Au titre de l’article 7 du projet de loi n° 25/2015, les forces de sécurité ne seraient pas tenues pénalement responsables d’avoir utilisé la force meurtrière pour repousser les attaques contre des bâtiments liés à la sécurité, si la force qu’elles emploient est jugée proportionnelle au danger. Ce texte de loi, initialement présenté au Parlement par le gouvernement en avril 2015, a été réintroduit en 2017 à la demande de la police et a essuyé de vives critiques de la part des organisations de la société civile tunisienne et internationale.
« Malgré des amendements positifs qui ont supprimé des restrictions inquiétantes des droits à la liberté d’expression et à l’accès à l’information qui figuraient dans les projets précédents, le texte comporte encore des dispositions qui feraient obstacle à l’obligation de rendre des comptes pour les graves violations des droits humains, a déclaré Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.
« Les organisations tunisiennes et internationales de la société civile n’ont cessé de s’opposer à ce projet de loi, mettant en garde contre ses conséquences négatives sur l’état de droit. S’il est adopté, il renforcera la culture de l’impunité et adressera un message inquiétant aux forces de sécurité, leur indiquant qu’elles ont le feu vert pour utiliser la force à leur gré, sans s’inquiéter de devoir rendre des comptes. »
Ce projet de loi permettrait aux forces de sécurité de réagir légalement en usant de la force meurtrière à une attaque contre des bâtiments des services de sécurité, même en l’absence de danger pour leur vie ou la vie d’autrui, et de risque de blessures graves.
Aux termes des normes internationales, la police ne doit pas faire usage d’armes à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave. Se servir d’armes à feu uniquement pour protéger des biens est prohibé.
Les forces de sécurité tunisiennes jouissent depuis longtemps de l’impunité pour les violations graves des droits humains, telles que le recours excessif à la force contre les manifestant·e·s pacifiques à Tatatouine en juin dernier et les interventions des forces de sécurité qui ont conduit à la mort d’Omar Laabidi et d’Aymen Othmani en 2018. La torture et les mauvais traitements infligés à des détenus lors des opérations anti-terroristes, ainsi que les pratiques arbitraires durant les arrestations, restent largement impunis.
« Nous demandons aux député·e·s tunisiens de se mobiliser en faveur des droits humains en rejetant ce projet de loi consternant. Ils doivent veiller à ce que les forces de sécurité agissent conformément aux règles et aux normes internationales relatives à l’usage de la force et rendent des comptes lorsqu’elles en font un usage arbitraire et abusif », a déclaré Amna Guellali.