TUNISIE - Graves inquiétudes concernant la liberté d’expression

Index AI : MDE 30/006/2005

Amnesty International demande la remise en liberté immédiate et sans condition du Tunisien Mohammed Abbou, avocat et défenseur des droits humains, à la veille de l’audience du jeudi 28 avril.

Mohammed Abbou, avocat et membre du Conseil national pour les libertés en Tunisie, comparaît pour deux articles diffusés sur Internet dans lesquels il critiquait le gouvernement tunisien. S’il est déclaré coupable, il risque une peine pouvant aller jusqu’à quinze années d’emprisonnement.

« Mohammed Abbou est jugé uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression ; il doit être remis en liberté immédiatement, sans condition, a déclaré Amnesty International. Sa mise en détention et son procès rappellent de façon préoccupante que ceux qui critiquent le gouvernement risquent toujours l’emprisonnement. »

Mohammed Abbou est détenu depuis le 1er mars 2005, en lien avec un article dans lequel il dénonçait la torture en Tunisie, après la vague d’intérêt suscité par les images des tortures pratiquées sur des prisonniers irakiens à Abou Ghraïb. L’article avait été diffusé sur Internet le 26 août 2004. Son arrestation pourrait également être liée à un article plus récent, dans lequel il critiquait l’invitation lancée par le gouvernement au Premier ministre israélien Ariel Sharon pour qu’il assiste au Sommet des Nations unies sur la société de l’information qui doit se tenir en Tunisie en novembre 2005.

Au cours de ces dernières semaines, de très nombreux avocats ont organisé un sit-in à la Maison de l’avocat, située en face du Palais de Justice de Tunis, pour demander la remise en liberté de leur collègue et plus de respect et d’indépendance pour leur profession. Après les manifestations de grande envergure organisées par les avocats tunisiens pour protester contre l’interpellation et le placement en détention de Mohammed Abbou, celui-ci a été transféré à la prison d’El-Kef, à environ 200 kilomètres de Tunis où il était détenu jusqu’alors et où réside sa famille. Ses avocats se seraient vus refuser l’autorisation de lui rendre visite à plusieurs reprises.

« Il est grand temps que les autorités tunisiennes prennent des mesures concrètes visant à lever les restrictions à la liberté d’expression. Dans l’immédiat, le gouvernement doit abroger toutes les lois prévoyant des peines d’emprisonnement pour l’exercice pacifique du droit à la liberté d’expression car elles bafouent les normes internationales », a déclaré Amnesty International.

L’organisation renouvelle également son appel aux autorités pour qu’elles mettent un terme à la surveillance policière de défenseurs des droits humains et de leurs proches, manifestement conçue comme une forme d’intimidation. Le gouvernement tunisien doit, entre autres, lever les nombreuses restrictions à la liberté d’expression dans tous les médias, notamment l’Internet, et permettre aux organisations indépendantes de défense des droits humains de fonctionner légalement et librement.

Complément d’information

Les défenseurs des droits humains et militants de la société civile continuent d’agir sans protection aucune du gouvernement et sans la garantie de pouvoir poursuivre leurs activités sans ingérence ni crainte de persécutions. Les personnes qui exercent leur droit à la liberté d’expression sont souvent harcelées par les autorités et courent le risque de se retrouver inculpées pour des infractions pénales. L’absence de tout progrès en direction d’une plus grande liberté d’expression est un sujet de préoccupation, particulièrement du fait que la Tunisie doit accueillir en novembre un Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), rencontre entre organisations intergouvernementales et de la société civile organisée par les Nations unies. Ce sommet cherche à promouvoir le respect des droits humains et la liberté d’expression comme éléments fondamentaux pour la construction d’une société de l’information dans laquelle l’accès à l’information, aux idées et à la connaissance sera garanti à tous sans restrictions, partout dans le monde.

Hina Jilani, représentante spécial du secrétaire général des Nations unies pour les défenseurs des droits humains a demandé à plusieurs reprises à pouvoir se rendre en Tunisie ; ses demandes n’ont pas obtenu de réponse, sans doute en raison de ses critiques concernant l’absence de protection des défenseurs des droits humains, formulées dans un rapport de février 2002, après une précédente visite. Elle avait à l’époque fait part de ses vives inquiétudes concernant le sort des défenseurs des droits humains. La situation n’a pas connu d’amélioration notable depuis. En mars 2005, Hina Jilani a été invitée à participer à un séminaire sur les mécanismes de protection des défenseurs des droits humains, organisé par un groupe d’ONG locales et internationales. Le retard pris par les autorités tunisiennes pour lui accorder son visa l’avait empêché d’assister à la conférence.

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