnes attendant d’être secourues sur le toit de leur maison en ruines ?

L’une des pires catastrophes naturelles que l’hémisphère sud ait connu a fait plus d’un millier de mort et privé trois millions de personnes de nourriture, d’eau, d’un abri et d’infrastructures cruciales dans les trois pays concernés. 

Le Mozambique a été doublement malchanceux : six semaines après le passage d’Idai, il a été touché par le cyclone Kenneth, un autre événement météorologique extrême qui a enfoncé encore davantage le pays dans le chaos.

Trois mois plus tard, le sort des rescapé·e·s et les efforts visant à les aider à rebâtir leur vie ont pratiquement disparu de l’actualité, tant nationale qu’internationale. Pourtant, le chantier de reconstruction et de relèvement est vaste.

De nombreuses personnes sont encore sans abri et beaucoup vivent sous des tentes de fortune alors que l’hiver approche. À Beira (Mozambique) et à Chimanimani (Zimbabwe), qui sont parmi les zones les plus durement touchées, il y a encore des milliers de personnes déplacées, y compris des femmes enceintes, des enfants et des personnes handicapées. Les autorités se concentrent désormais sur les efforts plus que nécessaires de reconstruction et de relèvement mais des milliers de personnes peinent toujours à couvrir leurs besoins essentiels. Par ailleurs, un défi ardu se profile : celui de restaurer l’accès à la santé, à l’éducation, au logement, à l’eau et à des installations sanitaires. Beaucoup de rescapé·e·s sont issus de zones rurales et subvenaient aux besoins de leur famille grâce à l’agriculture et à l’élevage. Il faut que ces personnes puissent reprendre leurs activités.

Les enjeux sont énormes et le coût de la reconstruction est très élevé. Or, le Malawi, le Mozambique et le Zimbabwe ne sont pas en mesure de débloquer à eux seuls ces fonds cruellement nécessaires.

Selon l’évaluation des besoins post-catastrophe – une étude portant sur les zones touchées par le cyclone au Mozambique, notamment Sofala, Manica, Tete, Zambezia, Inhambane, Nampula et Cabo Delgado –, le pays a besoin de 3,2 milliards de dollars des États-Unis pour la reconstruction et le relèvement. Bien que des donateurs se soient engagés à fournir 1,2 milliard pour aider le Mozambique lors d’une conférence tenue en juin, les promesses sont très en deçà des besoins. S’agissant de l’appel lancé par les Nations unies en vue de récolter 282 millions pour faire face à la situation d’urgence humanitaire au Mozambique, les sommes obtenues sont également bien loin du compte.

La communauté internationale peut et doit faire beaucoup mieux. Tous les pays qui le peuvent ont l’obligation légale de prêter une assistance internationale et de coopérer à la protection des droits humains dans les pays concernés.

Certes, le cyclone Idai a été une tempête exceptionnelle par son intensité et sa durée. Il est cependant peut probable qu’il s’agisse d’un événement isolé, compte tenu du changement climatique. En effet, les événements météorologiques extrêmes devraient se multiplier, accentuant ainsi les inégalités au sein des pays et entre eux et exposant fortement les personnes marginalisées et pauvres aux effets du changement climatique. La fragilité accrue face aux catastrophes naturelles comme Idai, nous l’avons constaté dans les trois pays touchés, s’explique par les phénomènes d’exclusion existants et les inégalités criantes, qu’elles soient économiques ou d’une autre nature. À l’avenir, garantir les droits économiques et sociaux doit être une priorité à tout moment, et pas uniquement lorsqu’une catastrophe naturelle survient.

Nous savons que certains des pays émettant la plus grande quantité de dioxyde de carbone par personne sont des pays riches comme les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Canada. Du fait de cette responsabilité, ils ont d’autant plus le devoir de renforcer l’aide accordée au Malawi, au Mozambique et au Zimbabwe au moment où ceux-ci en ont besoin. Les autorités de tous les pays portant une responsabilité importante et les plus à même d’agir face au changement climatique doivent aussi tenter de limiter les pertes humaines en élaborant des mécanismes d’alerte rapide et d’autres stratégies de réduction des risques afin de ramener au minimum l’impact des futures catastrophes et de protéger les droits de tou·te·s.

De toute évidence, le Malawi, le Mozambique et le Zimbabwe ne pourront pas assumer seuls les secours et le relèvement. Il est inconcevable que le fonds de relèvement post-Idai demeure si peu approvisionné.

Il faut que la communauté internationale cesse de se comporter comme si la gestion des effets du changement climatique n’était pas de son ressort.
Les États portant le plus de responsabilité dans le changement climatique doivent apporter des solutions aux personnes dont les droits à l’alimentation, à l’eau, à un logement décent, à la santé et à d’autres choses essentielles à une vie digne sont mis à mal par le changement climatique. Il s’agit notamment d’accroître le financement de l’adaptation au changement climatique et des secours post-catastrophe.

Cet article a initialement été publié par le Mail and Guardian.

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