Communiqué de presse

Tunisie. Il faut libérer sans délai un producteur de télévision détenu arbitrairement

Les autorités tunisiennes doivent libérer immédiatement le producteur de télévision Sami Fehri, qui est maintenu arbitrairement en détention malgré une décision de justice ordonnant sa libération.

Sami Fehri, directeur de la chaîne de télévision Attounissia, est accusé de détournement de fonds publics et détenu depuis le 28 août 2012. Le 28 novembre, la Cour de cassation, plus haute juridiction du pays, a annulé la décision rendue par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Tunis, qui avait décidé d’inculper et de placer en détention Sami Fehri.
Le jour même, le parquet a ordonné sa libération mais a ensuite annulé cet ordre. Sami Fehri demeure détenu sans aucun fondement juridique depuis le 28 novembre, il y a plus de deux mois ; sa détention est donc arbitraire.

Amnesty International estime que la détention de Sami Fehri constitue une violation de l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que la Tunisie a ratifié. Les autorités tunisiennes doivent libérer cet homme immédiatement et veiller à ce qu’il soit indemnisé pour sa détention.

Le sort qui est réservé à Sami Fehri met en lumière les failles de la justice tunisienne, notamment quant à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Amnesty International a déjà souligné le besoin urgent de mettre en place un organe indépendant dans sa composition, ses fonctions et son financement pour superviser le pouvoir judiciaire, de garantir le principe
d’inamovibilité des juges et de respecter strictement l’indépendance de la justice vis-à-vis du gouvernement.
À cet égard, l’Association des magistrats tunisiens (AMT) a condamné ce
qu’elle considère comme une ingérence du parquet, et donc du ministère de la Justice, lors de la détermination du contenu des jugements et déclaré que cette ingérence nuisait à la confiance du public envers la justice.

Sami Fehri a indiqué à la presse qu’il était détenu pour des motifs politiques en raison d’une émission diffusée sur Attounissia appelée « La logique politique », qui était critique à l’égard du gouvernement et dont Sami Fehri a décidé d’arrêter la diffusion quelques jours avant son arrestation.
Cette émission satirique mettait en scène des marionnettes représentant des
responsables politiques tunisiens, notamment le président Moncef Marzouki et le Premier ministre Hamadi Jebali. Si la détention de Sami Fehri y était liée, elle constituerait une grave violation de son droit à la liberté d’expression au regard de l’article 19 du PIDCP, en plus de son droit d’être libre.

Amnesty International exhorte les autorités tunisiennes à libérer Sami Fehri sans délai. Elle les engage également à réformer la justice pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, conformément aux Principes fondamentaux des Nations unies relatifs à l’indépendance de la magistrature, et pour empêcher toute ingérence inopportune ou injustifiée du pouvoir exécutif.

Complément d’information

Sami Fehri a été inculpé le 24 août par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Tunis pour détournement de fonds publics, une infraction passible de 10 ans d’emprisonnement aux termes de l’article 96 du Code pénal tunisien. Il est accusé d’avoir utilisé la télévision nationale pour obtenir des avantages pour une société privée de production télévisuelle,
Cactus Productions, qu’il détenait avant l’éviction du président Ben Ali conjointement avec Belhassen Trabelsi, le beau-frère de ce dernier.
Cinq anciens directeurs de la télévision nationale sont poursuivis en tant qu’auteurs de l’infraction, mais sont restés libres jusqu’à ce que leur placement en détention soit ordonné le 3 janvier 2013.
Sami Fehri est poursuivi en tant que complice.

Le 24 août 2012, la chambre d’accusation de la cour d’appel a ordonné le placement en détention de Sami Fehri, qui a été écroué le 28 août 2012 à la prison de Mornaguia, près de Tunis.

Les avocats de Sami Fehri ont fait appel de cette décision devant la Cour de cassation, qui l’a annulée le 28 novembre 2012 et a renvoyé le dossier devant la chambre d’accusation de la cour d’appel afin qu’il soit réexaminé par un collège de juges composé différemment.

Le 28 novembre vers 17 heures, la famille et les avocats de Sami Fehri se sont rendus à la prison de Mornaguia, s’attendant à ce qu’il soit libéré, mais il n’en est pas sorti. À 23 heures, le parquet de la Cour de cassation aurait ordonné au directeur de la prison de ne pas libérer Sami Fehri, apparemment au motif que cette instance avait annulé l’inculpation mais pas
l’ordonnance de placement en détention.

À la demande des avocats de Sami Fehri, le 5 décembre 2012 la Cour de cassation a rendu une note explicative au sujet de son arrêt du 28 novembre. Elle a confirmé sa décision d’annuler le jugement de la cour d’appel, y compris l’ordonnance de placement en détention, et de renvoyer le dossier devant cette instance.

Le 3 janvier 2013, la chambre d’accusation a rendu une nouvelle décision ordonnant le placement en détention de cinq anciens directeurs de la télévision nationale. Les avocats de Sami Fehri ont indiqué à Amnesty International qu’ils avaient boycotté les audiences de la chambre d’accusation car ils ne croyaient pas à son indépendance. Ils ont fait appel de la décision du 3 janvier et l’affaire est maintenant en instance devant la Cour de cassation.

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