TUNISIE - La légitimité du Sommet des Nations unies est remise en cause par les manœuvres de harcèlement du gouvernement

Index AI : MDE 30/027/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Alors que les délégués du Sommet mondial des Nations unies sur la société de l’information ont signé l’Engagement de Tunis dans lequel ils réaffirment leur soutien aux droits humains, Amnesty International a déclaré que d’importantes leçons devaient être tirées du non-respect de ces mêmes droits par le gouvernement hôte avant et pendant le Sommet, qui s’est tenu à Tunis du 16 au 18 novembre 2005. L’organisation a affirmé que la légitimité même de ce Sommet et de son aboutissement avaient été remise en question par l’ingérence des autorités tunisiennes, et qu’aucun sommet organisé par les Nations unies ne devrait jamais plus se dérouler dans de telles conditions d’oppression.

Des défenseurs des droits humains et des militants de la société civile ont été soumis à une surveillance et des manœuvres d’intimidation de la police visant à les empêcher d’exprimer librement leurs points de vue et de participer pleinement au Sommet. Plusieurs militants tunisiens en faveur des droits humains et des journalistes étrangers ont été physiquement agressés par des policiers en dehors de la conférence, alors qu’ils menaient leurs activités légitimes.

L’accès aux sites internet d’organisations de défense des droits humains qui avaient publié des rapports critiques à l’égard de la Tunisie a été bloqué en-dehors du site de la conférence. Les groupes tunisiens les plus indépendants de défense des droits humains n’ont pas pu participer au Sommet en raison du refus persistant des autorités de leur accorder un statut au regard de la loi.

Un sommet parallèle organisé par des groupes de la société civile n’a pas pu avoir lieu, la réservation du site où il devait se tenir, qui avait été faite à l’avance, ayant été annulée à la dernière minute, à l’initiative, semble-t-il, des autorités tunisiennes. Des policiers en civil ont perturbé les activités de la société civile en empêchant l’accès aux bureaux d’organisations de défense des droits humains et aux sites où devaient se dérouler des événements parallèles planifiés par des organisations non gouvernementales.

Amnesty International craint vivement qu’une fois que les feux de l’actualité se seront détournés de la Tunisie, les défenseurs des droits humains dans le pays ne soient harcelés et persécutés par les autorités en représailles pour avoir parlé pendant le Sommet des atteintes aux droits humains en Tunisie.

Compte tenu de ces inquiétude et pour que plus jamais un sommet parrainé par les Nations unies ne se déroule dans ces conditions, Amnesty International fait les demandes suivantes :

Au gouvernement tunisien :

 d’enquêter sans délai et de manière exhaustive et impartiale sur les agressions physiques à l’encontre de défenseurs des droits humains et de journalistes étrangers qui ont eu lieu en marge du Sommet, et de déférer à la justice toute personne soupçonnée d’avoir commandité ou commis de telles agressions ;

 de prendre immédiatement des mesures pour garantir le droit à la liberté d’expression et d’association et protéger les défenseurs des droits humains en Tunisie, en accord avec ses obligations aux termes du droit international ;

 d’inviter sans délai les spécialistes des droits humains aux Nations unies qui ont demandé à se rendre dans le pays, tels que le représentant spécial du secrétaire général sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, le rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats et le rapporteur spécial sur la torture.

Aux Nations unies :

 d’ouvrir une enquête sur les nombreuses restrictions imposées aux militants de la société civile avant et pendant le Sommet et d’en rendre publics les résultats, en vue de garantir la pleine participation et protection des militants de la société civile lors des prochains sommets de ce type.

Aux gouvernements étrangers :

 de soutenir les défenseurs des droits fondamentaux en Tunisie et de faire du respect des droits humains et des libertés fondamentales un élément central de leur coopération avec la Tunisie.

À l’Union européenne

 de bien montrer au gouvernement tunisien, au plus haut niveau, qu’il a l’obligation de protéger efficacement les défenseurs des droits humains et de soutenir leurs efforts en vue de créer et développer des organisations indépendantes de défense des droits humains, en accord avec les Orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme ;

 de mettre en place un processus transparent et efficace dans le cadre de l’accord d’association de l’Union européenne avec la Tunisie pour faciliter la surveillance permanente et l’examen régulier des tendances et événements en matière de droits humains en Tunisie, et de prendre des véritables mesures d’assistance à la promotion et protection des droits humains en Tunisie.

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