Tunisie. 6 jeunes hommes condamnés pour sodomie

L’incarcération de six Tunisiens condamnés à trois ans de prison pour sodomie illustre la discrimination cautionnée par l’État à l’égard des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) dans le pays, a déclaré Amnesty International lundi 14 décembre 2015.

Ces hommes, dont certains sont étudiants à l’université, auraient été déclarés coupables après avoir subi des examens rectaux, tests qu’Amnesty International considère comme s’apparentant à la torture lorsqu’ils sont réalisés sans le consentement des personnes concernées. Elle demande la libération immédiate et inconditionnelle de ces six hommes.

« Le jugement rendu contre ces hommes est choquant, particulièrement à un moment où les organisations de défense des droits en Tunisie dénoncent avec force la pénalisation des relations homosexuelles, a déclaré Saïd Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Nul ne devrait être emprisonné en raison de son orientation sexuelle ou de son activité sexuelle. Cette affaire met en évidence le niveau élevé d’homophobie d’État qui règne dans le pays et le chemin que la Tunisie doit encore parcourir avant que les personnes LGBTI puissent exercer pleinement leurs droits en matière de sexualité et d’identité de genre. »

Le tribunal de première instance de la ville de Kairouan a condamné ces six hommes au titre de l’article 230 du Code pénal tunisien qui érige en infraction « la sodomie et le lesbianisme », et prévoit une peine maximale de trois ans de prison. L’un des hommes a en outre été condamné à six mois de prison pour « outrage aux bonnes mœurs », la police ayant découvert une vidéo pornographique sur son ordinateur.

Selon des militants LGBTI qui suivent l’affaire, les six hommes ont été arrêtés le 2 décembre lors d’une descente de la police dans la maison où ils étaient rassemblés. Ils ont comparu devant le tribunal le 10 décembre, Journée internationale des droits de l’homme. Un seul d’entre eux était alors représenté par un avocat.

En outre, les six hommes se sont vus interdire de résider à Kairouan pendant cinq ans, au titre des articles 5 et 22 du Code pénal, interdiction qui entrera en vigueur une fois leurs peines de prison purgées. Selon un avocat impliqué dans cette affaire, il s’agit de la première affaire connue dans laquelle une telle sanction est prononcée ces dernières années.

« Le fait qu’en 2015 un tribunal tunisien puisse encore incarcérer six jeunes hommes pour relations homosexuelles et les sanctionner de bannissement montre à quel point les relations homosexuelles demeurent taboues en Tunisie. Leur interdire de résider dans la ville établit un dangereux précédent et risque de renforcer la stigmatisation.

« Ce jugement fait fi de la Constitution tunisienne, dont certaines garanties importantes protègent les droits des personnes LGBTI, garantissant le droit à la vie privée et à la liberté d’expression, de pensée et d’opinion, a déclaré Saïd Boumedouha.

« Au final, ce n’est qu’en révisant en profondeur le Code pénal et en dépénalisant une bonne fois pour toutes les relations consenties entre personnes de même sexe que les autorités tunisiennes pourront espérer offrir une protection suffisante contre la violence et la discrimination. »

Amnesty International considère les personnes arrêtées et détenues uniquement en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre comme des prisonniers d’opinion. Elle exhorte les autorités tunisiennes à libérer ces six hommes et à annuler immédiatement leurs condamnations.

Complément d’information

Dans un rapport publié récemment, Amnesty International a dénoncé le fait que, trop souvent, les autorités n’enquêtent pas dûment sur les crimes homophobes et transphobes et n’engagent pas de poursuites contre les responsables présumés. De même, les homosexuels en Tunisie sont souvent arrêtés alors qu’il n’existe pas de preuves de leur engagement dans des relations homosexuelles et qu’ils sont rarement pris sur le fait. La plupart des arrestations se font sur la base de stéréotypes liés au genre, comme l’apparence et le comportement – les homosexuels considérés comme « efféminés » et les femmes transgenres étant les premières cibles.

Les hommes accusés d’avoir des relations homosexuelles sont régulièrement soumis à des examens rectaux réalisés par des médecins, en général sur ordre d’un juge dans le but de « prouver » des relations anales, une méthode discréditée d’un point de vue scientifique.

En théorie, le suspect peut refuser l’examen, mais les militants affirment que la plupart des hommes ne connaissent pas leurs droits et subissent des pressions pour accepter le test. Ils sont souvent intimidés par les policiers, qui leur disent qu’un refus pourrait être retenu à titre de preuve contre eux.

Une affaire a récemment attiré l’attention sur cette question, celle de « Marwan », 22 ans, condamné à un an de prison pour « relations homosexuelles ». Marwan avait été convoqué par la police dans le cadre du meurtre d’un homme commis à Sousse. Il a nié toute implication dans cet homicide, et a reconnu avoir eu des relations sexuelles avec la victime, semble-t-il après que les policiers l’eurent menacé de l’inculper du meurtre.

Il a alors été inculpé de « sodomie » en vertu de l’article 230 du Code pénal.
Amnesty International a rencontré des personnes LGBTI en Tunisie qui avaient reçu des coups de couteau, des coups de pied dans la tête, des brûlures de cigarette et des menaces de mort en raison de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle. Bien souvent, la police a rejeté ou ignoré leurs plaintes à cause des dispositions de l’article 230. Amnesty International demande aux autorités tunisiennes d’abroger cet article et de dépénaliser les relations entre personnes de même sexe.

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