Tunisie. L’autorisation de « tirer à vue » doit être annulée

Communiqué de presse

14 janvier 2011

Vendredi 14 janvier, Amnesty International a invité les autorités tunisiennes à annuler l’autorisation de « tirer à vue », après qu’une vague de manifestations a manifestement provoqué le départ du pays du président Zine el Abidine Ben Ali et que l’état d’urgence a été imposé.

L’équipe de recherche envoyée en Tunisie par Amnesty International a fait état de messages diffusés dans les médias qui avertissent que les rassemblements de plus de trois personnes ne seront pas tolérés et que toute personne bravant le couvre-feu s’expose au risque d’être abattue. Après cette annonce, l’équipe a signalé avoir entendu des coups de feu.

« Il est tout simplement irresponsable de conférer le pouvoir de " tirer à vue ", a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Ce n’est pas en continuant à tirer sur les manifestants que l’ordre public pourra être rétabli. Les autorités doivent mettre un terme à la répression sanglante. »

En conférant ce pouvoir, les autorités semblent donner l’autorisation aux forces de sécurité tunisiennes de commettre des exécutions extrajudiciaires – en violation de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui garantit le droit à la vie et précise que nul ne peut être arbitrairement privé de la vie.


« Les autorités tunisiennes ont la responsabilité de maintenir la loi et l’ordre public et de protéger les droits des citoyens et la sécurité de la population
, a expliqué Hassiba Hadj Sahraoui.

« Toutefois, les droits humains doivent être respectés, même dans des situations d’urgence. Toute mesure prise par l’État, y compris le fait d’invoquer les pouvoirs accordés au titre de l’état d’urgence, doit être pleinement conforme aux normes internationales relatives aux droits humains.

« Une telle autorisation accordée aux militaires et aux forces de sécurité, alors que la situation est très instable, pourrait être la porte ouverte à de nouvelles violences et à des homicides, s’est inquiétée Hassiba Hadj Sahraoui. Les policiers comme les militaires doivent savoir qu’ils ne peuvent se cacher derrière des ordres pour tirer sur des manifestants et qu’ils auront à rendre compte de leurs actes. »

Au titre de l’article 4 du PIDCP, la Tunisie ne doit en aucune circonstance suspendre les droits fondamentaux, notamment le droit à la vie, l’interdiction de la torture et d’autres formes de mauvais traitements, ainsi que les principes fondamentaux d’équité des procès et du droit de ne pas être soumis à la détention arbitraire. Certains droits peuvent être restreints, « [d]ans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation », mais seulement « dans la stricte mesure où la situation l’exige », sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations qu’impose le droit international. En outre, le gouvernement est tenu d’informer immédiatement le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies des dispositions auxquelles il a dérogé, ainsi que des motifs à l’origine de cette dérogation.


« Après plus de 20 années de répression impitoyable, les autorités tunisiennes doivent maintenant prendre conscience qu’il est temps pour elles de rendre des comptes, a conclu Hassiba Hadj Sahraoui. Elles doivent revenir sur l’autorisation de " tirer à vue " et, pour que la Tunisie avance, réformer en toute priorité les services de sécurité. »

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