Tunisie : Amnesty se félicite de l’engagement du gouvernement à permettre l’Instance vérité et dignité de finaliser sa mission

Heba Morayef, directrice Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International, s’est exprimée en réaction à la déclaration conjointe de l’Instance vérité et dignité (IVD) et du ministère de la Relation avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l’homme, publiée le 24 mai.

«  Amnesty International salue l’engagement du gouvernement tunisien envers la justice transitionnelle : il laisse à l’Instance vérité et dignité le temps nécessaire pour traduire en justice les responsables présumés et finaliser ses travaux dans les meilleurs délais. Des préoccupations quant au fait de couper court aux travaux de l’IVD ont été soulevées lors d’un récent vote au Parlement et dans le cadre de communications du chef du gouvernement cette semaine. Nous demandons à toutes les institutions gouvernementales de coopérer pleinement avec l’IVD jusqu’à la fin de son mandat, qui expirera fin 2018, conformément à sa décision.  »

«  Amnesty International salue l’engagement du gouvernement tunisien envers la justice transitionnelle : il laisse à l’Instance vérité et dignité le temps nécessaire pour traduire en justice les responsables présumés et finaliser ses travaux dans les meilleurs délais. »

Lors d’une conférence de presse, le 28 mai, la présidente de l’IVD Sihem Ben Sedrine a confirmé que l’instance allait poursuivre ses travaux. Cette décision s’appuie sur l’engagement du gouvernement à respecter les dispositions constitutionnelles en accordant suffisamment de temps à l’instance pour finaliser les conclusions de son travail mandaté.

« Le gouvernement ne clôturera pas l’IVD le 31 mai. Nous ferons de notre mieux pour prendre le moins de temps possible, nous le lui avons promis  », a déclaré Sihem Ben Sedrine, présidente de l’IVD.

Après quatre ans de travail, l’IVD est parvenue à la phase cruciale qui consiste à transférer aux tribunaux les cas de violations graves des droits humains. Elle rédige aussi un rapport exhaustif qui passe en revue les violations commises par le passé et formule des recommandations en vue de réformes visant à prévenir la répétition de tels actes.

« En s’engageant à coopérer avec l’Instance vérité et dignité jusqu’à ce qu’elle finalise son travail essentiel, le gouvernement tunisien reconnaît qu’il est nécessaire d’appuyer la décision de l’IVD de prolonger son mandat jusqu’à la fin de l’année et, par extension, qu’il importe de garantir l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains », a déclaré Heba Morayef.

Complément d’information

Le chef du gouvernement Youssef Chahed a écrit à la présidente de l’instance le 21 mai pour l’informer que la décision de l’IVD de prolonger son mandat ne pouvait pas être publiée au journal officiel et, le 22 mai, dans une seconde communication, pour demander à l’IVD de remettre toutes ses archives et ses documents d’ici le 30 mai, en accord avec le vote parlementaire du mois d’avril.

L’IVD a soumis les premiers dossiers aux tribunaux fin mars 2018 et en a transmis jusqu’à présent huit aux chambres criminelles spécialisées en justice transitionnelle. Il s’agit notamment de cas de morts des suites de torture, de disparitions forcées et d’homicides de manifestants pacifiques durant le soulèvement de 2010-2011.

Depuis le début de ses activités en 2014, l’IVD a tenu des audiences dans toute la Tunisie et traité plus de 62 000 dossiers concernant des violations des droits humains. Créée par la Loi organique de 2013 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, l’instance est chargée de révéler la vérité sur les crimes de droit international et les violations des droits humains de 1955 à 2013.

Son mandat inclut aussi le fait d’arbitrer les affaires de crimes économiques, de mettre sur pied et de gérer un programme de réparations individuelles et collectives, de formuler des recommandations pour garantir la non-répétition des violations et crimes passés, et de réformer les institutions de l’État impliquées dans l’orchestration de violations, par exemple en contrôlant les membres des institutions.

Dans une lettre adressée aux autorités tunisiennes le 30 avril, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, a recommandé que l’IVD se voit accorder la prolongation dont elle estime avoir besoin, par respect pour son indépendance.

Amnesty International a demandé à plusieurs reprises aux autorités tunisiennes de respecter le droit de l’Instance vérité et dignité de prolonger son mandat.

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