Tunisie. La réussite relative du "Printemps arabe"

Cinq ans après que le vendeur de fruits Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu pour protester contre le harcèlement policier dans la ville de Sidi Bouzid, déclenchant une vague de protestations à travers la Tunisie et la région, les violations des droits humains qui y sont encore perpétrées rappellent de plus en plus les méthodes répressives et abusives du passé, a déclaré Amnesty International jeudi 17 décembre 2015.

Dans un document publié le 17 décembre, Amnesty International donne un bref aperçu des évolutions en matière de droits humains dans les pays ayant connu des soulèvements il y a cinq ans.

« Beaucoup ont osé espérer que le " Printemps arabe ", comme on l’a par la suite baptisé, augurerait de réels changements dans la relation entre les dirigeants et les peuples – partage du pouvoir accru, justice sociale, transparence, obligation de rendre des comptes et meilleur respect des droits humains. La réalité est que les conflits et la répression demeurent à l’ordre du jour dans la région », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

Parmi les pays passés en revue figure la situation :
en Tunisie : c’est la seule réussite relative qui émerge du « Printemps arabe » ; toutefois, les violations des droits humains persistent et des réformes sont requises de toute urgence, afin de ne pas retomber dans la répression du passé.
en Égypte : le pays reste soumis à une répression dure : des militants pacifiques et des détracteurs du gouvernement, des partisans du président déchu Mohamed Morsi et des dirigeants des Frères musulmans demeurent en détention. Des centaines de personnes ont été condamnées à mort.
à Bahreïn : les autorités continuent de réprimer la dissidence en recourant à une force excessive et arrêtent, détiennent et emprisonnent des manifestants ; des actes de torture et des mauvais traitements sont infligés aux détenus.
en Libye : le pays est profondément divisé : il est le théâtre de multiples conflits armés dans lesquels toutes les parties commettent des crimes de guerre et de graves atteintes aux droits humains, en toute impunité.
en Syrie : il s’agit du conflit armé le plus meurtrier de la région, qui a éclaté en réaction à l’intervention violente du gouvernement de Bachar el Assad lors des manifestations de masse. Des crimes terribles sont commis à grande échelle et la moitié de la population est déplacée.
au Yémen : les frappes aériennes menées par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et le bombardement de zones civiles par les combattants houthis ont fait des centaines de victimes parmi la population civile. Certaines de ces attaques constituent des crimes de guerre.

Depuis le soulèvement de 2011, la Tunisie est souvent présentée comme la seule réussite du « Printemps arabe », car elle a pris des mesures capitales en vue d’améliorer le respect des droits fondamentaux. En octobre 2015, le prix Nobel de la paix a été décerné au Quartet du dialogue national tunisien pour sa « contribution décisive à la construction d’une démocratie pluraliste » en Tunisie au lendemain du soulèvement.

Toutefois, les violations commises par le passé n’ont guère fait l’objet de poursuites, et les attaques des autorités visant des manifestants et des journalistes ne font pas l’objet de véritables enquêtes. Malgré des réformes positives, les restrictions arbitraires imposées à la liberté d’expression perdurent. À la suite des attentats meurtriers revendiqués par le groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI), des centaines de personnes ont été arrêtées et assignées à résidence, tandis que les défenseurs des droits humains sont la cible de critiques intensives en raison de leur travail.

« Les réformes du secteur de la sécurité sont trop limitées et les violations qui perdurent, notamment les actes de torture et mauvais traitements présumés, souvent infligés au nom de la lutte contre le terrorisme, agitent le spectre des méthodes répressives du passé, a déclaré Philip Luther.

« Les autorités tunisiennes doivent veiller à ce que les mesures de sécurité prises pour lutter contre le terrorisme respectent les droits humains et doivent s’abstenir de calomnier les défenseurs de ces droits pour leur travail légitime. »

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